Les passions de Daniel Dufaux sont naturelles, comme ses vins ()

DUFAUX_DANIEL_PORTRAIT_DER.jpgIl a le calme des terriens et l’assurance des passionnés. Le Vaudois Daniel Dufaux a beau avoir été élu président des œnologues suisses, un poste quasi réservé aux Valaisans, cela n’a pas l’air de l’émouvoir tant que ça. Il a le regard fixé sur l’horizon qu’il s’est dessiné et, dans sa voix, rien ne permet de croire qu’il doute de ne pas y parvenir. Sa première passion lui est venue lorsque, tout petit, il aidait son père, employé à la Société romande d’électricité, à jardiner et à cultiver la petite vigne familiale. «J’ai toujours aimé la nature. J’ai envie de la connaître sous toutes ses formes.»

Les études classiques n’étant guère motivantes pour le jeune homme, il devient caviste à Montreux, «presque naturellement». Mais Daniel Dufaux n’est pas du genre à s’arrêter, à ne pas donner toutes ses chances à ses passions. «Vous comprenez, comme caviste, j’ai appris à faire du vin et ça s’arrêtait là.» Car, pour lui, faire du vin, «ce n’est pas compliqué. Faire un grand vin, c’est plus difficile.» Il suit donc Changins, devient œnologue, puis fréquente les bonnes maisons de Lavaux. S’il élaborait les crus de Fonjallaz ou de Testuz, il découvre aussi le marketing, des nouvelles vinifications, organise des cours, fréquente les restaurateurs.

Le passage en Valais, chez Giroud Vins, lui ouvre encore plus l’horizon. «J’adore les Valaisans, des vrais terriens. Mais c’est vrai qu’au début, aller leur expliquer comment cultiver leurs vignes quand on est Vaudois n’a pas été facile. Le respect est venu graduellement.»

Ses yeux brillent en évoquant tous ses souvenirs vineux car, à côté de son assurance, il n’oublie jamais d’apprécier, les vins, la nourriture, la nature ou… sa bonne fortune.

«J’ai toujours eu la chance de trouver l’occasion idéale au bon moment, je crois.» Celle qui l’a vu revenir à Aigle, l’an dernier, pour remettre les vins Badoux sur les rails.

Dans cette «petite grande maison», il aime s’occuper de beaucoup de raisins. «Le vigneron-encaveur qui fait six ou huit vins n’a pas notre chance de pouvoir traiter des grandes récoltes, de choisir, d’assembler, de faire des cuvées spéciales. Bien sûr, tout doit être bon, depuis l’entrée de gamme jusqu’aux spécialités.» Le secret de la réussite? Un bon produit de départ, puis en faire le moins possible en cave. «Il faut laisser le vin s’exprimer.»

Pour preuve, il nous reçoit dans sa propre cave. Car son premier loisir est… son vin à lui, les huit barriques – qu’il élève chaque année après en avoir cultivé le raisin – ou les vins des copains qu’il surveille. «Cela me permet d’aller jusqu’au bout de mes idées. Vous savez, je voudrais toujours faire tant de choses. Si je m’écoutais, je passerais tout mon temps entre les caves et la vigne. Je suis bien dans ce milieu-là.» Il rêve de stocker une centaine de ses bouteilles sous le Léman pour observer comment elles vieillissent.

La nature, toujours, c’est aussi celle de la course à pied, de Sierre-Zinal ou de Montreux - Les Rochers-de-Naye. «C’est vrai que la course, ça prend aussi la tête, je suis mal si je n’y vais pas.» La nature, encore, c’est le vélo, c’est cette passion pour la minéralogie, cette envie d’aller aux champignons ou d’apprendre à chasser. C’est aussi le ski, en famille, car la famille, c’est sacré.

Et puis, il y a la dégustation, forcément. Ce juré dans presque tous les concours suisses et pas mal d’européens se réjouit d’y apporter encore davantage sa patte grâce à sa nouvelle fonction. «C’est à nous de conseiller, de surveiller ces concours.»

Lui, la dégustation le rend humble. «Ce n’est jamais facile de déguster en concours. Qu’on le fasse seul ou en groupe, il faudrait prendre chaque vin pour ce qu’il est, oublier instantanément le dernier qu’on a goûté pour ne pas comparer. Et mettre de côté ses propres goûts pour juger la simple qualité du produit.»

Il rêve surtout, Monsieur le président, de faire connaître l’œnologie, d’expliquer le travail de cet homme de l’ombre, de le sortir de sa cave pour qu’il communique sa passion au public, qu’il vende ses crus. «Vous savez, nous autres terriens, nous sommes les mieux placés pour parler de nos produits mais, souvent, nous ne savons pas communiquer.»

Communiquer, ça le démange, non pas pour se mettre en valeur, mais pour partager, pour échanger autour de ce qui le fait vivre, de ce qui lui procure tant de belles sensations, sur la durée, «parce que le vin, on ne le fait qu’une fois par année».


Bio exprès

1964
Naît à Chernex, au-dessus de Montreux, le 18 octobre.

1983
Débute un apprentissage de caviste à la Cave de Montreux.

1989
Sort de Changins, diplôme d’œnologue en poche.

1994
Epouse Doris. Ensemble, ils auront Damien, 15 ans, et Déborah, 13 ans.

2009
Devient œnologue et responsable technique de Badoux Vins, à Aigle.

2010
Elu président de l’Union suisse des œnologues.

 

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