Les recettes du "meilleur restaurant du monde" subliment le Nord ()

Rene Redzepi AFP-Nic470505.jpgRene Redzepi, dans son Noma de Copenhague, enthousiasme les critiques avec sa cuisine hommage à la rudesse du pays, et sort son livre en français

Décidément, la Scandinavie cartonne en cuisine ces derniers temps. Après le Bocuse d’Or remporté par un Norvégien en 2009 et par un Danois en 2011, voici Rene Redzepi, 32 ans (!), consacré pour la deuxième année consécutive «meilleur restaurant du monde». Le jeune chef danois enthousiasme par une approche très authentique, basée sur son terroir et ses racines scandinaves. Et le superbe livre qu’il vient de publier en français donne quelques clés pour comprendre sa cuisine.

Olafur Eliasson, l’artiste danois, raconte dans le portrait qui ouvre l’album comment Redzepi l’a épaté avec une sorte de crêpe au lait parsemée d’herbes et de fleurs, provenant du champ où la vache avait brouté. Un plat symptomatique du chef du Noma: pas de produits «exotiques», une vraie plongée dans le terroir du pays et ses aliments traditionnels, le tout réinventé par une grammaire parfois intellectuelle.

Couleurs sombres

Le Noma, lui-même, ce restaurant installé dans un entrepôt en briques du XVIIIe, sur les quais de Copenhague, combine dans un pseudo-dépouillement vaisselles d’artistes locaux et branches séchées, jouant entre le brun et le blanc. Ces codes couleur qui surprennent le visiteur habitué aux palettes du Sud se retrouvent dans les plats de Redzepi. Peu de rouge ou de jaune, mais le noir de la terre de malt, le gris des cendres de foin, le vert des branches de genièvre ou le pourpre des betteraves. Des assiettes qui semblent presque en désordre, tant le chef refuse les alignements impeccables de ses confrères classiques, des compositions qui sont autant d’hommages à la rudesse des paysages des îles Féroé, du Groenland ou de l’Islande.

C’est en voyageant dans ces terres sauvages que Redzepi a trouvé sa voie. Lui sortait de chez Ferran Adrià, et ne voulait pas le singer. La cuisine de son pays, elle, ne faisait qu’imiter la gastronomie française ou espagnole. «J’ai vite compris qu’il me fallait chercher du côté des autres cuisines régionales pour parvenir à diriger un restaurant gastronomique nordique», explique le chef. Là, dans l’Atlantique Nord, il va découvrir la nature sauvage et toute sa richesse: «Il nous fallait explorer les ressources naturelles dans leurs moindres recoins, passer en revue la centaine de champignons comestibles, la flore sauvage, les racines et les plantes en bord de mer.» Voici donc l’argousier et l’angélique, le vin de bouleau et le lait caillé, la moule géante et le macareux.

Un univers dépouillé

A feuilleter l’album qui vient de sortir, on est surpris et émerveillés par les photos de ces plats dépouillés, étrangement sauvages, recréant un univers aux tons froids, aux ingrédients peu connus, cassant les clichés de l’esthétisme gourmand. Le vent du Nord habite les assiettes, la lumière est crue sur les aliments ou sur les hommes, puisque Redzepi mélange les images de plats, de producteurs et de paysages. En fin d’ouvrage, les recettes sont des merveilles de précision et de sophistication. Mais n’imaginez pas en faire une seule: vous ne trouverez pas dans les magasins la moitié des ingrédients et les techniques flirtent avec le moléculaire.

 


Le concours

World’s 50 Best Restaurants recueille les votes de 837 «experts» venus de 27 régions du monde. La région de la Suisse est dirigée par... un Autrichien, Hannes Konzett, qui affirme visiter plus de 700 restaurants par an! Selon lui, la Suisse compte 15 membres dans le jury, dont six Romands. «Il est essentiel pour les cuisiniers d’obtenir les votes d’autres parties du monde.» Philippe Rochat, à Crissier, est 47e cette année.

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