Les moines font un vrai tofu artisanal ()

tofu_Orsonnens.jpgUn monastère cistercien confectionne 10 tonnes de «fromage» de soja. Normal, les moines sont Vietnamiens

Il est 3 h 30 du matin dans la campagne fribourgeoise enneigée. La plupart des fermes alentours sont encore sombres quand Frère Emmanuel attaque la fabrication du tofu dans ce monastère particulier, puisqu’il est à la fois cistercien et vietnamien, à Orsonnens, près de Romont. Ici, à Notre-Dame de Fatima, la fabrication du fromage de soja est une des deux sources de revenus, à côté de l’impression et de la reliure de livre.

Père Ephrem a le sourire et la gentillesse de son pays d’origine, qu’il a quitté en 1975, à la chute de Saigon (Ho Chi Minh Ville), comme nombre de ses confrères. «J’ai mis quatorze ans à avoir le passeport suisse. Maintenant, si je voulais, je pourrais retourner au Vietnam…» Le père supérieur ne participe pas à la fabrication proprement dite, mais il en parle volontiers. «Nous ne fabriquons ce tofu que le lundi et le mardi, selon les commandes des magasins asiatiques de Lausanne, Fribourg ou Berne que nous livrons. Ces 120 kilos quotidiens nous donnent de quoi manger, dans tous les sens du terme.» L’accent est encore très marqué sur un français maîtrisé, mais certains des frères parlent à peine notre langue. «Nous sommes un monastère, donc peu en contact avec les habitants d’ici, en dehors des fêtes religieuses», explique Père Ephrem. Il règne d’ailleurs un grand sentiment de calme, de sérénité dans cette bâtisse grise hors du temps.

Faire son lait de soja

Au monastère, c’est Frère Emmanuel le responsable du tofu. C’est lui qui a mis à tremper les graines de soja (achetées chez Landi) la veille. Et il s’occupe de la première opération, la fabrication du lait de soja. Le mélange eau-soja va être broyé deux fois de suite pour donner le lait, alors que les coques de la céréale iront engraisser les cinq cochons du monastère ou servir de compost à leur jardin potager.

Le lait sera ensuite cuit pendant 35 à 45 minutes, avant d’être mélangé aux coagulants qui vont le faire cailler. A l’abri dans des bassines emballées sous des couvertures, le lait reçoit d’abord du sel, puis un mélange d’eau et de vinaigre, trois fois de suite à dix minutes d’intervalle. Frère Martin procède à ce mélange avec doigté, lentement. C’est l’opération délicate qui va donner la qualité du tofu. «Il faut faire cailler doucement», explique-t-il.

Puis vient le moulage, fait à la façon d’un fromage, dans un drap posé dans un moule, puis pressé cinq minutes. Le bloc encore chaud est ensuite démoulé, tout fumant, mis à refroidir avant son conditionnement. «Le tofu perd encore un peu de poids pendant cette phase», explique Frère Emmanuel, 1 m 55 à tout casser. Au final, il restera 2 kg de tofu, qui sera coupé en quatre avant d’être emballé. «C’est artisanal, c’est bien meilleur que ces produits industriels», sourit Frère Jean-Marie, qui adore la Suisse, «notre Terre promise».


Tous fils d’Hauterive

 

Sous la direction du Père Ephrem, 18 frères vietnamiens vivent dans ce qui était auparavant une école ménagère des Ursulines. La vie y est rythmée par les sept moments de prière de la journée, le premier se déroulant à 4 heures et demie du matin.  A la chute de Saigon, en 1975, beaucoup de Vietnamiens catholiques ont fui le régime communiste. Venus étudier à l’abbaye cistercienne d’Hauterive (FR), ils se sont naturellement réfugiés en Suisse. Notre Dame de Fatima a été créée en 1979, devenant ainsi la 10e communauté de l’Ordre de Cîteaux dans notre pays, hommes et femmes confondus.


Des tofus si différents

 

Si le tofu d’Orsonnens est classique, la version appelée tofu soyeux, il existe une multitude de déclinaisons, nées des coagulants. ou des préparations. Le tofu puant porte bien son nom, proche d’un fromage corsé occidental. Le tofu congelé craque sous la dent après son passage au congélateur. Le tofu aux cinq parfums est séché et coupé en petits cubes. Le tofu frit est jaune et légèrement gonflé (également fabriqué à Orsonnens). La peau et le nœud de tofu ont une consistance particulière. Enfin, celui aux amandes est fabriqué avec ces noix plutôt qu’avec du soja.

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