Avant les Fêtes, le léger panettone lève toujours trois fois ()

Le gâteau traditionnel italien se multiplie avec l’hiver. Petit tour d’horizon de là-bas et d’ici. (Article paru sur 24 heures le 6 décembre 2024, photo Florian Cella).

 

 

Comme tout mets traditionnel, le panettone a ses légendes. En voici une: le dessert prévu pour un banquet du duc de Milan aurait brûlé, et on l’aurait remplacé par le pain d’un gamin (pane di Toni) que le duc aurait adoré. Ce qui est avéré, c’est qu’on le connaît dans le nord de l’Italie depuis le XVe siècle, d’où il a conquis la Lombardie, le Piémont, puis le Tessin, l’Italie entière et aujourd’hui le monde. La tradition italienne voulait qu’on ne le mange qu’à Noël, seul jour où les boulangers milanais pouvaient préparer pour le peuple le même pain que pour les nobles.

 

«Le panettone, ce n’est pas une recette, c’est une philosophie», affirme Luca Cossettini, le boulanger de l’avenue de la Gare, à Lausanne, qui s’est pris de passion pour ce pain levé riche en beurre, en œuf, en miel et en fruits confits. Cela fait vingt ans que le pâtissier améliore sa recette, n’hésitant pas à aller à Milan à la Coupe du monde qui a lieu tous les deux ans pour y glaner des astuces, y échanger avec d’autres ou mettre ses panettones dans la compétition.

 

Le secret du levain

Pour lui, le secret d’un bon panettone est d’abord dans le levain sec. Lui cultive le même depuis deux décennies, le nourrissant régulièrement, comme les levains liquides qu’il utilise pour le pain. «C’est de là que tout part. Les industriels utilisent d’autres méthodes pour faire lever la pâte, mais cela n’a aucune chance d’être aussi bien.» La fabrication dure trente-six heures, ponctuée par trois pousses, ces moments où on laisse la pâte lever.

 

On commence donc par prendre une partie du levain pour fabriquer un deuxième levain plus grand, qu’on va laisser fermenter. Puis on l’utilisera pour faire la pâte, qu’on laissera lever quinze à dix-huit heures à 24 °C, avant d’ajouter les fruits confits et de mettre la pâte dans son moule en papier et de la laisser encore lever cinq ou six heures. Finalement, on met tout ça au four, on laisse cuire en vérifiant avec une sonde la température à cœur. Puis on sort la pâtisserie en la piquant à la base pour la laisser refroidir à l’envers. «Le gâteau est tellement léger qu’il se tasserait si on le laissait posé à l’endroit.»

 

«C’est long, et il y a beaucoup d’ingrédients chers, ce qui explique son prix élevé», avance Luca Cossettini. Lui met 60% de beurre et 30% d’œufs locaux par rapport à la farine, soit davantage que ne le demande la recette originale. Par contre, il n’utilise pas des œufs issus de poules nourries exclusivement au maïs. «C’est ce qu’ils font en Italie ou au Tessin, et cela colore nettement la mie en jaune.»

 

Multiples déclinaisons

Depuis le XXe siècle, la tradition a bien sûr été réinterprétée, en ajoutant autre chose que des fruits confits. Luca en propose aux marrons glacés, au chocolat et mandarine, au yuzu et framboise, au chocolat et caramel, utilisant les pâtes de fruits, spécialité de son épouse, Séverine, et remportant des médailles d’or au Concours suisse des produits de terroir. «Mais si on veut vraiment tester la qualité d’un panettone, on prendra le traditionnel et on le coupera en deux pour regarder dedans si la mie est moelleuse, alvéolée, légère.»

 

S’il en fabrique dès le mois d’août jusqu’au mois de mars suivant, c’est vraiment pendant les Fêtes que les panettones se vendent le plus. «Dans son sachet plastique, cela se garde jusqu’à un mois. Mais aucun gourmand ne peut résister à le déguster pendant un mois…» On confirme.

 

Saveurs d’Italie

Si le panettone a conquis le monde, c’est d’abord à Angelo Motta, l’industriel qui l’a lancé dès 1919, avant d’être rejoint en 1921 par Alemagna, qu’on le doit. Aujourd’hui, de nombreux industriels en proposent, garnis de choses diverses et variées.

À Lausanne, Alessio Rosato chérit, lui, l’artisan boulanger découvert dans les alentours de Naples qui confectionne presque que pour lui les panettones qu’il vend au Mangiobevo (et chez Trigo Bakery), à Lausanne. C’est d’ailleurs lorsqu’il a fait déguster ces délices à ses voisins en 2017 que ces derniers ont convaincu l’économiste d’ouvrir une épicerie!

La tradition de Noël, uniquement, ne s’est pas perdue et est déclinée en sept variétés, du traditionnel jusqu’au mélange figue et chocolat. Mais c’est bien celui à la pistache (39 francs), sous son glaçage, qui se vend le mieux parmi les 3000 à 4000 pièces distribuées chaque année par le traiteur du Flon. «Il est très moelleux, ne contient aucun conservateur et on trouve qu’il a quelque chose de spécial, affirme Catalin Gherace, le directeur. Le succès de ce produit se fait tout seul.»

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