Valérie Marendaz: la vigneronne optimiste ne se fait pas mousser ()
La patronne de la Cave de la Combe, à Mathod, prend son métier par passion, produisant une vingtaine de vins, dont cinq effervescents.
(Article paru dans 24 heures du 27 janvier 2022, photo Patrick Martin)
Avoir cet optimisme alors qu’on a à peine passé la trentaine, c’est rare. Ajoutez-y une bonne dose de bonne humeur et vous obtiendrez Valérie Marendaz. Elle nous reçoit dans sa cave de Mathod sans faire de chichi, accompagnée par l’indispensable «Apache», qui se prétend berger australien mais dont la mère pourrait avoir fauté avec un bouvier bernois. Qu’importe? Sa maîtresse l’aime comme il est, ce gros câlineur qui fait semblant de jouer au méchant quand on arrive.
La Cave de la Combe a été créée en 1983, par le papa, Daniel Marendaz, complet autodidacte, perfectionniste et soucieux de tout. Méthodique aussi, comme lorsqu’il a décidé de se lancer dans les vins effervescents réalisés en méthode traditionnelle. Avec une gamme qui comprend brut, demi-sec, brut rosé, brut impérial, rouge doux, c’est fou comme le terroir de Mathod, au sein des Côtes de l’Orbe, produit de belles choses. Au point de pousser 60 vignerons du canton à confier leurs effervescents au savoir-faire de Daniel Marendaz pour la «prise de mousse».
«Je suis assez indépendante. Et pas très forte pour déléguer.»
Valérie poursuit la production de ses propres spécialités à bulles mais elle n’a pas voulu reprendre l’activité extérieure, qui sera confiée dès cette année aux Dizerens de Lutry. «Je veux rester à taille humaine», avoue la vigneronne, qui avait déjà renoncé aux 3 hectares loués par son père, pour ne conserver que les 6 hectares en propriété. «Je suis assez indépendante. Aujourd’hui, je travaille avec mon employé Julien, qui a mon âge. Mais je n’ai pas envie de devoir engager davantage de gens. En fait, je ne suis pas très forte pour déléguer.»
Elle le dit avec un sourire désarmant de franchise, n’hésitant pas non plus à parler de ses défauts. Ou de dire que son parcours s’est imposé comme un coup de cœur après ce séjour dans une ferme près de Hambourg. «Je m’étais imaginée enseignante à un âge où on ne sait pas trop choisir. Soudain, j’ai découvert ce métier de la terre. Mon père n’a poussé ni mes deux frères ni moi à reprendre le domaine. Mais ça lui a fait plaisir que je me lance, d’abord à ses côtés, puis que je reprenne en 2017.»
Dix métiers en un
«C’est génial, ce métier où tu fais plein de choses différentes, de l’agriculture, de la vinification, de la vente, du marketing, des livraisons, du bureau. Bon, le bureau, ce n’est pas mon activité préférée.» Depuis la reprise, elle a plein d’idées. Un changement d’étiquette, le développement du marché de la restauration, la fin des herbicides et des insecticides, une cuvée de l’amitié éphémère pour essayer quelque chose de nouveau chaque année, tester plein de vinifications. «Je produis une vingtaine de vins, mais certains tiennent dans une seule barrique et mon plus gros lot, le pinot noir, fait 3000 ou 4000 litres par année. Avoir beaucoup de vins, ça m’éclate. J’ai énormément de chance de pouvoir vivre cette vie-là.»
La passion est là et elle ne quittera pas le métier tant que ce moteur la guidera. Même si son amour du Brésil, découvert par son mari Marc, binational, lui donne des envies d’ouvrir une pousada là-bas. Entendez un hôtel de charme. «On y était encore à Nouvel-An. Avec Marc, on aime louer une voiture et partir à l’aventure. Et comme je commence à parler brésilien…»
«Quand j’ai repris, j’ai eu une suite de galères. Mais je m’en suis sortie.»
Elle aime se promener dans la nature avec «Apache», et s’inquiète du changement climatique. Elle n’a qu’une part des solutions: apprivoiser son sol, ne pas traiter si cela n’est pas nécessaire («je déteste ça») mais ses vignes sont compliquées à passer en bio, planter des cépages résistants aux maladies. L’optimiste pense qu’«il y a toujours une solution. Quand j’ai repris, j’ai eu une suite de galères. Le gel dans les vignes, l’affaissement d’un mètre de mon terrain qui n’avait jamais bougé avant, l’incendie dans mon caveau. Mais je m’en suis sortie.»
Randonnées dans les vignes
Ce que confirme son amie Angélique Meier, avec qui elle a fait toutes ses écoles: «Elle est persévérante, tant pour son entreprise que dans sa vie privée. Elle ressemble à son père même si elle est encore jeune, et donc insouciante.» La période Covid lui a amené une nouvelle clientèle qu’elle reçoit le samedi, labellisée par Vaud Œnotourisme. Elle a lancé l’année passée un concept de Vino Rando, où elle fournit un panier de pique-nique à ses hôtes qui vont suivre un parcours fléché et expliqué dans ses vignes, avant de faire l’apéro ou la fondue dans sa capite.
L’ancienne membre des Jeunesses campagnardes avoue être une sacrée fêtarde avec ses amis, indispensables à sa vie. «C’est une bonne vivante, sourit Angélique Meier, elle aime sortir, boire un verre. Et elle a le plus souvent bon caractère. Bon, elle peut s’énerver un peu parfois, en restant très correcte.»
La sportive pratique le volley au VC Eburo, en championnat vaudois, a quitté le snowboard pour le ski, pratique l’équitation chez sa belle-mère. «J’ai toujours 20 ans dans ma tête même si j’ai pris un coup de vieux: j’ai commencé à faire des puzzles.» Elle lit aussi, des enquêtes ultragore ou, pour contrebalancer, la feel good Virginie Grimaldi. «Je n’ai pas envie de jouer à la girl power. Ici, je suis la seule vigneronne mais ça n’est pas un thème, personne ne me le fait remarquer. Je préfère faire le Salon des Côtes de l’Orbe plutôt qu’un salon de vigneronnes où on resterait entre nous.»
Bio
1991 Naît un 7 février à Mathod. Elle a deux frères aînés. 2009 Termine le gymnase d’Yverdon en filière sociopédagogique avec l’idée de devenir enseignante. Passe deux mois dans une ferme en Allemagne et découvre les joies du travail manuel. 2010 Fait un stage de vigneronne chez les Cruchon, à Échichens. Rencontre Marc, Suisso-Brésilien passionné de mécanique, à une fête de Jeunesse à Orges. 2011 Haute École de Changins, où elle finit ingénieur œnologue en 2015 (oui, elle a redoublé). 2015 Revient au domaine. 2017 Reprend la Cave de la Combe au 1er janvier, tandis que son père poursuit la prise de mousse à façon. 2019 Épouse Marc, ingénieur en mécatronique à la HEIG. 2021 Lance le concept de Vino Rando. 2022 Derniers contrats de prise de mousse de son père.
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