À Mollens, la passion des herbes médicinales ()
Au pied du Jura, le Jardin des Ochettes est bien plus qu’un loisir pour ses deux propriétaires revenus d’un périple à vélo à travers l’Europe. Reportage.
(article paru dans 24 heures le 9 septembre 2023. Sur la photo de Chantal Dervey: Philippe Gendret et Cécile Ehrensperger.)
Le pied du Jura devrait être le lieu idéal pour cultiver des plantes médicinales et aromatiques, mais 2023 a été hors norme à Mollens. «Nous n’avons reçu que 30 litres d’eau en trois mois, les orages tombaient toujours plus loin», explique Philippe Gendret dans son Jardin des Ochettes.
Cela ne l’a pas empêché, avec sa compagne Cécile Ehrensperger, de récolter le double de la récolte des années précédentes, qu’ils ont séchée dans leur petite installation, obtenant 130 kg pour leurs tisanes, baumes ou teintures. «C’est un loisir bienfaisant qui favorise notre équilibre entre vie privée et vie professionnelle, une porte d’entrée sur des disciplines multiples passionnantes», sourient-ils.
Passion devenue petite entreprise
Leur passion est devenue une petite entreprise cette année, même si leur travail ne sera jamais rentable. «Il faut quarante heures pour récolter 1 kg de pétales de pavot», avance en exemple Cécile, elle qui est à la base directrice du Domaine socioprofessionnel et secteur Mineurs de l’Association La Branche, à Savigny, mais également nantie d’un diplôme d’herboriste et de phytothérapeute. Philippe, lui, est conseiller en transition énergétique, après une carrière qui l’a mené de l’horticulture aux médias, tout en obtenant son diplôme d’herboriste.
80 plantes au programme
«Le fait que ce soit une passion nous permet de faire des choses que ne pourrait pas se permettre une entreprise classique», affirme-t-il. Comme produire une quarantaine de plantes dans son jardin d’Éden commencé en 2013 (lire l’encadré) et en récolter une quarantaine d’autres dans les hauteurs du Jura ou des Diablerets, grâce à des autorisations cantonales.
En 2022, les deux amoureux ont réalisé leur grand projet: une année de route à vélo depuis l’Alentejo portugais jusqu’aux vallées géorgiennes pour y étudier les modes de culture des herbes et des plantes dans cette latitude 38° N si riche en espèces. «Nous avons dû reporter à cause du Covid, puis notre idée d’aller en porte-conteneurs du Nicaragua au Costa Rica est devenue impossible. Là, nous espérions aller dans le Caucase, mais la guerre russo-ukrainienne nous en a dissuadés», regrette Philippe.
«Ce voyage nous a donné beaucoup d’énergie, poursuit Cécile. On a rapporté des idées incroyables pour le nettoyage des champs, pour les assemblages de plantes, pour l’emballage.» «Cela va du râteau à olives qu’utilise notre ami Carlos pour brasser et nettoyer les lamiacées à l’exemple de cet agriculteur sicilien qui cultive des tomates sans eau.» C’est aussi l’occasion de découvrir des cultures pérennes et respectueuses, de rencontrer des herboristes, des médecins, des babouchkas, des alchimistes, des chamanes. C’est enfin la possibilité de retrouver des variétés anciennes de plantes médicinales, à replanter à Mollens.
Prendre soin de la nature
«Mais c’était triste aussi de voir certains paysages abîmés, conclut Cécile. Cela nous a donné encore plus envie de revenir ici, de replanter des arbres, de prendre soin des plantes qui nous donnent tant.» Chez eux, les essais se succèdent, parfois de façon empirique. L’approche se veut aussi cartésienne qu’ésotérique. À Mollens, la biodynamie rencontre le feng shui, la bioénergie s’associe à la biorésonance. «Tous ceux qui nous ont impressionnés sont ceux qui mélangent dix techniques pour arriver à un résultat extraordinaire.»
Le mois d’août est celui de la récolte, du séchage et de l’assemblage. «C’est l’aboutissement de cinq mois de travail. Nous faisons nos mélanges avec ce que nous avons produit, et les proportions peuvent donc changer d’année en année, comme un œnologue le ferait pour un vin.» Au programme, donc, des tisanes de loisir ou de confort. «On n’est pas une droguerie, on cherche autant les bienfaits que le goût, explique Cécile. On va mettre des plantes qui soutiennent un spectre thérapeutique, mais aussi d’autres qui soient bonnes ou qui soient belles.» Au final, le Baume des infirmières ou les tisanes «Dans les bras de Morphée» ou «Pour remplacer le café» ne promettent rien sinon beaucoup de plaisir. Et c’est déjà beaucoup.
Presque autonome
Acheté comme maison de week-end en 2005, le bâtiment a été rénové en 2009 avec plein de techniques pour être quasi autonome en énergie, sinon l’apport de bois de chauffage. En 2005, Philippe Gendret commence à planter le verger et les médicinales sur un terrain dégagé. «À l’époque, je privilégiais le soleil sur les plantations de médicinales. Mais, avec le changement climatique, nous avons réinstallé des haies et des arbres pour les protéger du vent et du soleil.»
En 2014, il rencontre Cécile, qui adhère à l’aventure. Ils ne cesseront d’étendre leurs cultures, récoltées et triées avec des amis, «pour le plaisir de partager». En 2023, ils créent leur société tout en continuant à travailler à côté.
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