Simon Vogel, à Grandvaux: le chasselas coule dans ses veines ()

Simon_Vogel.jpg

Avec sa sœur, Maude, le jeune œnologue a repris le domaine familial de Croix Dupley. S’il truste les prix, il garde une folle envie d’apprendre

Longtemps, certains ont confondu Vogel Vins, négociants, et J. Vogel & Fils, vignerons à Grandvaux. D’autant que le négociant Charles et le vigneron Jean sont frères jumeaux, et que le premier vendait aussi le vin du second. Aujourd’hui, le fils de Charles, Julien Vincent Amédée, a repris le négoce, tandis que Simon et Maude, les enfants de Jean, s’occupent du domaine, désormais clairement baptisé Croix Duplex pour éviter la confusion. «On vend d’ailleurs toujours moins de vins par l’entremise de mon cousin», explique Simon. Maude, désormais, s’occupe de l’administration et du marketing du domaine.

A 36 ans, le jeune homme a hérité d’un domaine que son père, Jean, avait développé, passant des quatre hectares achetés par le grand-père, Samuel, en 1929, à une trentaine d’hectares, à Lavaux et dans le Chablais, mais aussi dans le Nord vaudois et en Valais. Jean qui n’hésitait pas, depuis 1976, à racheter des barriques de Château Latour pour élever son pinot noir, le Praz du Roy. Jean qui avait acheté avec deux amis un domaine en Afrique du Sud.

Objectif qualité

L’ambition de Simon n’est plus d’agrandir le territoire, mais plutôt de développer encore la qualité. D’abord pour ces chasselas qu’il aime par-dessus tout. «Si je pouvais, je ne ferais que ça, mais on ne peut pas.» Le cépage représente quand même trois quarts de sa production. «Mais ici, je ne sais pas pourquoi, on doit développer une palette de vins. A Bordeaux, sur 30 hectares, ils font un seul vin, et c’est très bien…»

Ce chasselas, dont il dit qu’il «coule dans [ses] veines», doit s’adapter aux nouvelles habitudes de consommation: «C’est fini, aujourd’hui, de faire un simple vin d’apéro. Les gens boivent moins, donc le vin va rester au moment de passer à table. Ces chasselas remplis de sucrosité que certains faisaient il y a dix ans n’ont plus de raison d’être, heureusement.» Car lui aime par-dessus tout la minéralité qui accompagne le fruité. «Je viens de participer à un travail, à Changins, pour tenter de cerner ce que chacun entend par «minéralité». Je me réjouis d’avoir les résultats.» Pour lui, c’est clairement ce côté pierre à fusil, schisteux, ce goût de roche.

Si le vigneron a suivi une filière classique, Marcelin et Changins, avec deux passages en Suisse alémanique, il a intégré très tôt la cave, où il a élaboré tous les vins depuis seize ans. «Mon père m’a fait une confiance incroyable et je crois qu’il est content de ce que je fais. Quand j’ai reçu les Lauriers de platine, il m’a félicité d’une tape sur l’épaule…»

A l’évocation de la remise de ce titre de «meilleur chasselas vaudois» par le jury de Terravin, en 2010, pour son Calamin Grand Cru 2009, les yeux du jeune homme brillent encore d’émotion.

Vignerons partenaires

Pour y arriver, pas de miracle, tout commence à la vigne. Croix Duplex fait travailler ses 30 hectares par des vignerons, payés selon la qualité de la vendange. Question qualité, le chasselas d’Ollon vendangé cette semaine avouait 91° Œchslé! «On réfléchit avec ma sœur à payer nos vignerons à la surface pour pouvoir leur demander des limitations de rendement plus drastiques encore.» Seule exception, les vignes autour de la cave sont cultivées par Simon lui-même, pour rester en contact avec la nature.

La suite, c’est à la cave que ça se passe. Une cave équipée de cuves thermorégulées, parce que Simon aime les fermentations à froid. Et, depuis quelques années, la micro-oxygénation chère à Michel Rolland a fait son apparition pour améliorer encore les fermentations. «J’avais besoin d’aide pour maîtriser cette technique. C’est comme cela que j’ai fait appel à Philippe Corthay, œnologue consultant qui avait l’expérience de cette technique. Depuis, on travaille régulièrement ensemble. C’est génial ce qu’il m’apporte.» Le consultant renchérit: «On se téléphone presque tous les jours depuis les vendanges. Ce garçon a toujours une folle envie de progresser.»

TROIS VINS DONT IL EST FIER

Croix Duplex 2011, 75 cl, 14 fr. 60
«Ça, c’est vraiment mon vin puisque je m’occupe aussi de la vigne sans la donner à un vigneron. C’est vital: j’ai besoin de savoir comment est le millésime, cela m’aide à la cave.» Un chasselas agrémenté de charmont et de sylvaner très fruité, avec une pointe de minéralité. «J’aimerais être encore plus sévère sur les rendements.» Médaille d’or au Mondial du chasselas (4000 bouteilles).

Fleurettes aux 4 Plants 2011, 75 cl, 18 fr. 30
Le vin créé par le grand-père Samuel, en 1947, pour la naissance des jumeaux a bien évolué depuis. «Mon grand-père vendangeait les quatre cépages (riesling x sylvaner, sylvaner, muscat ottonel et chasselas) le plus tard possible et laissait en macération pelliculaire le plus longtemps possible. Aujourd’hui, vingt-quatre à trente-six heures de macération avant pressurage, puis quelques jours en cuve avant débourbage.» Un vin très fruité qui explose en bouche (4000 bouteilles).

Le Message 2009, 75 cl, 25 fr. 90
L’assemblage créé par Simon en 2002 pour utiliser les premières vendanges de gamaret, de garanoir, de diolinoir et de syrah qui venaient d’être plantés sur le domaine. Les quatre cépages passent séparément dix-huit à vingt-quatre mois en barrique avant assemblage. Puis ils restent encore six mois en cuve pour affiner l’assemblage. Beaucoup d’élégance, des tannins bien ronds, un fruit qu’accompagne un très beau volume (3000 bouteilles).

FICHE TECHNIQUE

Quoi?
30  hectares, dont la majorité à Lavaux (Villette, Epesses et Calamin) et dans le Chablais (Ollon et Yvorne). Un peu à Bonvillars et en Valais. 90% sont en propriété.

Combien?
Neuf chasselas, dont une merveille sans malolactique (Le Paradoxe), quatre autres blancs purs, un assemblage blanc, deux rosés, cinq pinots noirs, un assemblage rouge, quatre autres rouges purs et un mousseux, soit vingt-sept vins, tous élaborés à Grandvaux.

Comment?
L’essentiel vendu à des privés et à la restauration. Un peu de vrac en Valais. Ouvert la semaine de 10 h à 18 h, le samedi de 10 h à 15 h.

Où?
Domaine Croix Duplex, rte de Chenaux 2, Grandvaux (021 799 15 31). www.croix-duplex.ch.

| Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vin, lavaux, chasselas | |  Facebook |  Imprimer |