Avec Adil, on prend la route des épices ()

épice,magasin,lausanneEn ouvrant UMA à Lausanne, l’Indien raconte de belles histoires autour des graines et des feuilles qui font notre vie

Pénétrer dans la petite échoppe d’Adil Nowbuth, au rez-de-chaussée du Centre Métropole de Lausanne, c’est partir pour d’infinis voyages. Car Adil ne vend pas que des épices, il vend des histoires pour chacune d’entre elles, s’enthousiasme pour ces explorateurs partis sur ordre du roi d’Espagne chercher du poivre aux quatre coins du monde, remonte aux sources de l’hindouisme pour expliquer le concept de l’ayurvéda qui utilise ces graines et ces plantes pour soigner «cette formidable usine qu’est le corps humain», gérée par «le plus puissant et infatigable ordinateur qu’est le cerveau humain».

Adil aime les voyages, lui l’Indien du Bihar né à l’île Maurice il y a 57 ans, arrivé en Suisse il y a plus de trois décennies pour suivre une formation et qui s’y est installé. «Avec mon frère Ashok, on s’est rendu compte à l’époque que les Suisses ne connaissaient rien aux épices et ne savaient pas où s’en procurer.» Les deux Indiens se lancent et tiennent dès 1985 un stand au marché de l’Ale, à Lausanne, où ils expliquent les curries ou les piments aux Vaudois.

Puis vient le coup de chance qui les fera connaître, un stand face au magasin Ikea, à Aubonne, où ils vont faire connaître leurs produits pendant dix-huit ans. Parallèlement, ils créent une société, Dharty, qui va vendre leurs épices à des grandes surfaces. Mais Ashok rentre à l’île Maurice et l’aventure Ikea se termine en l’an 2000. Adil part à Genève dont il revient fin 2013 pour ouvrir son échoppe lausannoise.

Savoir encyclopédique

Avec son charme, son sourire ravageur et sa gentillesse, l’épicier – au sens premier du terme – s’est vite fait sa place dans le grand centre commercial où ses voisines l’appellent «Monsieur Adil» en venant chercher un de ses tisanes ayurvédiques ou une de ses huiles essentielles. S’il ponctue son discours de grands éclats de rire, son savoir immense le fait expliquer l’origine de chacune de ses épices conservées dans de grands bocaux de pharmacien. «Attention, je ne suis pas thérapeute, je peux juste raconter l’expérience, la philosophie hindouiste et les vertus que les Indiens prêtent aux graines et aux plantes, sans aucune garantie. Je ne soigne rien», lâche-t-il en éclatant encore de rire.

Pour lui, chaque être humain a son épice: «Vous êtes plutôt graines de coriandre, vous, non? C’est le symbole de la communication.» Dans sa philosophie, le monde est parfait et seules nos pensées le polluent. «J’ai un magnifique kharma mais parfois il me lâche», rit-il encore.

C’est après une de ses nombreuses séances de méditation qu’il a choisi le nom UMA, qui veut dire la nature. «Et si vous déplacez une seule lettre, vous obtenez AUM, la vibration universelle des hindouistes.» Son logo comprend les cinq pétales de Shiva, les quatre points cardinaux, les trois cercles de la trinité, etc. Chez lui, tout va ensemble. «Mais l’essence même de l’ayurvéda, c’est de savoir qui on est soi-même. Toutes les épices, les massages, les huiles, c’est secondaire.»

Le marché de Samarcande

Pendant ce temps, Adil vous explique que les Indiens aiment le kala jeera, une sorte de cumin noir qui aiderait la digestion, qu’ils considèrent les graines de nigelle comme «un miracle de la nature» renforçant toutes les défenses immunitaires, qu’ils raffolent du curcuma parce qu’ils croient qu’il est bon pour la santé. Il vous racontera qu’après les batailles, les Romains s’enduisaient le corps d’assa fatida, une plante censée désinfecter les petites blessures et dont les Indiens parfument leur dal de lentilles. Que les graines de melon, les charmagaz, sont employées en Asie pour soigner la prostate.

«C’est vrai qu’en Asie, tout pousse si facilement, contrairement à l’Europe où il faut se battre. A l’époque, les marchands d’épices venaient jusqu’à Samarcande mais ils avaient peur de traverser le désert. Ce sont les Arabes qui prenaient le relais pour venir en Europe les vendre à prix d’or. Aujourd’hui, n’importe qui vend des épices mais peu de monde sait vraiment ce qu’elles représentent.» Adil, lui, peut vous en fournir 300 sortes, vous expliquer leur usage ou vous préparer des mélanges selon votre goût. Comme il peut vous vous faire voyager ou vous donner une leçon de philosophie…

 


TISANES SOLIDAIRES

Adil Nowbuth s’implique beaucoup dans le projet solidaire The Wise Herb Company, du Dr Ketan Joshi. Ce dernier est remonté aux sources de l’ayurveda pour intégrer à des thés verts des plantes selon des recettes anciennes censées apporter le calme ou l’énergie, la bonne humeur ou la perte de poids. Surtout, les plantes sont cultivées dans des villages au pied de l’Himalaya, où les paysans reçoivent un prix correct pour leur production, selon le principe du fairtrade. «Cela permet à une centaine de familles de vivre décemment», affirme l’épicier. The Wise Herb Company finance également la scolarisation des filles de ces villages pendant dix ans, l’éducation des fillettes étant souvent sacrifiée au profit de celle des garçons quand il faut choisir. «Ils ont aussi sorti deux boissons énergisantes, une pour chaque sexe!»

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