Quinze ans à bien rouler les bricelets ()

machine_bricelet.jpgLe Gruérien Pierre Robadey et ses amis ont passé du temps pour mettre au point leur machine gourmande

Alors que les bricelets cuisent encore entre leurs plaques teflonées, Pierre Robadey et François Doutaz regardent leur machine dans l’abri de protection civile où ils la développent depuis des années, à Epagny (FR). «Il faudrait qu’on rectifie ce rouleau, non?» Cela fait quinze ans que le premier travaille à mettre au point ce robot. «Quand je voyais ma mère préparer les traditionnels bricelets roulés de Bénichon, je trouvais le principe plutôt simple et les gestes faciles à reproduire.» Devenu ingénieur mécanicien, Pierre Robadey se lance dans le projet, avec l’idée d’y arriver en un ou deux ans pendant ses loisirs. «Je sais qu’il existe d’autres machines plus ou moins artisanales», affirme le quadragénaire. «Mais je voulais utiliser la recette originale de ma mère et de ma grand-mère, sans aucun additif. Et produire des vrais bricelets de Bénichon, fins, cassants, aériens, pas de ces galettes dures, denses, remplies de farine.»

C’est bien là la difficulté de la chose. En utilisant le mélange des grands-mères gruériennes, la pâte n’est pas stable, la crème double est plus ou moins grasse. L’injection entre les deux fers est problématique, la cuisson délicate. Et le roulage! Ah, le roulage a donné bien du fil à retordre. Comment saisir le bricelet encore chaud et le rouler avant qu’il durcisse? «Comme dans tout projet, il y avait plein de «yaka» et de «il faut», mais rien ne marchait convenablement», explique l’ingénieur.

De la persévérance

De prototype en modifications, de tentatives ratées en essais désastreux, Pierre Robadey se décourage, songe à donner sa machine, la laisse en plan. Mais l’homme n’est pas du genre à renoncer. Il s’allie avec ses amis François Doutaz, mécanicien de précision, et Christian Gerber, ingénieur informaticien. La machine voyage du garage familial à l’atelier paternel, d’un autre garage non chauffé à l’atelier de François, avant d’atterrir dans cet abri PCi de l’immeuble construit par les Robadey. Des amis ingénieurs dans l’alimentaire sont appelés au secours.

Aujourd’hui, les quinze années de soirées et de week-ends sacrifiés représentent 6000 heures de travail. Et l’entreprise aura coûté quelque 50 000 francs en pièces et matériel. Mais la machine est prête, ou presque. Ce soir-là, après le préchauffage, un des six fours refuse de fonctionner correctement. Puis un deuxième renâcle. On continue quand même la production. Après quelques réglages pour donner aux bricelets la taille et la cuisson nécessaires, les biscuits s’enchaînent, toutes les 55 secondes.

La masse, placée dans une sorte de marmite à pression, est injectée par des tuyaux vers les fours où trois buses la déposent. Une deuxième plaque la presse puis, une fois le bricelet cuit, un rouleau à mâchoires vient se saisir de la feuille avec délicatesse pour la rouler. Elle refroidit encore quelques secondes avant d’être transportée tout doucement vers la sortie.

Le trio a désormais trouvé un débouché grâce à Sébastien Overney. Ce boulanger possède une petite entreprise (Domino) où il ne fabrique que des spécialités de Bénichon, croquets, pains à l’anis et meringues. Conquis par la qualité des bricelets du trio, il va déménager la machine dans son laboratoire pour produire en grandes quantités sous le label Dourobere (d’après les trois noms des inventeurs). Enfin, dès que les trois compères auront fini d’améliorer encore un peu leur bébé d’acier.




Longue saga

Le 22 juillet dernier, 24 heures se faisait l’écho de la rénovation par l’Association Jorat souviens-toi d’une antique machine à bricelets. Aussitôt, quelques industriels rappelaient qu’ils avaient eux aussi de telles machines, les plus grandes se trouvant chez Eclair, à Ecublens. Ces robots produisent en effet des bricelets d’excellente qualité, mais dans leur version solide, plus cornet à glace que délice fragile.

Les bricelets de l’équipe Robadey ressemblent vraiment à ceux que faisaient nos grands-mères, crème fleurette et crème aigre, vin blanc, kirsch, un soupçon de farine. En bouche, cela ouvre sur un côté caramel et crème double, aérien tant on sent le biscuit s’émietter sous la dent avant une finale où le kirsch se rappelle à notre bon souvenir avec mesure mais persistance.

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