8 siècles que la tête de moine s'affine ()


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Le fromage jurassien fête les 10 ans de son AOC. C’est la seule pâte qui se vend mieux à l’export que dans le pays même s'il souffre de la chute de l'euro. Visite à Roger Schwab, à Corgémont (Jura bernois), un des neuf producteurs.

En 1192, un document parlait déjà du fromage de l’abbaye de Bellelay. On ne sait pas si celui-ci présentait une croûte humide et se dégustait en le raclant, mais le marketing ou la légende se sont emparés de cette pâte mi-dure pour en faire l’origine de la tête-de-moine. Si les moines de l’ordre des prémontrés l’ont fabriquée pendant des siècles, ils ont fini par transmettre leur secret aux paysans des environs avant d’être chassés de leur abbaye par la Révolution française.

Au milieu du XIXe siècle, le paysan Spielhofer obtient une médaille au Concours universel de Paris. C’est le premier essor de la tête-de-moine. Le deuxième viendra de l’invention, par Nicolas Crevoisier en 1981, de la girolle, cet ustensile qui permet de racler la tête de moine en tournant. L’entreprise Metafil en aura ainsi vendu 3 millions en trente ans, même si aujourd’hui le brevet est échu. Des 200 tonnes produites en 1981, le fromage n’a cessé de progresser: il s’en vend onze fois plus aujourd’hui. Un succès que les Jurassiens et Jurassiens bernois doivent aussi à l’exportation, qui représente 60% des ventes dans 35 pays, l’Allemagne en tête.

Dur à cause de l’euro

«La chute de l’euro nous pénalise pas mal ces temps», explique Roger Schwab, producteur à Corgémont (BE). Ce Singinois exilé depuis vingt ans dans la région est un des neuf producteurs autorisés par l’AOC obtenue il y a dix ans. Depuis qu’il a repris, en 1999, cette fromagerie du vallon de Saint-Imier plus que centenaire, il ne cesse de collectionner les médailles, comme cette première place de sa catégorie au dernier Swiss Cheese Awards.

Chaque matin, il reçoit le lait des treize producteurs avec qui il a passé contrat. Un lait de vaches nourries au pâturage ou au foin, jamais avec de l’ensilage. L’autre jour, cela représentait 6400 litres, cuits dans le chaudron de cuivre à 52o C. Le tout est ensuite coulé dans les moules. Roger Schwab en contrôle la cuisson à la main. «Un bon fromager a la main douce et l’œil avisé, c’est cela qui fait la différence. On sait si le fromage est bon d’abord à la couleur, puis à la texture du caillé.» Avec ses deux aides, il pose ensuite sur chaque future tête-de- moine la pastille qui assurera le suivi de qualité, puis un disque grillagé sur lequel la presse appuiera pour former le fromage.

Un bain de vingt ans

Après retournement et nouvelle presse, la tête-de-moine trempe pendant vingt-quatre heures dans la saumure. «On ne jette jamais le bain de sel, c’est ce qui fait le goût du fromage. Celui-ci a au moins vingt ans. Dès qu’il perd en concentration, on remet du sel.» Place ensuite à l’affinage: minimum 75 jours dans une cave selon l’AOC, avec brossage au sel et retournement. Roger Schwab s’est équipé d’un robot, qui «travaille moins vite qu’un homme, mais vingt-quatre heures sur vingt-quatre, lui». Lui, il les garde trois mois, parce qu’il aime ça.

Depuis l’an dernier, l’Interprofession a sorti un «Réserve» affiné au moins quatre mois, au goût plus prononcé et à la pâte plus fine. A Corgémont, on ajoute encore un mois, «mais pas beaucoup plus, sinon le fromage devient trop piquant. Il ne faut quand même pas aller trop loin…»

www.tete-de-moine.com.

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