La merveille, plaisir éphémère de carnaval ()

merveille1.jpgDans sa boulangerie de la rue de Lausanne, à Payerne, Jean-Marc Ducrot a commencé cette semaine la fabrication de ses merveilles. Normal, puisque la ville vibre au rythme des Brandons, ce week-end. Et la merveille, de tout temps, a été liée au carnaval.

merveille2.jpgPour le boulanger payernois, c’est aussi le moment de se rappeler le rite familial qui voyait se réunir la grand-mère et toute la famille, une fois par année, au moment de fabriquer la douceur à la maison. «Chacun avait sa place, mon père s’occupait de la friture, ma grand-mère de la pâte. On en faisait combien? Peut-être une trentaine dans la journée. Mais c’était le moment de se retrouver, comme quand on faisait boucherie.»

La merveille, plus c’est fin…

Jean-Marc Ducrot est venu à la boulangerie à cause d’un vélomoteur, celui qu’il voulait acheter à 13 ans et qui lui a fait trouver un petit boulot dans la branche qui allait devenir sa passion. Aujourd’hui, Jean-Marc Ducrot utilise toujours la recette de sa grand-mère et ses petits secrets, même s’il pense l’avoir encore améliorée. «J’ai passé pour un imbécile quand je lui ai expliqué qu’elle devrait pétrir davantage sa pâte. Pourtant, je le pense toujours…» Il est vrai qu’une bonne merveille doit être fine, ultrafine, et que sa pâte doit donc être extrêmement souple.

Lui, le boulanger, a bien sûr davantage d’outils à sa disposition. Un pétrin, par exemple. N’empêche, la merveille artisanale, ça prend du temps. «Rien que pour les cuire, il me faut trois heures pour en faire huitante, à peu près.» C’est que l’homme est perfectionniste.

Les œufs, dans sa pâte, il les monte en neige pour alléger. Puis il laisse reposer la masse, avant de faire des petites boulettes, qu’il laisse reposer avant de les aplatir un peu… puis de les laisser reposer. Au final, une fois la pâte abaissée, il va encore l’étirer avec les doigts comme un tissu de soie, avant de plonger la merveille dans l’huile chaude. «Mon père lui donnait des formes avec deux baguettes. Moi, j’ai un outil pour ça.» Il les frit une à une pour qu’elles soient belles. Et il change l’huile régulièrement, parce que «sinon, il n’y a que le goût de friture». La merveille finira saupoudrée de sucre, de vrai sucre. «Certains mettent du sucre glace, mais je trouve que ça étouffe le goût.»

A déguster ses merveilles, on approuve son choix. Et on aime ce léger goût de vin blanc et de kirsch. Mais dépêchez-vous! Jean-Marc Ducrot fabrique 300 à 350 merveilles chaque année, qu’il vend 3 francs pièce. Ce n’est pas avec elles qu’il deviendra riche…

Photos Joana Abriel


Vieille histoire

Les merveilles de carnaval sont une vieille tradition, puisqu’on en trouve déjà trace au XVe siècle dans la région bâloise, où on les produisait pendant le carême, avant que la recette ne s’étende dans toute la Suisse. La première mention romande est de… Jean-Jacques Rousseau, dans La nouvelle Héloïse (1771): «Merveilles, pâtisserie genevoise, rubans de pâte cuits dans le beurre.» Les Fasnachtsküchli sont aussi connus sous le nom de «beignets au genou», qui date de l’époque où l’on étirait la pâte sur le genou avant de la plonger dans la friture. Dans le canton de Vaud, on les fabriquait aussi pour les mariages.


Chacun sa recette

Chacun a sa recette, qu’on trouve jusque dans le Sud-Ouest de la France. Y entrent des œufs, de la farine, du beurre, du sucre, du sel et de quoi parfumer la pâte (citron, vin, rhum, armagnac…)

➜ Jean-Marc Ducrot bat les blancs en neige pour alléger la pâte.

Migros vend environ 25 millions de merveilles pendant la saison. Elles sont fabriquées par sa filiale Midor, basée à Meilen (ZH), à raison de 600 000 par jour, auxquelles il faut ajouter 270 000 minimerveilles quotidiennes! Coop n’est évidemment pas en reste.

➜ Jean-Marc Ducrot en produit 350 par année.

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