A 60 ans, la Confrérie du Guillon n’a jamais été aussi bien lancée ()

_CD11212.jpgL’association qui illustre le vin vaudois croule sous les réservations à ses célèbres ressats. Mais cela ne lui monte pas à la tête

Jean-Claude Vaucher, gouverneur de la Confrérie du Guillon depuis 2012, a de quoi afficher le sourire qui lui est coutumier: «Les réservations pour nos dix ressats d’automne n’ont jamais été vendues aussi rapidement. On surfe sur le succès, on est envahis.» Si les 2400 places des Ressats des Douze Lustres (oui, cela fait bien 60 ans!) ne sont quand même pas parties aussi vite que pour un concert des Rolling Stones, c’est tout de même appréciable pour des dîners où les tenues de soirée sont obligatoires, où le menu est imposé et où aucun retard ne sera toléré.

«C’est bien la preuve que notre mission première, l’illustration et la promotion des vins vaudois, remplit son rôle.» Parce que la Confrérie du Guillon est bien née pour cela, en 1954. Alors que l’hiver glacial poussait l’abbé Pierre à lancer son célèbre appel, les vins vaudois auraient pu eux aussi crier à l’aide tant le marché était rude. Inspirée par de célèbres confréries bacchiques, comme celle des Chevaliers du Tastevin, en Bourgogne, une vingtaine de passionnés, dont quelques vignerons, décide de lancer une confrérie en terre vaudoise, où l’on célébrera le produit de la vigne dans de nobles soirées.

Cérémonial en robes

Drapés dans des robes de lourdes étoffes ornées de guillons (cet antique cheville de bois qui permet de déguster au tonneau), revêtus d’une cape du plus bel effet, chapeautés mieux que Robin des Bois, ces fondateurs ont autant le goût des bons vins que celui du beau verbe. Leurs ressats font donc preuve d’élégance, tant dans la tenue que dans le discours, sous la houlette du premier gouverneur, François Cuénoud.

C’est bien dans ces soirées que se passe l’essentiel de l’activité. Si elles parcouraient les châteaux du canton, elles ont fini par trouver que celui de Chillon était le plus adapté, le plus majestueux, à défaut d’être le plus pratique.

C’est ici, posé sur le lac, que se déroule immuablement le scénario historique, même si son interprétation en change à chaque fois la teneur. Quatre fois au printemps, au moment où la vigne s’éveille, et dix fois en automne – les vendanges rentrées –, le légendaire château voit affluer les participants en tenue de soirée.

Mais qu’est-ce qui peut amener 240 personnes à s’habiller bien, à ne pas être en retard au risque de voir se fermer les portes du château, à s’asperger les chaussures en tentant de tirer au guillon dans un tout petit verre vaudois, à rester ensuite quatre heures à table avec l’interdiction absolue de se lever? Pour Edouard Chollet, le chancelier, c’est une alchimie quiexplique le succès: «Il y a plein d’atomes dans la molécule, et ils doivent tous être là pour que la molécule soit parfaite: le lieu, l’accueil des conseillers, la qualité des mets et des vins, la présence de personnalités et la qualité des présentations.» Côté subsistance, si on en connaît le cépage et l’AOC, les vins sont servis anonymement. Et le menu est réalisé par une série de chefs reconnus (Thomas Neeser, du Grand Hôtel du Lac, à Vevey, puis Edgard Bovier, du Lausanne Palace, cet automne). «Par rapport aux premières années, on a fait de gros efforts d’amélioration de ce qu’on sert à table», affirme Jean-Claude Vaucher.

La langue bien pendue

Question animation, il y a les trompettes qui ponctuent le rituel, les chansons des Gais Compagnons, les Trompes d’Hauteville. Mais il y a surtout les présentations des mets et des vins par les chantres et clavendiers. «Au début, c’était très littéraire et lyrique, explique Edouard Chollet, dont le père y fonctionnait comme restaurateur. Puis ça a pris une forme plus proche du chansonnier, un esprit cabaret.» Cette manière de commenter l’actualité tout en présentant un plat ou un cru est tout un art. «Nos chantres passent un moment à peaufiner leur texte. Parfois, plusieurs traitent d’un même sujet, mais dans des styles totalement différents», poursuit Jean-Claude Vaucher, qui fut responsable des chantres avant d’être gouverneur.

S’il n’existe aucune censure, quelques règles de bienséance existent, qui empêchent tout humour trop graveleux ou vulgaire. Cela tombe bien puisque, depuis le 50e anniversaire, les dames sont admises comme compagnons, même s’il a fallu féminiser la formule d’intronisation «Bois ce vin et sois bon comme lui.»

Mais le Guillon n’est pas encore prêt à admettre ces dames dans ses conseils, dont les membres sont cooptés en toute amitié. «C’est pour cela que cela marche, parce que c’est d’abord une histoire d’amitié», affirment le gouverneur et le chancelier. Heureusement que les conseillers s’amusent, le service du vin vaudois leur demande beaucoup de temps.

www.guillon.ch

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