Quand il était petit, Stéphane Décotterd rêvait déjà d'étoiles ()

DECOTTERD_STEPHANE.jpgIl est assis à la terrasse du bistrot, après avoir parqué sa moto, serein, confiant. Et pourtant, à 34 ans, le voici qui s’apprête à reprendre à la fin de l’année un des meilleurs restaurants de Suisse – donc du monde –, le Pont de Brent, institution que Gérard Rabaey a patiemment construite pour l’amener au firmament de la gastronomie. Stéphane Décotterd possède cette force tranquille qui le fait avancer, progresser, tracer sa route en y mettant autant de passion que de conviction.

«Si, si, j’ai un peu d’anxiété devant la tâche», assure-t-il avant d’expliquer: «Quitte à reprendre quelque chose pour y travailler quinze heures par jour, autant viser le sommet. Si j’avais refusé la proposition, j’aurais vécu toute ma vie avec des regrets.»

Bien sûr, il sait déjà que certains feront la fine bouche avant même d’avoir goûté sa cuisine lorsque le maître ne sera plus là, même si, aujourd’hui déjà, «Monsieur Rabaey» et lui créent ensemble les plats du restaurant. Bien sûr, il voit l’affluence record qui vient à Brent depuis l’annonce du départ du chef, tous ceux qui veulent manger «une dernière fois» sa cuisine.

Stéphane Décotterd sait surtout qu’il a bénéficié d’une magnifique formation, entamée à 15 ans chez André Minder, qui dirigeait le Petit, à Saint-Légier. Une formation à la dure, avec un chef qui avait son caractère et avec qui il était seul en cuisine. Il lui a fallu être débrouillard, savoir tout faire, mais il en garde un souvenir ému: «Avec M. Rabaey, M. Minder est le meilleur cuisinier que j’aie rencontré. Avec une opposition de style totale.»

Minder, c’est le «cuisinier instinctif», celui qui achète le produit parce qu’il lui fait envie et qui trouve ensuite une manière de l’apprêter. Rabaey, c’est le chef «réfléchi, méticuleux, encyclopédique», qui connaît tout et qui sait exactement ce qu’il va faire. Et le style de Décotterd, de quel côté penche-t-il? «J’espère être quelque part entre les deux.»

Petit, déjà, ce Fribourgeois élevé à La Tour-de-Peilz baignait dans les goûts, avec un père ouvrier boucher-charcutier, qu’il accompagnait parfois le samedi lorsqu’il faisait boucherie dans une ferme alentour, et une mère qui aimait cuisiner. «La viande venait de chez mon oncle, qui avait une ferme, les légumes et les fruits du jardin familial.» S’il songe un instant à se faire ébéniste, c’est bien la cuisine qui finit de le convaincre au gré de plusieurs stages d’été dans des bistrots de la Riviera. Ses parents, qui ont toujours rêvé avoir une affaire à eux, «sont très fiers» de voir leur fils reprendre un restaurant à lui.

Pour fêter sa fin d’apprentissage, avec quatre copains, ils décident de «se faire une grande table». Ce sera, déjà, le Pont de Brent. «C’est drôle de se retrouver là, non?» Parce que c’est ici, aussi, qu’il a rencontré sa femme, Stéphanie, avec qui il est parti deux ans au Canada, «un rêve de toujours, mais ils ne sont pas encore au niveau, question gastronomie». Parce que c’est ici, enfin, que Stéphanie et lui pourraient terminer leur carrière après s’y être fixés au début de la trentaine. «J’ai des cousins en Gruyère qui avaient déjà construit leur villa à 30 ans et je me disais qu’il fallait être fou pour s’enraciner comme ça. Et, maintenant, je fais la même chose avec ce restaurant… Stéphanie a autant que moi l’envie de le faire vivre. Au début, on ne va pas trop changer les choses, mais, gentiment, on va imposer notre style.»

Ce faux calme ne rechigne jamais à l’ouvrage. C’est aussi ce qui l’a fait quitter le Lausanne-Palace, à l’époque. «Je risquais de m’habituer aux horaires agréables.» En 2008, il sacrifie tous ses lundis de congé pour se lancer dans le Bocuse d’Or. Une très belle cinquième place mondiale au plus grand concours gastronomique du monde viendra le récompenser. «Ça a été un déclic. Et j’ai appris à parler aux médias.» Ce timide qui se soigne redoute déjà de devoir faire bientôt sa tournée en salle, une fois le service terminé. Après, il ira lire, ce qu’il fait toujours avant de s’endormir, une de ses deux façons de décompresser. L’autre, c’est de s’occuper de sa fille, Camille. A voir son calme, les deux solutions semblent fonctionner.


En dates

1976
Naît à Billens (FR) en mars, sous le signe des Poissons.

1991
Démarre son apprentissage au Petit, à Saint-Légier, chez André Minder.

1998
Premier passage au Pont de Brent.

2000
Rencontre Stéphanie, sommelière en vins au Pont de Brent.

2003
Part avec Stéphanie dans un Relais & Château au sud de Montréal.

2005
Revient au Pont de Brent, après un passage aux Grisons, à La Punt.

2007
Naissance de Camille.

2008
Remporte le concours du Kadi, meilleur cuisinier suisse, qui lui ouvre les portes du Bocuse d’or, où il termine cinquième mondial.

2011
Reprendra le Pont de Brent le 3 janvier.

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