Nos cuisines ont bien changé depuis 1950 ()

goron.jpgDans son livre, "Le poulet du dimanche", Joëlle Goron parcourt soixante ans dans nos assiettes, décennie par décennie

Et si le Carambar était le reflet de l’état du monde. Créé en 1954, il faisait 6,3 cm. Dans les années 70, il s’allonge à 10 cm dans l’euphorie des consommateurs. A la crise des années 1990, il rétrécit à 8 cm, ce qu’il fait toujours aujourd’hui. C’est un peu l’image de ce que nous raconte Joëlle Goron dans Le poulet du dimanche, un retour sur soixante ans de cuisine familiale à travers anectodes, objets ménagers ou recettes. C’est drôle, frais, nostalgique et très instructif.

1950: plus de privations

La guerre est passée avec son cortège de privations. Place donc le dimanche à des plats riches, le tournedos Rossini et son foie gras, le homard à l’américaine ou le poulet grillé. On mange sur une nappe brodée aux initiales de la famille et on astique deux fois par année les couverts en argent. C’est l’âge d’or de Raymond Olivier ou de Fernand Point, l’arrivée des premiers desserts en sachet et de la cocotte minute.

1960: rêve américain

Alors que les mamans ne sont encore que 30% à travailler, elles passent leur temps dans une cuisine au bout du couloir, équipée de bric et de broc. On ose les premiers avocats-crevettes à la sauce Calypso, on accompagne le rôti d’épis de maïs grillés comme aux Etats-Unis qui sont tellement à la mode. Les premiers hypermarchés arrivent en ville, proposant la purée de pommes de terre en sachet ou les premiers pots pour bébé. Heureusement, tout le monde a son frigo.

1970: nouvelle cuisine

Les premiers régimes Atkins ou Montignac arrivent à la fin des années 1960, avant la «nouvelle cuisine» de GaultMillau en 1973, une cuisine allégée, fraîche, sans sauce compliquée. Le cuisinier devient star, comme Bocuse, Guérard, Chapel, Senderens ou Girardet. Et les maîtresses de maison tentent d’immiter cette simplicité dans leur cuisine désormais habillée par des cuisinistes qui les ont rendues pratiques et élégantes, à coups de formica et de couleurs. Les repas sont décomplexés, comme le décorum.

1980: tous à la cuisine

C’est devenu la pièce principale: La cuisine est désormais le lieu où les enfants jouent, où on a installé une télévision, où Monsieur aide enfin Madame, qui rentre elle aussi du travail. On invente les plateaux repas, on découvre les brunches du dimanche, on invite les amis pour une «simple petite bouffe». Comme tout le monde a un congélateur, c’est l’arrivée du surgelé, industriel ou maison. Et le débat sur le micro-ondes commence à faire rage. On commence à découvrir la cuisine un peu exotique, genre tomate-mozzarella ou crème brûlée catalane.

1990: tout est light

Les repas ne se prennent plus forcément tous ensemble. Heureusement, il y a le précuisiné pour les stressés et les produits light pour les angoissés. Les fruits exotiques débarquent en même temps que les recettes vraiment étrangères.

2000: retour à la terre

Les scandales alimentaires font revenir les gens vers des produits plus sains, on recherche des producteurs locaux, on s’inquiète de son cholestérol. Mais on adore tout ce qui est terroir, en librairie ou à la télé...

Le poulet du dimanche, de Joëlle Goron, Ed. Flammarion, 120 p., 34 fr. 70.

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