Le cabri ne se mange pas qu’à Pâques ()

cabris.jpgLes éleveurs de chèvres se sont associés aux chefs Ravet pour promouvoir la viande saine de leurs élevages

Les Suisses ont perdu l’habitude de manger du cabri, même à Pâques, période où on en dégustait traditionnellement. Alors qu’ils apprécient de plus en plus le fromage de chèvre, y compris les intolérants au lactose qui peuvent en consommer sans souci. «C’est bien tout le paradoxe de la chose, explique Pierre Schlunegger, éleveur à Forel (Lavaux) depuis plus de trente ans. Les chèvres ne donnent du lait que pendant cinq mois après la mise bas. Il faut donc les faire porter régulièrement si on veut les traire. On doit pouvoir vendre la viande de cabri parce qu’on ne peut pas garder tous les bébés.»

Les éleveurs ont donc lancé une grosse opération pour mieux faire connaître le goût du cabri, s’associant pour l’occasion avec les chefs étoilés Bernard et Guy Ravet, de l’Ermitage, à Vufflens-le-Château, qui ont élaboré des recettes avec toutes les parties de l’animal. «C’est une viande très maigre, explique Bernard, le père. Il faut donc faire attention à son mode de cuisson pour éviter qu’elle se dessèche, l’arroser souvent ou la cuire en cocotte. Quant à ceux qui craignent un goût fort, ils peuvent être rassurés, c’est une chair discrète, pas du tout comme l’agneau ou le mouton.» Pierre Schlunegger renchérit: «La chèvre donne son goût au lait, contrairement au mouton qui le donne à sa viande.»

Un menu au goût délicat

On a pu en juger à Vufflens, où les Ravet avaient élaboré un atriau de cœur et de collier avec une croustille d’orties, une dodine avec l’épaule, des dents-de-lion et de l’ail des ours, un foie cuit à basse température au parfum discret sous sa vinaigrette de rucola et artichaut, un carré juste cuit à la plancha, un plat de côte aigre-doux ou un gigot cuit en cocotte avec des morilles et de la ciboulette. Autant de déclinaisons qui justifiaient le propos des éleveurs réunis désormais sous le label Cabri Romand.

Ceux-ci souhaitent privilégier la vente directe plutôt que de passer par des grossistes dont le prix d’achat ne permet plus aux producteurs de gagner leur vie.

«Pendant longtemps, la chèvre a été un à-côté dans les exploitations. Le paysan avait quelques têtes pour occuper les enfants et leur donner le goût du métier. Maintenant, l’élevage s’est professionnalisé», affirme Pierre Schlunegger. «Particulièrement dans le canton de Vaud, qui compte le plus de grandes exploitations», explique Florian Sandrini, de la Fédération suisse d’élevage caprin. A Forel, le président de Cabri Romand élève 250 chèvres, Serge Kursner en compte 150 à Aubonne, «qui me donnent chaque année plus de 200 cabris».

A Prévonloup, dans la Broye, Nicolas Crottaz a carrément abandonné les vaches laitières quand il a repris le domaine familial, «vu ce qui se passe sur le marché du lait». Il élève désormais 60 chèvres, qui lui permettent de vivre, «à condition de maîtriser toute la filière, la fabrication et l’affinage du fromage, la vente directe de la viande». Pour Frédéric Brand, chef du Service de l’agriculture vaudois, l’élevage caprin n’a que des avantages: l’animal est polyvalent, crée davantage d’emplois en zone rurale que la vache, apporte une valeur ajoutée et contribue à la biodiversité.

Qualité suisse

Le vœu des producteurs, donc, c’est que les consommateurs retrouvent le goût de leur produit. «S’ils ont goûté des cabris d’importation, souvent congelés ou élevés dans des conditions industrielles, ils peuvent être faussés dans leurs impressions», explique Pierre Schlunegger.

Pour les producteurs suisses, l’autre enjeu, c’est la saisonnalité. «Avant, les chèvres mettaient bas entre janvier et février, d’où l’abondance de cabris de lait pour Pâques. Et on les oubliait presque le reste du temps», avance Serge Kursner. Maintenant, pour produire du fromage toute l’année, les éleveurs décalent les naissances. Ce qui signifie qu’on peut obtenir de la viande presque toute l’année. Soit en boucherie (souvent sur commande), soit en vente directe. Avec Cabri Romand, le but est désormais de centraliser la production et la demande, offrant au client une seule adresse pour commander. Mais attention: l’animal est vendu entier, voire en moitié, mais pas détaillé.

Pour commander: Pierre Schlunegger, 079 507 26 03. caprilait@bluewin.ch


Une viande idéale

Par rapport aux autres viandes, celle de cabri offre un profil diététique très intéressant. Pour 100 g, elle n’apporte que 122 kcal (contre 162 pour le poulet ou 180 pour le porc). Surtout, elle n’a que 2,6% de matière grasse, face aux 6,3 à 8,2% des autres. Son taux d’acides gras saturés est également excellent (0,79% contre 1,7 à 3%). Et elle est faible en cholestérol (63,8 mg contre 73 à 78,2 mg).

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