La solitude du dégustateur au moment d’attaquer le Concours de Bruxelles ()

_CD27419.jpgRetour sur le concours mondial de dégustation des vins qui s’est déroulé à Aigle, vu de l’intérieur, puisque j'ai eu la chance d'être invité à l'une des tables.

Organiser l’édition 2019 du Concours mondial de Bruxelles (CMB), un des concours de dégustation les plus prestigieux au monde, offre quelques avantages. Que cet événement itinérant se soit arrêté à Aigle cette année a vu la part de vins suisses en compétition exploser, 600 candidats sur les 9200 du concours. Les vignerons du pays se sont sentis pousser des ailes à l’idée que la dégustation se passe chez eux. L’autre avantage est que le concours avait besoin de davantage de jurés suisses dans le vélodrome de l’Union cycliste internationale qui servait de cadre à l’événement. Parmi les 41 dégustateurs helvètes, il y avait donc quelques petits nouveaux… dont l’auteur de ces lignes, aussi honoré qu’angoissé d’être à la hauteur.

Les 350 jurés viennent de 50 pays et sont pour la plupart sommeliers, négociants, commerçants ou journalistes. Un des arguments du CMB est justement d’être proche du marché et des consommateurs, plutôt que les concours où les vins sont testés par les producteurs eux-mêmes.

Vendredi matin, arrivée donc sur place, petit café pour ouvrir la bouche et départ pour une des 62 tables du concours. À chacune, un ou une président-e, et quatreou cinq jurés. Les consignes sont claires: les vins sont jugés en direct sur la tablette disposée devant nous, selon dix critères valant plus ou moins de points. L’aspect et la limpidité rapportent dix points quasi automatiquement. Le nez (intensité, franchise et qualité) peut amener 30 points au total. Le goût (idem plus la persistance en bouche) rapporte jusqu’à 40 points. Enfin, 20 points restent pour un jugement global.

Notre président, W. Blake Gray, journaliste à l’américain «Wine Searcher», donne les dernières consignes, rappelle qu’on ne doit pas discuter entre nous, Tonislav le Serbe, Dimitry le Russe, Marie la Suissesse et Denis le Français. On commence par deux vins «de calibration», un blanc et un rouge: nos appréciations sont très proches, ce qui déclenche le sourire du président. Et c’est parti pour la cinquantaine de vins de chaque matinée.

Cinquante crus, dix notes chacun, cela fera 500 appréciations à délivrer dans une ambiance de concentration absolue, entrecoupée de deux pauses. Bien sûr, il faut garder l’œil sur la tablette. Le nez de ce vin un peu animal mérite-t-il 5 ou 6 points? La persistance de ce qui ressemble à un cabernet est-elle à son maximum? Dans le même temps, en notant ainsi individuellement chaque critère, on ne peut s’empêcher de regarder le total ainsi généré. Et ce cru que j’ai plutôt bien aimé arrive à une note inférieure au précédent qui était pas mal mais sans plus. Dois-je augmenter la cotation de l’un ou l’autre critère pour faire grimper un peu mon préféré?

Après chaque vin, le président donne la moyenne obtenue à notre table, ainsi que la note minimale et maximale. Une manière aussi pour chacun de se positionner face à ses collègues. Non, je n’ai pas toujours été dans la moyenne. Cela m’a inquiété un moment, avant que je m’en libère. Après tout, c’est mon goût qui est demandé, pas de me glisser dans la norme. Les résultats, eux, seront proclamés le 13 mai.

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