En Bresse, les volailles se roulent aux Glorieuses ()

volaille,france,poulet,BresseLa plus célèbre des AOC se fait admirer au cours des Glorieuses, comme ici à Bourg-en-Bresse

Ces deux-là sont collègues et amis dans la vie, leurs domaines agricoles se touchent à Curtafond, dans l’Ain, mais il y a une quinzaine de jours dans l’année où ce sont les plus ardents concurrents. Jean-Michel Sibelle et Max Cormarèche se disputent en effet chaque année le Grand Prix d’honneur des Glorieuses de Bresse qui récompense depuis cent cinquante ans les meilleurs éleveurs de volailles. Ces deux-là trustent régulièrement les deux premières places.

Jeudi dernier, à la veille du concours de Bourg-en-Bresse, Jean-Michel Sibelle, rencontré dans sa ferme, se disait serein… même si un léger tremblement dans la voix trahissait sa déception: depuis 2006, il n’a remporté aucun vase de Sèvres, le trophée du vainqueur que sa famille et lui ont pourtant collectionné au fil des années. Ce désormais Poulidor de la volaille met pourtant toujours autant de passion dans la compétition. Si la volaille de Bresse compte 180 producteurs, seule une cinquantaine fait de la «volaille fine», autrement dit ces bêtes d’exception qui ne se vendent que pour les Fêtes. «Petit, je m’étais dit que jamais je ne ferai de la volaille comme mes parents. Et pourtant…» s’amuse Jean-Michel Sibelle.

Tout commence en hiver avec la réception des poussins de 1 jour produits par l’unique centre de sélection autorisé. Ceux-ci doivent être élevés en liberté par «bande» de 500 individus au maximum, chacun disposant de 10 m2 pour les futurs poulets ou poulardes, et de 20 m2 pour les chapons. Tout en se faisant les muscles à chasser vers, larves ou insectes, la volaille complète son alimentation par des céréales, du maïs et des produits laitiers exclusivement de la région AOC.

Vers Pâques, certains mâles sélectionnés seront châtrés pour devenir chapons. Les poulets, eux, continuent leur vie tranquille pendant quatre mois au minimum avant de passer une dizaine de jours en épinette (cage individuelle). Les poulardes, elles, ont cinq mois de vie, dont trois semaines en épinette. Et les chapons ont au moins huit mois et quatre semaines en poulailler. «On est loin du poulet en batterie», sourit Jean-Michel Sibelle.

Concours de beauté

C’est le stress à Curtafond: en décembre, on roule poulardes et chapons, une opération unique au monde qui emballe les volailles dans un drap de lin ou de coton cousu serré. A l’origine, il s’agissait de conserver et de répartir la graisse. C’est devenu de la haute couture. Les bêtes abattues sont d’abord plumées avant qu’on ne s’attache à nettoyer la moindre trace de sang, à arracher le moindre duvet aux brucelles, à nettoyer les pattes à la brosse. Au concours, tout défaut sera pénalisant. «Cela peut prendre jusqu’à une demi-heure par bête.» Autour de la table, il y a le père et l’oncle de Jean-Michel, deux employés. Chacun s’emploie à compresser les volailles. «Idéalement, on doit avoir la forme d’un ballon de rugby, bien régulier», explique l’éleveur.

Le lendemain, la cinquantaine de jurés va examiner les différents lots de chaque catégorie sans connaître leur origine. Mais c’est bien le «chapon par lot de quatre» qui passionne tout le monde. Les volailles viennent d’être déballées par les producteurs, qui sélectionnent leurs plus beaux spécimens pour les poser sur les grandes tables. Une griffure sur la peau, un derrière mal refermé, des ailes qui dépassent et c’est la catastrophe. Les chapons Sibelle obtiennent un prix d’honneur, un premier prix et un deuxième prix. Mais c’est encore Max Cormarèche qui repart avec le vase de Sèvres.

Chez nous, les volailles de Bresse se trouvent chez les comestibles, dans certaines boucheries ou magasins de luxe.

HISTOIRE

Une filière gourmande

La tradition des Glorieuses remonte à 1862, quand le comte Léopold Le Hon institua ces concours de comices agricoles sur son propre argent. S’il y avait alors un très grand nombre d’éleveurs, ils sont aujourd’hui beaucoup moins nombreux aux quatre Glorieuses (Bourg-en-Bresse, Louhans, Pont-de-Vaux et Montrevel) qui fêtent cette année leurs 150 ans. L’AOC (devenue AOP européenne) est née, elle, en 1936 d’un jugement du tribunal de Bourg-en-Bresse, avant la loi de 1957.

Comme les volailles ont besoin de lait, chaque producteur avait quelques vaches. Au fil du temps, leurs troupeaux ont cru, et la région est devenue productrice de produits laitiers.Et, cette année, la crème et le beurre de Bresse ont obtenu leur AOC. Seules trois laiteries en fabriquent, dont la coopérative d’Etrez-Beaupont. Son directeur, Jacky Fromont, s’en réjouit: «Avec notre petite taille et nos coûts de production, nous devons viser des produits de niche.» Depuis jeudi dernier, l’AOC est une réalité.

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