Paolo Gervasi: la glace en héritage du grand-père ()

 

gervasi.jpgPaolo Gervasi fabrique toujours des boules artisanales dans son laboratoire de La Conversion, une saga commencée en 1935. Et elles sont délicieuses.

Depuis le premier magasin de glaces de son grand-père en Toscane ou celui de ses parents à Lausanne (voir encadré), Paolo Gervasi a bien développé l’entreprise familiale. S’il vend toujours ses boules sous l’enseigne Veneta à Ouchy, Lutry et Gruyère, il a construit avec L’Artisan glacier, à La Conversion, un temple de la glace et du sorbet artisanaux, sept employés, 80 recettes et près de 150 clients de Genève à Villeneuve, d’Yverdon-les-Bains à Neuchâtel, et même en Suisse alémanique. Des glaciers ou des restaurants.

«Je ne cherche pas à grandir à tout prix», assure Paolo Gervasi, «mais chaque nouveau client me permet d’acheter les ingrédients à meilleur prix et de continuer à ne prendre que le meilleur pour mes glaces et sorbets.» On le croit sur parole quand on voit qu’il n’y a nul composant chimique dans ses préparations, et que les fruits représentent à eux seuls plus de la moitié du poids des sorbets.

Clients exigeants

«Légalement, on doit mettre 25% de fruits dans un sorbet. Ce que font certains, qui ajoutent ensuite des arômes et des colorants. Moi pas! Aujourd'hui, le client veut avoir l’impression de mordre dans le fruit. Je sélectionne donc mes fournisseurs. Et j’importe moi-même ce que j’achète à l’étranger, par exemple des fruits surgelés, pour éviter les 35% que prendrait un grossiste.»

A La Conversion, les ingrédients sont d’abord pesés au gramme près. «Chacune de mes 80 recettes est différente.» Puis la masse est mélangée dans une cuve. Le système est totalement fermé pour éviter tout risque sanitaire. Les ingrédients sont pasteurisés à 85o C, puis passés dans un homogénéisateur qui met la masse sous une pression supérieure à 100 bar pour faire exploser les particules de graisse de la crème, du beurre et du lait et qu’elles se diffusent dans la glace. Ensuite, un refroidisseur à plaques refroidit la masse à 6o C, avant que cette dernière ne reste au calme pendant seize heures, afin de se stabiliser et que les arômes se fassent.

Dernières opérations le lendemain, avec le turbinage, le remplissage des bacs ou des bols et, immédiatement, le passage dans un surgélateur à -40o C. «Ce procédé évite qu’on ne retrouve des microcristaux de glace désagréables au palais.»

gervasi2.jpgChaque année, Paolo Gervasi et son équipe travaillent à de nouvelles préparations. «On a passé deux ans à chercher les meilleures manières de faire sept glaces au thé pour un client. Maintenant, on sait à la seconde près et au degré près comment infuser les différents thés», s’amuse-t-il. «Vous savez, on vend d’abord des émotions à nos clients. Ma straciatella, par exemple, je veux qu’elle rappelle inconsciemment les têtes de nègre qu’on mangeait enfant. On a aussi fait une glace bounty ou une läckerli, par exemple, dont les goûts sont dans la mémoire collective.»

Le glacier croit plus que jamais à son créneau de qualité à l’heure où des concurrents s’intitulent glacier alors qu’ils ne font qu’acheter des kits industriels qu’ils versent dans leur turbineuse. «Les amateurs de vraies glaces les repèrent tout de suite.» Et il rappelle que ses glace artisanales ne contiennent que 25% d’air, alors que celles industrielles en ont parfois jusqu’à 50%. «Vous pouvez calculer la différence de poids que cela représente!»

La saga Veneta

Tout a commencé à Viareggio, en Toscane, où le grand-père de Paolo Gervasi avait été engagé par un maître glacier vénitien. Avec la montée du fascisme, le patron, juif, a quitté le pays en laissant l’entreprise à son fidèle employé, et c’est ainsi que sont nées les glaces Veneta. Les parents de Paolo ont ensuite ouvert leur magasin à la Riponne, à Lausanne, en 1977, avec les recettes ancestrales. Coup de chance: le cinéma Romandie voisin projetait tous les grands succès et la file d’attente passait devant le glacier. Petit, Paolo occupait ses étés chez le grand-père à surveiller la turbineuse artisanale. Et c’est tout naturellement qu’il a repris les glaces Veneta dans les années 90. Mais sa mère est toujours là pour goûter les recettes. Et son père, 93 ans, descend tous les jours dans l’échoppe d’Ouchy.

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