Anne-Lise Noz ne veut pas que les commerçants soient chocolat ()

La future présidente des commerçants lausannois se bat pour la survie des activités au centre-ville, avec ses racines rurales. (Portrait paru dans 24 heures du 6 mai, photo Vanessa Cardoso)

 

La vie d’Anne-Lise Noz suit le tracé presque rectiligne de la rue Marterey, à Lausanne. Il y a trente ans précisément, elle y débarquait avec son chocolatier-confiseur de mari, Nicolas, pour reprendre la petite boulangerie vieillotte qu’ils ont progressivement transformée en une adresse renommée. C’est aussi dans cette rue qu’ils ont élevé leurs deux enfants. Et c’est en défendant cette rue qu’elle s’est découvert un goût pour la chose publique. Enfin, c’est toujours à Marterey qu’elle nous donne rendez-vous, au Java, sa deuxième maison.

Pourtant, la Lausannoise d’adoption est née dans une ferme de moyenne montagne, sur les hauts de Boudevilliers (NE). «Gamine, comme mes deux sœurs, on partait seules en hiver à 6 h 30 du matin pour rejoindre, à skis de fond, avec une lampe frontale, l’école primaire. Aujourd’hui, le SPJ interviendrait. On mangeait notre propre production, on tuait le cochon. Je n’ai découvert la viande de bœuf qu’à 15 ans, quand je suis partie en Suisse alémanique.» La citadine absolue a gardé de ses racines un côté terrien qu’elle revendique, un goût de la simplicité, une faculté de travailler dur.

Démarrage difficile

«Nous avons repris la boulangerie il y a trente ans alors que j’allais accoucher de notre fils. Mais il fallait le faire, nous l’avons fait, même si cela a été dur parfois.» Derrière cette ténacité, il y avait une jeune femme un peu timide, sur la retenue, un peu modeste, qui voulait devenir éducatrice de la petite enfance. Mais, pour sa mère, rien ne pouvait se faire sans une année en Suisse allemande. Anne-Lise y part à 15 ans, à Gstaad, dans la boulangerie de la famille Beck. «Quinze ans, c’est tôt, d’autant que je n’avais pas l’occasion de rentrer à la maison.» C’est comme ça qu’elle est tombée dans le pétrin et dans le commerce.

Elle raconte cela en parlant doucement, tranquillement, précisément, comme son caractère qui la pousse à vouloir toujours bien faire. «Elle est un peu sur la retenue, analyse l’ancienne cliente devenue son amie, Carine Bonsack. Mais quand elle parle de ses projets, elle n’est plus dans le ronron. Elle est tellement engagée, persévérante.» La psychopédagogue apprécie aussi le côté tisseuse de liens de la commerçante. «Elle compte vraiment pour les gens du quartier.»

«Je ne peux vendre que des produits qui me plaisent, qui ont un vrai artisan derrière eux.»

La jeune fille reste à Gstaad pour obtenir son diplôme de gestionnaire de commerce, en allemand, avant de partir à Interlaken une saison, puis direction les Grisons. Elle n’aime ni l’avion ni les téléphériques: «J’ai cherché une station où on pouvait faire du ski en funiculaire et j’ai trouvé Saint-Moritz.» Elle a bien choisi puisque c’est là qu’elle a rencontré son futur mari, Nicolas, confiseur-chocolatier né à Crissier. Hors de toute religion, elle croit à la destinée. «Sans lui, je ne serais peut-être pas restée dans la chocolaterie, mais je ne peux vendre que des produits qui me plaisent, qui ont un vrai artisan derrière eux.»

Le goût du Maroc

À voir la devanture et les emballages de la chocolaterie, on sent le goût de l’artisanat. En l’occurrence celui du Maroc, l’autre patrie de la patronne. La faute à son premier voyage en avion, pas trop loin mais quand même. Les Noz atterrissent à Marrakech il y a quinze ans. «Les trois premiers jours, j’ai détesté. Rien ne fonctionne comme ici, les gens ne sont pas là au rendez-vous, les taxis te déposent à un autre endroit que celui où tu veux aller, tout est compliqué.»

«Le Maroc m’a obligée à lâcher prise et, aujourd’hui, j’ai besoin d’y aller régulièrement.»

Pour une férue d’organisation, le pays casse les codes. «Le Maroc m’a obligée à lâcher prise et, aujourd’hui, j’ai besoin d’y aller régulièrement. Ils ne disent jamais non mais s’ils ajoutent «inch’Allah» à la fin de la phrase, c’est que ce ne sera pas possible.» Elle qui n’a pas le sens de l’orientation se retrouve sans problème dans les souks de la Ville rouge. Elle y a développé un réseau d’artisans qui fabriquent selon ses modèles les décorations, les emballages Noz.

«J’y vais au moins deux fois par année, voir les prototypes, préparer les suivants.» Une manière aussi pour le commerce de rester toujours original. «Il y a les créations de Nicolas et les décors d’Anne-Lise, explique Carine Bonsack. Je l’admire d’avoir gardé une telle ouverture d’esprit, une telle motivation après trente ans dans les mêmes murs.»

La chocolaterie est partenaire d’AFIRO pour remettre le pied à l’étrier à des jeunes qui ont un parcours tortueux. La patronne siège aussi à la Société de développement de Marterey depuis longtemps quand le projet de rendre la rue 100% piétonne voit le jour. Elle s’engage, fait signer la pétition qui s’y oppose avec plus de 3000 signatures, et se retrouve à la présenter au Conseil communal.

Entrée en politique

C’est sa volonté qui intéresse le PLR qui lui propose de se porter candidate au Grand Conseil cette année. «Je savais que je ne serai que porteuse d’eau, mais je me suis beaucoup investie dans la campagne et j’y ai rencontré des gens formidables.» Elle se dit endurante et persuasive, mais parfois rancunière, seulement en cas d’injustice.

Comme membre du comité de la Société coopérative des commerçants lausannois, elle sera présentée pour la présidence à l’assemblée générale de juin. «Je suis déjà dans la commission communication, nous avons lancé la carte prépayée Enjoy cette année qui offre 20% de rabais. Le commerce est en pleine mutation, changement accéléré avec le Covid. Nous devons avoir une vision à moyen terme en prenant en compte la mobilité, l’écologie, mais aussi en collaborant entre les différentes branches. Le commerce est le plus gros employeur du canton.»


Bio

1966 Naissance dans une ferme au-dessus de Boudevilliers (NE).

1981 Part pour une année au pair à Gstaad, dans la boulangerie Beck. Elle y fera finalement son CFC de gestionnaire de commerce en terminant 3e du canton.

1984 Part une saison à Interlaken.

1985 Va travailler à Saint-Moritz et rencontre son futur mari, Nicolas.

1987 Rentre en Suisse romande, chez Walder à Neuchâtel. Nicolas la rejoint.

1991 Mariage.

1992 Reprise du commerce lausannois le 1er février. Naissance de Lucien le 28 mars, suivi de Léonore en 1994.

2007 Premier voyage à Marrakech, le 15 avril.

2019 Pétition pour refuser Marterey 100% piétonne. Elle en devient un des moteurs.

2021 Les Noz remportent le Caracathon.

2022 Candidate PLR au Grand Conseil. Présidente pressentie de la Société coopérative des commerçants lausannois.

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