Claude Serex a créé l’œuf de Collomb de l’œnologue ()

ClaudeSerexOeuf.jpgComme des barriques ou des œufs en béton, cette nouvelle cuve en plastique doit permettre de mieux vinifier ou élever des vins

«Quand on me demande des choses, plus c’est compliqué, plus ça me plaît.» Et là, c’était compliqué! Quand Philippe Charrière et Lionel Widmer, responsables du Domaine cantonal de Marcelin, sont venus trouver Claude Serex, le patron de la petite chaudronnerie plastique de Puidoux, ils lui demandaient en effet presque l’impossible: une cuve en forme d’œuf parfait, semblable à celles en béton qu’utilisent plusieurs œnologues de la région, mais en plastique. Il faudra trois ans à l’ancien constructeur naval pour réaliser les prototypes, puis le lancement de ces cuves à la forme élégante. «C’était plus compliqué que prévu», admet-il aujourd’hui.

Mais pourquoi utiliser des œufs plutôt que des bonnes vieilles cuves ou barriques? La forme, basée sur le nombre d’or, permet une circulation interne du liquide qui soulève en permanence les lies (vortex), dans un mouvement que certains œnologues qualifient d’idéal. A Ollon, par exemple, Bernard Cavé utilise beaucoup de ces «cocons» en béton pour ses vins. La matière minérale a également l’avantage d’être microporeuse, ce qui permet un échange d’oxygène dans le vin qui en améliore l’élevage.

Le prix du béton

Mais ces amphores en béton sont très chères (5000 fr. environ rendues posées) et difficiles à manipuler vu leur poids. D’où l’intérêt des œufs de Claude Serex (2760 fr. et 40 kg seulement). Ils sont fabriqués en polyéthylène HD, une matière qu’on retrouve souvent dans les bacs à vendange que le constructeur produit également. «Aujourd’hui, la viticulturereprésente un tiers de mon chiffre d’affaires. J’espère que la proportion va augmenter avec cette nouveauté», s’enthousiasme Claude Serex. Il faut dire que le projet lui a demandé du temps et de l’argent (près de 250 000 fr.).

«Nous avons commencé par dessiner l’œuf, et le réaliser en bois. Nous l’avons moulé en plastique avant de l’utiliser pour faire l’empreinte en sable dans laquelle ont été coulées les demi-coques en aluminium. Ces dernières sont placées dans un four géant de 20 m de haut, rotatif, chez un prestataire. Nous y injectons le polyéthylène chaud qui, avec la force centripète, se plaque au moule.» La cuve revient à Puidoux où elle est tronçonnée pour y souder le couvercle, avant d’installer les bondes nécessaires. «En plus, c’est génial, on peut l’incliner facilement sur son support, soutirer le clair sans toucher aux lies, etc.»

A l’enthousiasme de Claude Serex répond l’intérêt des vignerons. Les premières pièces sont parties très rapidement (lire ci-dessous) et la fabrication des suivantes est en cours. «J’espère en vendre 120 d’ici aux vendanges.» Présentée à Agrovina, l’expo professionnelle, la cuve noire n’est pas passée inaperçue: des propositions d’exportation en France, en Allemagne et en Autriche sont déjà sur le bureau du patron. Aujourd’hui et demain, il organise les portes ouvertes de la fabrique.

Premiers échos

A Marcelin, Lionel Widmer, initiateur du projet, a mis dans l’œuf un gamay déjà clarifié il y a deux mois, en comparaison avec le même dans une cuve en acier. «C’est déjà top, ça ouvre bien le vin, cela fait ressortir son fruit. Je me réjouis de l’utiliser au moment de la vinification.» A Marcelin, il vinifiait déjà certains vins dans des cuves classiques en polyéthylène et il est convaincu du matériau. «En plus, il ne bouge pas, il a une immense durée de vie.»

A Epesses, Louis Fonjallaz a récupéré un des prototypes. Il y a mis depuis janvier un chasselas déjà fermenté mais avec ses lies. «Je voulais apporter du gras. Le développement aromatique est très agréable. Bien sûr, cela ne privilégie pas l’expression florale et fraîche, mais la complexité. La différence avec le même vin classique est bien marquée.» Lui aussi se réjouit d’y vinifier, soit un rouge soit un blanc.

A Vufflens-le-Château, Tristan Perey y a mis un pinot noir depuis quelques semaines. «On l’a trouvé plus rond mais on manque encore de recul.»

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