Lausanne vit au rythme du café ()
L’arc lémanique est un centre du négoce mondial du grain. Visite dans le labo où sont testés tous les cafés Starbucks.
Le bruit est incroyable: dans le laboratoire qualité de Starbucks, au Grand-Chêne, à Lausanne, testeurs et acheteurs dégustent en rythme les cafés qu’ils vont acheter. Comme il faut le faire avec un grand bruit d’aspiration, histoire de vaporiser le liquide sur tout le palais, le niveau sonore est élevé. On n’a pas le temps de chômer. Si, à cette saison, le volume est un peu moindre, de janvier à juin, ce sont des centaines d’échantillons qui doivent être contrôlés chaque jour par Laurence Pawelczyk, responsable du labo, et sa petite équipe.
Si Starbucks a décidé d’implanter à Lausanne les acheteurs et le laboratoire pour ses 16 000 enseignes, c’est bien que la Suisse en général et l’arc lémanique en particulier sont au cœur du négoce mondial du grain vert. On estime que notre région recouvre 50% des ventes mondiales. Evidemment, avec Nestlé, Nespresso, Ecom, Louis Dreyfus ou United Coffee dans le coin, cela pèse déjà lourd, sans compter la dizaine de petits négociants. Ajoutez-y Kraft Food, Rothfos ou Volcafé en Suisse alémanique, et vous comprendrez l’importance de la Suisse dans le domaine.
Mais revenons dans les locaux de Starbucks. Ici, les acheteurs négocient aux quatre coins de la planète, dans un marché qui chauffe. Le prix du café vert a pris l’ascenseur: +40% en une année, entre mauvaises récoltes dans certains pays et spéculation. Le groupe américain veut tenir une ligne responsable. Il négocie souvent des contrats sur trois ans avec les producteurs, et cherche à acheter un maximum de café «équitable», même s’il n’en trouve pas suffisamment. Et, ici, c’est du 100% arabica, la variété reconnue comme supérieure gustativement au robusta.
De l’œil au palais
Chaque jour donc les paquets express arrivent du monde entier. Dedans, 300 grammes de café vert tirés d’un lot. Les producteurs ont souvent de petites plantations, certains font cela à côté d’autres cultures. Le premier contrôle qu’effectuent Laurence Pawelczyk et son équipe est visuel: combien de défauts peut-on compter, des grains écrasés, moisis, fendus ou noircis? Car le processus de fabrication est sensible: le fruit du caféier est cueilli à la main. Très rapidement, par séchage ou par lavage, on en enlève la peau et la chair pour récolter les deux grains que contient la cerise du caféier. Après extraction de la coque, voici le café vert. Il faut encore le torréfier, en le passant dans un four à haute température. Ici, l’appareil miniature, capable de griller 120 g rammes de café, est la réplique exacte de ceux utilisés industriellement.
«C’est comme la préparation de pop-corn», explique Didier Frutschi en enfournant les grains dans le tube en rotation. La cuisson est précise, en plusieurs phases, pour arriver en une dizaine de minutes à 180 °C, avec le premier «pop» qu’on entend. «Là, le café perd 20% de son poids, de l’eau, et gagne 20% en volume», explique l’ancien élève de l’Ecole hôtelière, en poussant le gaz pour monter à 220 °C et entendre bientôt le deuxième «pop» signe de caramélisation: «Là, c’est l’huile qui sort et qui va donner le côté brillant au grain.»
Défauts traqués
Le lendemain, on passe donc à la dégustation. Le café est moulu, mis dans de grands verres (14 g par verre) dans lesquels on verse une eau frémissante mais pas bouillante. Starbucks est spécialisé en café infusé, pas en café machine. Puis, à l’aide de deux cuillères, on retire les particules en suspension et on démarre. Ils sont tous là, une cuillère à la main, un grand crachoir sur roulettes dans l’autre et l’indispensable tablier pour se protéger des éclaboussures. Un premier passage olfactif, au cours duquel on remue la boisson. Un deuxième passage gustatif, quelques secondes en bouche avant de recracher. «On cherche les défauts», explique Laurence Pawelczyk. Et elle en trouve. Il faut dire qu’elle s’y connaît: avant ses huit ans chez Starbucks, elle avait la même fonction chez Nestlé…
Et que boit-elle le matin avant de déguster des dizaines et des dizaines de tasses? «Un café, bien sûr!»
Du cacao jusqu'au citron
Même si elle cherche ses défauts, Laurence Pawelczyk connaît toutes les nuances du café comme un dégustateur de vin. Naturel, lavé ou semi-lavé; brésilien, éthiopien ou indonésien: sa préparation et son terroir vont lui donner des arômes différents, une amertume discrète ou non. Un Coffee&Dine au Lausanne-Palace, l’autre soir, organisé par Starbucks, cherchait à marier les dominantes du café à des plats bien précis.
Après un apéro au Breakfast Blend (nez de pain d’épices), voici un Yergachette (région d’Ethiopie), dont les senteurs d’agrumes et l’acidité agréable se révèlent avec un tartare de thon aux agrumes. Le House Blend, premier café de Starbucks, sent la noisette et le chocolat noir avec un goût bien rond. Il se marie plutôt bien avec une langoustine rôtie et un risotto crémeux, sans que ce soit la meilleure paire de la soirée. Pour tenir face à une noisette de cerf et ses champignons, un Sumatra, au nez herbeux et grillé, d’une belle longueur, s’est révélé à la hauteur. Et, plus facile, pour le dessert, un Antigua du Guatemala, poussé au pied d’un volcan, très chocolat.
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