Cette William qui va même en Chine ()

WILLIAMINE_MORAND_04.jpg«Quand je suis arrivé en 2008, on pouvait se plaindre, comme tout le monde dans la branche, et réduire lentement nos activités. Ou investir sur la qualité, le savoir-faire et développer des nouveaux marchés.»

Didier Fisher, le directeur général de Morand (une cinquantaine d’employés), a remotivé ses troupes, investi dans l’outil de production (lire ci-contre) et créé de nouveaux produits et de nouveaux débouchés pour la distillerie. Jolie performance quand on sait que les eaux-de-vie de fruits sont, en Suisse, dans une tendance plutôt négative.

Des fruits qui donnent envie

«On a encore monté la qualité. Quand vous imaginez qu’on rentre plus de 2000 tonnes de poires William AOC en saison, et qu’on trie tous les fruits sous les yeux des fournisseurs. Chez nous, on ne distille pas du troisième choix. La poire doit faire envie, on devrait presque pouvoir la presser à la main. Forcément, ça coûte, et ça coûte davantage que de distiller du grain pour faire de la vodka…» C’est à ce prix que la Williamine, marque déposée depuis cinquante ans, progresse aujourd’hui, représentant encore plus de la moitié du chiffre d’affaires de la maison. Et les exportations y sont pour beaucoup: un quart des ventes en 2010.

Pour y arriver, Didier Fischer a également engagé François Femia, un barman, afin qu’il crée des cocktails avec les produits maison. «La Williamine a une complexité de goût extraordinaire, il fallait lui trouver des recettes qui lui conviennent.» Comme pour l’abricotine AOC, le kirsch ou la framboise. Puis Morand a investi à l’export, convoquant par exemple l’élite des barmen chinois pour leur apprendre les recettes de cocktails maison: Williamine-mojito, Valais blazer ou Spicy luizet. «Il y a un intérêt extraordinaire dans ces pays, quand on leur explique l’histoire du produit. Et il n’y a pas une moralisation autour de l’alcool, on peut en parler sans passer pour le diable.»

Elargir la gamme

Selon le directeur général genevois (si, si), rester uniquement sur l’alcool qu’on buvait après le repas auré signifié dépérir. Pour enrichir ses cocktails, la maison a donc relancé sa gamme de sirops naturels, passant de sept arômes à vingt et un, y compris des exotiques comme sucre de canne ou orgeat. Le succès est au rendez-vous. Et l’énergique directeur a également mis sur le marché une nouvelle gamme créée par la distillerie, les Douces de, proposant des eaux-de-vie plus légères (30o), plus sucrées, plus… féminines. Les trois premières (William, abricot et coing) font une jolie percée dans une classe d’âge plus jeune que la clientèle traditionnelle de l’entreprise. Et, sur le marché des liqueurs, l’ancien ingénieur agronome a encore quelques idées dans son cerveau bouillonnant.

Didier Fischer est donc tout fier de montrer ses locaux: la salle de réception des fruits où ils sont broyés; les immenses sous-sols de la maison où ils sont encuvés et inoculés en levures pour développer la fermentation; et enfin les alambics où ils seront distillés en temps voulu. Ce qui se fait sans interruption d’octobre à mars, sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. «Avant, chaque alambic produisait 25 litres à l’heure. Nous avons ralenti le processus à 10 litres, pour améliorer la qualité de l’eau-de-vie.»


Piloter quinze alambics avec un iPhone

Morand a investi 2 millions de francs pour moderniser sa distillerie. «Avant, en période de distillation, notre personnel devait veiller aux alambics 24 heures sur 24, en dormant sur place, en transvasant les masses de fruits fermentés», explique Didier Fischer. Maintenant, l’équipe peut piloter les 15 machines avec un simple iPhone ou un PC. L’idée n’était pas de réduire le personnel, mais de se concentrer sur les processus plutôt que sur les heures de travail.

20 kilomètres de câbles sont reliés aux alambics et à leurs vannes électriques; l’opérateur peut les commander encore plus précisément que s’il était physiquement là.

Une réflexion environnementale a également guidé le projet. En pompant les masses directement, en récupérant la chaleur de la distillation pour chauffer les 10 000 m2 de locaux, Morand a diminué sa consommation de mazout par deux. Et, plutôt que d’encombrer la station d’épuration avec ses restes de fruits, l’entreprise a monté un partenariat avec elle pour les traiter en amont avant de les envoyer par canalisation, évitant les camions.

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