Ce n’est pas vraiment un label, mais il compte trois degrés. Au premier, le restaurant s’engage, s’autoanalyse et prévoit trois premières mesures. Au deuxième, il prouve ce qu’il a entrepris. Au troisième, il est régulièrement contrôlé. Les 12 aspects vont des ressources naturelles à l’énergie, de la mobilité aux déchets, du social à l’information.
«Ces notions de durabilité deviennent de plus en plus importantes pour nos hôtes, explique Véronique Kanel. Et, avec la restauration, on peut avoir un vrai impact dans ce domaine. Elle doit agir, et également mieux communiquer ses efforts.»
Vision large
Pour le moment, la première et seule adresse à avoir atteint le deuxième niveau est l’Auberge du Chalet-des-Enfants, au Mont-sur-Lausanne.
«Nous sommes également labellisés par Fait Maison et par Ecocook, qui est venu faire un audit, raconte Romano Hasenauer, le patron. Comme nous sommes vraiment convaincus de notre responsabilité environnementale, nous avions déjà beaucoup travaillé dans ce sens, et Ecocook a montré que nous étions vraiment bons. Mais il y avait encore plein de petits trucs, comme les produits de nettoyage utilisés.»
Cet exemple ultime, posé au milieu des champs, n’utilise que des énergies renouvelables, recycle tous ses déchets, a son propre potager en permaculture, ne se fournit qu’auprès de producteurs locaux, souvent en direct. «C’est un sacré job. Mais attention au greenwashing de certaines tables qui s’affirment 100% durables et chez qui ce n’est que du blabla.»
Deux autres adresses romandes sont pour le moment labellisées Swisstainable, au premier niveau: l’Auberge de Tissinivia, dans les alpages de Charmey, où le papa du patron fournit les fromages et les charcuteries. Et Les Lacustres, à Estavayer-le-Lac, qui encourage sur son site le vélo électrique, la balade à pied ou le covoiturage.
Penser chaque étape
Un autre convaincu vient d’ouvrir son restaurant fin février, à Lausanne. Mario Mattiello, ancien ingénieur, s’est reconverti dans la fabrication de vraies pizzas napolitaines, de sa patrie. Il a monté son projet, Domani Pizza, au Petit-Chêne, à Lausanne, en se posant des questions à chaque étape.
«J’étais déjà zéro déchet à la maison, je suis bénévole dans une épicerie en vrac, et je voulais vraiment lancer une adresse écoresponsable, ce qui manque encore beaucoup dans la restauration.»
Chez lui aussi, cela passe par mille détails, l’énergie renouvelable, les boîtes à pizza réutilisables ReCircle, des ingrédients les plus proches possibles: «Je livre des seaux lavables à Mozzafiato, à Cuarnens, pour une mozzarella sans emballage. Mes pizzas ne contiendront par exemple pas d’olive. Quant aux tomates, et c’est un Napolitain qui le dit, j’en ai trouvé de magnifiques à Denens, bios, dont j’ai fait ma sauce pour l’hiver.»
Olivia Grebler, qui a lancé Ecocook il y a neuf ans, a vu l’intérêt des restaurants augmenter fin 2019, avant que la pandémie les freine.
«La restauration collective est venue d’abord, souvent pour répondre à des appels d’offres qui demandaient de la durabilité. La restauration privée y vient aussi, pour suivre la demande de leurs clients. Le marché est mûr, du bistrot de campagne jusqu’au Relais&Châteaux. Mais c’est bien sûr plus compliqué pour de petites structures, c’est pour cela que nous avons développé l’audit en ligne qu’elles peuvent remplir facilement.»
À Dorigny, tant l’UNIL que l’EPFL ont fait le pas pour leurs restaurants. Des produits majoritairement suisses et toujours de saison, la moitié des plats végétariens, la chasse au gaspi, etc. Les étudiants sont impliqués dans le changement.
Même l’imprimante
À Vallorbe, Sébastien Rindlisbacher, patron de l’Auberge, a apprécié l’aide d’Ecocook. Naturellement, il travaillait déjà beaucoup les produits locaux – même si le restaurant s’autorise quelques produits de la mer à sa carte –, il triait ses déchets, etc.
«Mais l’audit m’a fait prendre conscience qu’il restait des à-côtés à prendre en compte, par exemple les papiers pour notre imprimante.»
Ces pionniers avouent tous que passer au durable nécessite de l’implication et du temps, de sortir de sa zone de confort, d’aller chercher des solutions innovantes. Mais ils en sont tous convaincus. «Pour nos hôtes étrangers, trouver des destinations durables à tous les niveaux, de la mobilité à la restauration, cela devient de plus en plus important», conclut Véronique Kanel.
«La restauration collective a un rôle à jouer»
Parmi les pionniers, le groupe Concordance est labellisé Ecocook depuis 2017, au niveau maximal. Ce spécialiste de la restauration collective, cinq cuisines, plus de 4000 repas par jour pour des écoles, des entreprises ou des EMS (et un restaurant à Puidoux) est pleinement convaincu de son objectif.
«Nous sommes persuadés d’avoir un rôle à jouer dans la réduction de notre impact environnemental», affirme David Hartmann, responsable administratif. «Tout le challenge est d’avoir le maximum d’ingrédients suisses et locaux, explique Astrid Maurer, responsable du développement durable. Chaque mercredi, au comité de direction, nous rediscutons de certains produits que nous éliminons s’ils ne correspondent pas à notre éthique.»
Le projet concerne une palette large, depuis les infrastructures, le matériel utilisé, la gestion des déchets, les techniques de cuisson, la formation du personnel, les contrats de travail, l’encouragement au covoiturage des frontaliers.
«Nous essayons d’inculquer les bonnes pratiques et nous voyons que nos collaborateurs les transposent à leur domicile», se réjouit Astrid Maurer.
«Nous devons être en avance sur la volonté de nos clients, anticiper le passage, avance David Hartmann. Même si certains d’entre eux rechignent aux produits locaux et de saison, qui, selon eux, limitent la diversité des menus, alors que d’autres sont pleinement convaincus. Un des bénéfices cachés est que nous avons sans doute conservé certains clients qui auraient pu choisir ailleurs plus durable.»
«Comme nous sommes aussi labellisés ISO 22’000, il y a des antinomies, par exemple sur les produits de nettoyage. Des produits de nettoyage désinfectants voulus par la norme sont combattus par le label Ecocook, explique Astrid Maurer. Nous talonnons nos fournisseurs pour qu’ils trouvent des solutions.»
Trouver des conteneurs pour les repas à domicile n’a pas été facile non plus, «si on veut éviter le bambou chinois rempli de fluor, le papier issu de forêts non durables ou qui a transité par quatre pays, les encres nocives, etc.» conclut David Hartmann.
4 efforts à faire à la maison
Une «Encyclopédie de l’alimentation durable» (Éd. Flammarion) propose quelques pistes pour améliorer son bilan à la maison. Sans chercher à être 100% durable, on peut y tendre par certaines nouvelles habitudes et prises de conscience.
- Cela commence évidemment par des achats de produits locaux et de saison. «Acheter directement chez le producteur est l’idéal, affirme de son côté Romano Hasenauer, patron du Chalet-des-Enfants, à Lausanne. Avec en plus un côté social et une rémunération plus équitable.
- 31% des émissions de CO2 de notre alimentation proviennent de la consommation de viande et de poisson. Réduire l’alimentation carnée est donc un geste pour la planète. Et donner la priorité au bœuf ou au porc local et bio.
- Éviter le gaspillage. 30% des aliments jetés sont encore dans leur emballage, il faut donc faire ses courses intelligemment. Apprendre à utiliser le maximum d’un produit, la fane des carottes ou les bas morceaux de l’animal. Faire des bouillons. Cuisiner les restes.
- Éviter les emballages inutiles.