Derniers jours à l'abattoir de Payerne ()

payerne1.jpgLe photographe Jean-Paul Guinnard a suivi pendant plus d’un an le travail de cet abattoir plus que centenaire avant qu’il ne ferme lundi

Payerne est sans aucun doute la capitale de la charcuterie vaudoise. Une réputation qui va jusqu’au surnom de ses habitants, les «Cochons rouges». Pourtant, la cité broyarde a fermé lundi le dernier de ses vingt-cinq abattoirs, construit en 1906, un monument de l’histoire alimentaire et gustative du canton au fronton duquel pose fièrement une tête de taureau en bronze. La faute à des normes d’hygiène devenues toujours plus sévères, qui rendaient impossible la rénovation des installations en l’état. Chaque année, 7000 porcs et plus de 1500 «unités de gros bétail» y étaient abattus.

Quand il a appris la condamnation à mort du bâtiment, le photographe Jean-Paul Guinnard a voulu immortaliser cet endroit hors du temps où les animaux venaient terminer leur existence dans un ballet où l’humain tient encore sa place. Bien sûr, l’abattage (par étourdissement électrique) et les saignées peuvent heurter les âmes les plus sensibles.

Ici, les odeurs sont fortes, les couleurs affirmées. Ici, les animaux crient avant de trépasser, même si c’est fait dans les règles de l’art. Ici, on scie, on découpe, on tranche. Ici, on n’a pas que des beaux morceaux qui passent sur les étals. Dans ce bâtiment de briques et de molasse, progressivement modernisé, c’est toute l’histoire d’une époque que Jean-Paul Guinnard a capturée «à l’ancienne», en négatifs 6×6 sur son Mamiya, des images parfois crues, mais toujours honnêtes.

«A l’heure où l’on mange autant de viande, je me dis qu’on ne peut pas continuer comme ça, revivre des scandales alimentaires en série. J’ai voulu témoigner de cette époque où chaque boucher connaissait les bêtes qu’il abattait, prenait le temps de les travailler proprement», explique-t-il.

Jean-Paul Guinnard est venu pendant plus d’une année faire de longs passages dans ce monument historique, avec la bénédiction des autorités broyardes: «Je me suis parfois censuré mais j’ai été très touché par ce que j’ai vu ici. Il y avait encore des gens qui savaient que tel boucher avait abattu des lapins et qui venaient directement chercher leurs abats au plus près de la production. Il n’y a pas cette proximité dans ces grands abattoirs industriels où chaque boucher ne voit passer qu’une partie de la bête.»

Les bouchers payernois vont se replier à Estavayer-le-Lac (FR), à Faoug ou à Moudon en attendant le nouvel abattoir régional prévu pour 2014. Jean-Paul Guinnard, lui, veut monter une exposition de ses photos.

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