A Bordeaux, les grands crus sont en fête, les petits en danger de mort ()

vinexpo.jpgAlors que les grands crus bordelais ont encore augmenté leurs prix, beaucoup de petits producteurs sont au bord de la faillite avec leurs vins d'entrée de gamme. (En photo: des visiteurs de Vinexpo, la semaine dernière. Les Asiatiques ont représenté un tiers du public du salon!)

Le Château Lafite Rotschild a dégagé un bénéfice de 70,2 millions d’euros (83 millions de francs) en 2009, soit une marge de 86%, selon Le Nouvel Observateur. Et une bouteille de son 2009 vaut... 1250 euros! Latour est à 80% de marge, Margaux à 62% et Cheval Blanc à 64%. Et l’augmentation des prix devrait encore gonfler ces bénéfices en 2010. En comparaison, Dominique Ducourt, petit propriétaire (45 hectares) et vendeur en vrac de l’Entre-Deux-Mers, se verse un salaire de 1000 euros par mois. Comme un quart des vignerons de l’appellation, il est aux abois: «C’est la mort annoncée, on y va tout droit», affirme-t-il à l’AFP.

Au point qu’il a fallu fixer un prix minimum: 800 euros le tonneau de 900 litres, soit moins de 1 euro le litre! Il y a partout tant de vin à vendre que l’acheteur n’a que l’embarras du choix. Il fixe son tarif», explique Corinne Pernette, vigneronne de Targon, à Sud-Ouest.

Le plan Bordeaux Demain, mis en place pour sortir de la crise, prévoit la disparition de ce type d’exploitations trop petites et mal armées face aux vins d’entrée de gamme étrangers. On trouve maintenant en France des Bordeaux AOC de bonne qualité à 2 francs. Et 10 000 hectares de vignes ont été arrachés depuis 2005.

«Ces bordeaux qui crèvent font peur aux grands châteaux, affirme Jacques Perrin, directeur du Club des amateurs de vins exquis (CAVE SA) et fin connaisseur de la région. Les grands crus craignent la révolution. Un d’eux me disait: «On se met la base à dos.» Les châteaux renommés ne représentent que 4% du vin de Bordeaux (et 20% de son chiffre d’affaires). «On ne voit que le sommet de la pyramide et c’est dommage, analyse Jacques Perrin. Il y a aussi un Bordeaux secret, des maisons moins connues dont on peut trouver des bouteilles à 20 ou 30 francs. Et il faut rappeler que les vins n’ont jamais été aussi bien faits, toutes catégories confondues. Ce serait dommage que ça explose.»

Primeurs 2010 toujours plus hauts

«On pensait que les prix se calmeraient et il n’en a rien été.» Daniel Gazzar, négociant en bordeaux, s’inquiète. «Heureusement que l’euro a chuté, ce qui nous a permis de maintenir, voire de baisser, les prix payés par le client final.» Les primeurs, à Bordeaux, c’est l’achat aujourd’hui de vins qui ne seront livrés qu’en juin 2013.

Le château annonce ses prix et les négociants achètent ou non. A quelques exceptions près, les prix ont tous augmenté: «Il s’agit aussi de propagande, explique Jacques Perrin. Les châteaux qui ont baissé de prix sont suspectés d’avoir un vin pas très réussi cette année.»

Les deux hommes s’accordent à dire que le marché a explosé avec les spéculateurs qui achètent des grands châteaux comme un investissement qu’ils ne boiront jamais. «Et tout est totalement opaque, analyse Jacques Perrin. On suspecte certains châteaux de contourner les négociants pour vendre en direct. Comme on ne connaît pas les volumes…»

«C’est simple, avance Daniel Gazzar, en réduisant les rendements, il y a moins de vins qu’il y a dix ans; il y a davantage d’acheteurs avec les Asiatiques, qui arrivent en force; et les requins qui avaient disparu avec la crise, en 2008, sont de retour. Les amateurs qui veulent boire doivent oublier les grands noms.» Et Jacques Perrin se désole: «C’est comme la Bourse. Si quelqu’un achète, tout le monde achète. Et s’il vend, tout le monde vend. Le marché n’a plus de logique.»

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