Un poivre sauvé des Khmers  rouges ()

Kampot.jpgAu Cambodge, le magnifique poivre de Kampot a failli disparaître. Fort de son IGP, il arrive sur les tables suisses.

«Le poivre de Kampot est caractérisé par son goût épicé mais non brûlant, qui n’est pas agressif mais se développe progressivement en bouche. A côté de ce caractère épicé, l’intensité aromatique du poivre de Kampot lui confère sa qualité particulière.» C’est ainsi que commence le cahier des charges de l’Indication géographique protégée de ce poivre produit au sud du Cambodge, dans la province de Kampot. Un poivre de grande qualité qui a failli disparaître sous le régime des Khmers rouges et à cause de la guerre.

Aujourd’hui, 150 familles environ ont repris la culture des poivriers, dans cette région prise entre le golfe de Thaïlande et la chaîne de montagnes de l’Eléphant. Son microclimat convient bien à Piper nigrum L, la plante qui le produit. Reconnu au XIIIe siècle déjà, avant même le royaume d’Angkor, le poivre de Kampot connaît un boom sans précédent avec l’arrivée des Français à la fin du XIXe. On le trouve sur toutes les bonnes tables hexagonales et d’ailleurs, et sa production monte à 8000 tonnes par an.

En 1975, avec l’arrivée des Khmers rouges et la guerre civile de trente ans qui a suivi, les poivriers sont abandonnés, les fermiers déplacés. Et ce n’est qu’au tournant du siècle que des familles reviennent cultiver le poivre à Kampot. Depuis 2006, des ONG soutiennent cette reprise et, fin 2008, l’Indication géographique protégée est déposée, avec ses conditions strictes.

Un des meilleurs

Patrick Rosset, le spécialiste du poivre du Monde des épices, se rappelle: «Nous avions reçu des échantillons il y a cinq ans. Mais le produit n’était pas encore à la hauteur de ce qu’il voulait être. Aujourd’hui, il est prêt. Et c’est un des meilleurs du marché.» Importé aujourd’hui par Adler & Co, à Perroy, il commence à trouver sa place sur les bonnes tables romandes.

La production est traditionnelle. On commence par bouturer les plantes, Kamchay (à petites feuilles) ou Lampong (à grandes feuilles), qu’on plante sur des terrains bien drainés. Ces sols sont ensuite fertilisés avec des engrais bovins, du guano de chauve-souris ou un produit à base de crabes de rivière (interdiction d’avoir recours à la chimie). Ensuite, on va irriguer pendant la saison sèche, grâce aux mares créées à proximité. Et les pesticides sont naturels, selon des recettes secrètes ancestrales. Ne reste ensuite qu’à récolter les baies qui poussent par grappes sur l’arbre qui peut atteindre 3 mètres de hauteur. Selon la période de cueillette, on obtiendra les différentes couleurs du poivre (lire ci-contre).

Ici, tout se fait à la main, de la cueillette (grain par grain en général) au dernier tri qui élimine les baies défectueuses et classe les autres par tailles. Farmlink, à l’origine une association d’expatriés de la province, assure le suivi de toute la chaîne, avec une traçabilité qui permet de remonter jusqu’au producteur. Ce poivre d’exception bénéficie ainsi d’un traitement d’exception, le tout à un prix forcément élevé (16 fr. 20 les 100 grammes).

www.kampotpepper.biz pour tout savoir

www.poivre.ch pour l’acheter en ligne ou trouver des épiceries.


Les quatre couleurs du poivre

Les poivres de différentes couleurs proviennent tous de la même plante.

Poivre noir On récolte les baies presque mûres (dès le 1er janvier), on peut les tremper une minute pour les laver puis on les laisse sécher 3 à 4 jours, jusqu’à ce qu’elles atteignent une humidité de 12%. Les grains sont alors nettoyés et triés par taille.

Poivre rouge Les baies sont récoltées à pleine maturité, une par une, à la main. La suite du processus est la même que pour le noir.

Poivre blanc Là aussi, les baies sont cueillies à pleine maturité, avant d’être plongées douze heures dans de l’eau bouillante. Puis l’écorce du grain est ôtée à la main. La suite du processus ne change pas.

Poivre vert Les baies sont cueillies de septembre à décembre, et dégustées fraîches. En Suisse, on les trouve en général en saumure pour leur conservation.

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