La viande qu’on fait sécher patiemment ()

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Face à la production de géants de la viande valaisanne, une vingtaine d’artisans préparent toujours leurs salaisons à l’ancienne

A Vissoie, dans ce magnifique val d’Anniviers, les terrains plats sont une denrée rare. Marc Genoud est donc heureux de récupérer le rez inférieur de son bâtiment pour pouvoir agrandir sa petite entreprise à flanc de montagne, les Salaisons d’Anniviers, sept employés et une liste de clients de qualité, de Didier de Courten à Philippe Chevrier. Tout a commencé grâce à son mariage avec une fille de boucher. Le mécanicien est alors formé par son beau-père et il commence à produire un peu de viande séchée en 1989. Vingt-deux ans plus tard, il traite 80 tonnes de matière première par année, dont il fait plusieurs viandes séchées (bœuf, cheval, cerf, plus une artisanale faite à l’ancienne), du jambon cru, du lard sec et une vingtaine de saucisses «pour utiliser les parures».

Bien sûr, aujourd’hui, on ne met plus la viande à sécher dans un coin du mazot pour pouvoir la consommer dans quelques mois. Si la viande séchée du Valais a son Indication géographique protégée (IGP), elle reste encore un nain face à la viande des Grisons. Cette dernière peut utiliser des bêtes étrangères, alors qu’en Valais on n’a droit qu’à des bœufs suisses («il n’y en a pas assez en Valais pour toute la production»). Cet hiver, Cher-Mignon a racheté Fleury, et produit désormais 70% du marché, principalement chez les géants de la distribution. «Bien sûr, les grands économisent davantage. Leur viande ne diminue que de 43% de poids, alors que chez nous c’est 50%.»

Marc Genoud a mis en place un suivi de qualité depuis l’affaire de la vache folle, qui a fait tant de mal à la viande séchée. De l’élevage à la pièce terminée, chaque lot est suivi. A Vissoie, l’épaule de bœuf est parée, avant d’être mise en cuve avec un mélange de sel, de poivre et d’herbes dont chaque artisan garde jalousement sa propre recette. Pendant vingt jours environ, on va donc surveiller les pièces, les retourner et les sentir pour savoir quand elles sont prêtes à sécher.

Le moment venu, il y aura d’abord un court passage en étuve pour laisser égoutter les morceaux, avant qu’ils ne soient mis en filet et placés au séchoir, pendant quatre à huit semaines, selon leur taille. «C’est toujours l’air de la montagne, comme autrefois, explique Marc Genoud, mais on le contrôle. Il est maintenu à 10-12o C et 75-80% d’humidité. Oui, c’est drôle, on sèche la viande avec de l’air humide, sinon elle croûterait trop vite.» Pendant le séchage, on va presser la viande à quatre reprises pour lui donner la forme rectangulaire qu’apprécie le marché, permettant ainsi de faire des tranches bien régulières. «On a aussi une vraie viande artisanale non pressée, à la forme irrégulière, que je trouve meilleure, comme les vrais amateurs.»

Le marché est roi, mais pas toujours: «Nous salons relativement peu nos produits et notre viande est donc moins rouge que les viandes industrielles. Certains n’apprécient pas quand l’aspect est plus foncé, mais tant pis…» Même dans ce Valais traditionnel, les pièces entières trouvent moins d’amateurs qu’avant. L’artisan va donc s’équiper pour trancher sa viande séchée et la mettre en barquettes. «Mon fils vient de me rejoindre dans l’entreprise. Cela me donne beaucoup d’espoir pour la suite.»

Salaisons d’Anniviers, en vente chez Aligro, au restoroute de Martigny ou chez Manor Valais. www.salaisons-anniviers.ch.

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