A L’Etivaz, la qualité du fromage se vérifie pièce par pièce ()


Etivaz1.jpgJusqu’au 20 novembre prochain, un cérémonial rythme les caves de la Coopérative de L’Etivaz chaque jour: la pesée. Pendant trois semaines, chacun son tour, la septantaine de producteurs passe le rituel qui constitue «le jour le plus important de l’année», comme l’explique Philippe Rosat, dit «Pipo». Chaque fromage apporté durant l’été est déplacé, pesé avant que le directeur de la cave, Christophe Magne, le tape pour vérifier sa qualité, voire le carotte pour le goûter, carottage qui sert aussi à Peter Zuercher, le conseiller en fabrication, pour ses analyses où il vérifiera la teneur en eau et en matières grasses.


A la fin de cette pesée, le producteur saura ainsi combien de fromages seront retenus par la coopérative, et lesquels seront classés en 1er choix autorisé à la vente sous le label de L’Etivaz, en 2e choix destiné à être commercialisé sous le nom de fromages d’alpage, voire en 3e choix, presque condamné à la destruction. Surtout, il saura ainsi quel chiffre d’affaires il a réalisé sur l’un des cent trente alpages. Le fromage est en effet payé 11 fr. le kilo au producteur, auquel s’ajoutera peut-être une prime à la qualité après un examen début décembre devant la Commission de taxation indépendante, qui notera les pâtes sur un total possible de 20.

En moyenne, 97,5% des fromages parvenus à la coopérative sont sélectionnés en premier choix, d’autant que le paysan peut garder pour lui 10% de sa production qu’il choisit parmi les meules légèrement abîmées. Et la note moyenne en taxation est aux alentours des 19/20. Ce n’est pas preuve de laxisme de la commission, indépendante de la Coopérative. Mais bien celle de l’esprit de qualité institué dans la région depuis la création de l’AOC en 1999. Et cette AOC impose un cahier des charges des plus contraignants aux producteurs: fabrication artisanale en altitude (1000 à 2000 m), cuisson au feu de bois dans une des dix communes autorisées, pas de transport du lait, qui doit être cru.

Mais cette exigence donne des résultats tangibles: L’Etivaz commercialise sans problème environ 450 tonnes de fromage chaque année, produites entre le 10 mai et le 10 octobre. Mieux: plus d’un tiers est vendu à l’exportation, en France, en Allemagne et en Belgique principalement. Côté suisse, les grands distributeurs restent importants en volume, «mais les petits détaillants montent en puissance, ce qui nous rend moins dépendants par rapport aux grandes surfaces», explique Christophe Magne.

Surtout, ce succès économique est «très important pour la région, poursuit-il. Cela a permis à beaucoup de producteurs d’avoir une exploitation rentable malgré sa petite taille». Du côté de la coopérative, Peter Zuercher, le conseiller en fabrication, passe régulièrement dans les alpages, donne des conseils, amène des levains lorsque ceux du paysan faiblissent. Et ce dernier peut venir régulièrement faire analyser ses produits en cas de doute. Enfin, la traçabilité de chaque fromage est assurée dès sa source, avec un cahier où sont notés la température extérieure, la quantité de lait dans la chaudière, etc. «Les paysans ont compris que la qualité est le nerf de la guerre», assure Frédéric Deschenaux, responsable du magasin de la Maison de L’Etivaz, où s’arrêtent les touristes.

«On a installé cette marque, on a aussi vendu l’image des hommes derrière le produit et ça marche», analyse Christophe Magne. Ce qui n’empêche pas la coopérative de poursuivre ses efforts marketing, ses contacts avec les grands clients, ses présences dans des foires ou des concours. L’Etivaz vient d’ailleurs de remporter un Swiss Cheese Award. A voir le soin mis à sa fabrication, c’est bien mérité.

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L’amour du travail bien fait

Philippe Rosat (dit «Pipo», photo ci-dessus) habite les Revers de Château-d’Œx et, durant la période estivale, il exploite l’alpage de Combarin, au-dessus de La Tine, à 1250 m d’altitude où il alpe ses 30 vaches (50 têtes de bétail au total). Au terme de la pesée, Pipo s’est vu crédité 5500 kg en premier choix, ce qui le remplit de satisfaction.


Avec son épouse, ses parents et un apprenti, Philippe Rosat assume non seulement l’exploitation de l’alpage mais aussi les travaux de fenaison. Et si les porcs sont absents de l’alpage, Pipo a opté pour la fabrication du «serré» avec un débouché auprès du commerce local. Formé en autodidacte, Pipo fromage depuis 1995, date depuis laquelle la famille exploite cet alpage, qu’elle a maintenant acquis. Un métier qui le remplit de bonheur en été, tandis que durant l’hiver il diversifie ses revenus par une activité de professeur de ski.

Apprécier L’Etivaz

Visiter: La Maison de L’Etivaz est ouverte tous les jours (de 8 h à 12 h, de 14 h à 18 h en hiver). On peut y voir un diaporama (2 fr.), visiter les caves à 10 h et à 15 h (5 fr.), y faire une dégustation vin/fromage (5 fr.) et bien sûr y acheter des produits de terroir à l’épicerie. Frédéric Deschenaux organise également gratuitement des visites dans les alpages environnants, avec ou sans repas.

Manger: On trouve dans le commerce de L’Etivaz jeune ou vieux (goût plus corsé), ainsi que des rebibes venues de fromages qui ont passé trois ans en cave. Environ 1000 pièces chaque année sont conservées pour les rebibes.

Avec la collaboration de Marie-Jeanne Rosat, photos d'Edouard Curchod.

Article paru dans 24 heures du samedi 15 novembre 2008

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