Dans dix ans, ce vin chérira vos artères ()

IRAC2091.jpgIRAC 2091, c’est le cépage du futur développé au Domaine du Caudoz, à Pully, et à Changins: il résiste aux maladies et il transmet ses antioxydants à l’homme.

Cela fait quatorze ans qu’ils y travaillent, et le premier résultat de leurs recherches devrait bientôt être prêt! Jean-Laurent Spring, Katia Gindroz et leurs équipes recherchent le cépage qui résiste au mildiou et à l’oïdium, les deux grandes maladies du raisin, tout en produisant un vin de qualité.

L’équipe de l’Agroscope Changins-Wädenswil poursuit le travail initié en 1965 par Jean-Louis Simon, puis par François Murisier. Eux cherchaient un raisin peu sensible à la pourriture, et ce fut le lancement des garanoirs, gamaret, carminoir, etc. Des cépages sur lesquels Jean-Laurent Spring et Katia Gindroz travaillent encore, en croisant le gamaret avec des merlots, cabernet, nebiolo, humagne ou cornalin.

Mais le nouveau programme commencé en 1996 va plus loin. L’IRAC 2091, croisement de gamaret et de bronner, semble bien parti pour résister aux maladies, et donc diminuer voire supprimer les traitements phytosanitaires. Et, encore mieux, ce cépage transmet au vin qui en est fait une concentration de stilbènes vingt fois supérieure au pinot ou au gamay. Ces stilbènes sont des antioxydants excellents pour la santé de nos artères et de notre système cardio-vasculaire.

Pas d’OGM

«Nos travaux n’ont rien à voir avec des organismes génétiquement modifiés», prévient d’entrée Jean-Laurent Spring au moment de visiter le domaine du Caudoz, à Pully, où l’on étudie ces nouveaux cépages. «Il s’agit simplement de croisements entre deux variétés par hybridation, avant d’étudier le développement des plantes et de sélectionner les meilleures.»

Grâce à Katia Gindroz, ce long travail de sélection a été un peu raccourci. Les premiers semis sont en effet testés rapidement de manière biochimique, ce qui permet déjà de choisir les plantes qui résistent le mieux aux maladies.

La deuxième étape consiste à planter ces différents semis dans une «pouponnière» où on favorisera leur végétation. Après une nouvelle sélection, les candidats restants sont plantés en pleine terre, à côté de plants témoins. Aucun traitement n’est effectué afin de voir comment les vignes résistent aux champignons. «Une année comme 2010 n’est pas idéale pour nous, car il y a très peu de maladie», explique le chercheur en souriant.

Les plants les plus intéressants sont ensuite cultivés à une vingtaine d’exemplaires, dont on va vinifier les raisins dans des microvinifications. Car il s’agit aussi de tester la qualité du vin produit. L’IRAC 2091 a réussi toutes ces étapes. Il va maintenant être testé dans différentes stations de recherche, dont l’INRA de Colmar avec lequel collabore l’institut suisse. Il pourra être remis aux pépiniéristes d’ici à cinq ans, afin qu’ils le diffusent auprès des vignerons.

Travail de bénédictin

Le temps que ceux-ci le plantent, puis qu’ils puissent en vinifier la récolte, vous ne boirez ce vin bon pour votre cœur que dans dix ans. «Oui, c’est un travail de patience», explique Jean-Laurent Spring. «Nous devons anticiper aujourd’hui ce que l’on voudra de nous dans quinze ou vingt ans. Mais je crois que la pression écologique sera de plus en plus forte, et appellera des cépages comme l’IRAC 2091. Mais ne vous en faites pas: nous avons d’autres beaux bébés en réserve pour la suite.»

 


Conserver et innover

L’Agroscope Changins Wädenswil est chargé de plusieurs missions en ce qui concerne la vigne. D’abord, il doit conserver la biodiversité de Vitis vinifera (la vigne européenne), et gère ainsi le conservatoire national des cépages, qui compte aujourd’hui 483 accessions. Depuis 1965, un ambitieux programme sélectionne des nouveaux cépages adaptés aux conditions climatiques suisses souvent génératrices de maladies. Ces nouveaux cépages plus résistants à la pourriture ont été obtenus par hybridation (croisement) entre des cépages européens, puis par sélection des clones obtenus. A ce jour, huit cépages ont été homologués dans le vignoble suisse et représentent presque 6% des surfaces: gamaret, garanoir, diolinoir, carminoir, galotta et mara dans les rouges, doral et charmont dans les blancs.

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