Le cuisinier décédé rêvait de fournir aux candidats suisses du Bocuse d'Or au concours gastronomique une cuisine dédiée. C’est désormais réalité. (Sur la photo de Pierre-André Fragnière, l’Académie du Bocuse d’Or entoure Franck Giovannini, Anne-Marie Débieux-Rochat, Laurence Rochat et Lucien Mosimann dans la nouvelle cuisine).
«Les Scandinaves ont été les premiers à se doter d’une cuisine en tout point pareille à celles dans lesquelles on cuisine au concours», explique Franck Giovannini, le patron de Crissier, qui a lui-même participé deux fois à la compétition, terminant troisième en 2007 et une fois cinquième.
Celui qui a repris la présidence de l’académie connaît donc bien l’ambiance et les difficultés de réaliser en cinq heures et demie deux plats de haut vol pour une vingtaine d’assiettes.
Automatismes à régler
Cette gageure est rendue possible par des journées et des journées d’entraînement pour que chaque geste devienne automatique, chaque détail peaufiné avant que le jury composé de chefs de légende déguste les assiettes.
«En s’entraînant dans une cuisine qui ressemble à celle de la finale, on gagne de précieux automatismes, affirme Franck Giovannini. D’ailleurs, aujourd’hui, tous les pays s’équipent aussi d’une cuisine dédiée.»
Si Philippe Rochat en rêvait à l’époque, le rêve ne s’était jamais concrétisé, faute de moyens. Début 2020, un nouvel espoir se dessinait, avec entre autres une soirée de soutien où sept anciens candidats cuisinaient un menu de rêve. Mais le Covid est passé par là.
Heureusement, Peter Geiser, ancien patron de l’entreprise KADI et soutien historique du concours suisse, a décidé de financer les quelque 80’000 francs que coûte la fameuse cuisine, déjà en partie utilisée par le candidat 2021, Ale Mordasini.
«Philippe a toujours eu le sens de la transmission. C’est génial que la famille ait permis qu’on donne son nom à cette cuisine mobile.»
Lucien Mosimann, coordinateur de l’Académie suisse du Bocuse d’Or
Désormais achevée, elle a été officiellement baptisée «Cuisine Philippe Rochat» dans la campagne bernoise, à Schüpfen, où le candidat suisse Christoph Hunziker prépare la finale mondiale des 22 et 23 janvier 2023, à côté de son restaurant, le Schüpbärg-Beizli (13 au Gault&Millau). «Philippe a toujours eu le sens de la transmission, avance Lucien Mosimann, c’est génial que la famille ait permis qu’on donne son nom à cette cuisine mobile.»
Présentes, sa compagne, Laurence Rochat, et sa sœur, Anne-Marie Débieux-Rochat, approuvent à deux voix la «logique du projet». L’ancienne athlète se rappelle avec émotion combien «Philippe Rochat aimait descendre dans sa cuisine suivre les entraînements de Giovannini».
Un bel hommage
«C’est un bel hommage, explique Franck Giovannini. Surtout, cette cuisine mobile peut s’installer partout. Il suffit que le candidat trouve un local adéquat, qu’il y ait une arrivée d’eau et d’électricité. Ensuite, il peut s’entraîner avec son commis sans avoir besoin de tout monter à chaque fois, il peut faire des essais dans cet espace dédié plutôt que dans son propre restaurant, avec ses fours, ses frigos, comme à Lyon.»
Reverra-t-on un membre de la brigade de Crissier dans une prochaine édition du Bocuse d’Or? «Cela sera difficile. Le concours est devenu tellement artistique, tout est moulé avant d’être servi, c’est si différent de la cuisine que nous réalisons ici. En plus, il faut trouver un Suisse prêt à s’investir alors que nos cuisines comptent davantage de Français. Enfin, le niveau du concours est tel qu’il faudrait pouvoir le libérer beaucoup plus de jours que ce que nous pouvons faire, presque professionnaliser le candidat.»