Malgré la biodiversité, j'aime bien l'écrevisse américaine ()

ecrevisse_01.jpgTout le monde s'inquiète de voir l'écrevisse signal américaine avoir quasi anéanti les espèces locales. C'est bien dommage, c'est même terrible pour la biodiversité. Mais certains pêcheurs ne sont pas affolés par la nouvelle et en tirent un crustacé succulent et bon marché.

Ce sont deux élus Verts genevois qui le proposent par une motion: il faut pêcher et manger davantage d’écrevisses américaines (la signal) pour sauver les espèces locales menacées et décimées par ces envahisseurs yankees.

Alain Schmid, pêcheur à Saint-Sulpice, n’y croit pas. «C’est trop tard», affirme-t-il sur sa barque en partant relever ses nasses. «Des indigènes, on n’en voit quasi plus. La signal est même en train de coloniser les embouchures des rivières. J’en ai vu dans la Venoge jusqu’au terrain de foot de Bussigny, dans la Morges jusqu’à Vufflens-le-Château. Elle est trop résistante.»

Le problème est simple: la signal américaine, introduite côté français il y a quelques décennies, est non seulement intrusive et vorace, mais, en plus, elle est porteuse saine de la peste de l’écrevisse, qui décime les autres espèces de ce crustacés. Et elle n’est pas attaquée: «Son seul prédateur, c’est nous, les pêcheurs», rigole Alain Schmid.

Faciles à pêcher

«Elles prolifèrent sans souci, particulièrement dans la région comprise entre Allaman et Gland. On en attrape simplement dans les filets à brochets 5 ou 10 kg sans rien faire», explique-t-il. Entre Morges et Lausanne, il pose des toutes petites cages dans des zones pierreuses, où la bête peut se cacher dans des anfractuosités. Et il va les relever selon la demande. «On n’y va que quand on a des commandes, explique le pêcheur. Et on est sûr d’en ramener quelques kilos.»

Les professionnels lémaniques, pourtant, ne sont pas nombreux à capturer cet envahisseur. Celui-ci, s’il menace la biodiversité, présente un avantage pour les gourmets: «La signal est grosse, il y a donc quelque chose à manger, et elle est bonne.» Mais les consommateurs sont encore peu habitués à la préparer. D’autant qu’il est interdit de la transporter et de la vendre vivante aux privés, par peur que ces derniers ne la relâchent dans la nature. Les pêcheurs vont donc tuer la bête (sans la châtrer, opération interdite pour cause de souffrance d’après la nouvelle loi), puis la blanchir rapidement. A 25 fr. le kilo non trié, c’est un crustacé bon marché. Même Migros s’y est mis, qui en propose de temps à autre dans ses magasins.

Seuls les restaurateurs ont le droit de l’acheter vive, pour autant qu’ils bénéficient d’une autorisation et que, à chaque achat, le nombre de bêtes soit inscrit dans le registre. Guillaume Trouillot, dans son Esplanade aubonnoise, en prend régulièrement à Alain Schmid. «C’est un plat qui a toujours beaucoup de succès, particulièrement en été», explique le chef.


ecrevisse_3.jpgLa recette de Guillaume Trouillot

EN VEDETTE Au Restaurant L’Esplanade, à Aubonne, une ardoise propose chaque jour la pêche d’Alain Schmid. Dont les écrevisses, que le chef Guillaume Trouillot prépare entières et flambées au pastis.

VITE FAIT Le chef commence par faire revenir une garniture aromatique dans de l’huile d’olive (carotte, fenouil, échalote, thym et mignonnette de poivre). Puis il saisit les écrevisses bien chaudes dans sa casserole. Quand le jus est réduit, il fait flamber les crustacés au pastis sur un chariot devant le client.

«Il faut à peine les cuire, sinon elles se dessèchent et se défont.»



ecrevisse_02.jpgLes autochtones et les envahisseurs

Les écrevisses sont des parentes des homards, dans plusieurs genres de crustacés décapodes. Les indigènes à pattes rouges sont menacées, celles à pattes blanches encore plus, et celles dites des torrents, surtout présentes dans le nord-est, sont aussi en grave péril.

Parmi les envahisseurs, la signal ou de Californie se montre la plus virulente. A ne pas confondre avec l’américaine, qui vient de la côte Est, également présente dans nos lacs. Enfin, la rouge de Louisiane est déjà là, mais encore rare. Elle seule peut creuser des galeries. Quelques pattes grêles, originaires du sud-ouest de la France, existent encore.

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