Le cognac est une histoire d’héritage ()

Cognac006.jpgLes alcools vieillissent pour les générations futures. Dans la principale maison de la région, Hennessy, les eaux-de-vie de 1800 existent encore. Reportage à Cognac.

«Nous essayons juste de préserver ce que nous avons reçu de nos prédécesseurs et de la nature.» Laurent Lozano se la joue humble. Il est pourtant l’œnologue d’Hennessy, la plus importante maison de cognac, qui produit 43% (!) des alcools de l’appellation, soit 60 millions de bouteilles chaque année. Dans cette Charente bourgeoise, on a le triomphe modeste. Mais on aime quand même rappeler que l’entreprise a doublé ses parts en un quart de siècle et qu’elle constitue le deuxième contributeur du géant LVMH.

Ici, l’histoire a commencé très tôt, en 1765, avec l’arrivée de l’Irlandais Richard Hennessy, décidé à monter un négoce en Charente. On venait de remarquer que les eaux-de-vie s’amélioraient à vieillir en barriques. Richard, puis son fils James internationalisent leurs ventes, allant très tôt aux Etats-Unis ou en Asie, où ils sont toujours très présents aujourd’hui.

Un marché en expansion

Car le cognac ne connaît pas la crise. A ceux qui le buvaient en fin de repas dans un verre ballon ont succédé des générations de jeunes qui le dégustent frappé ou en cocktail.

Mais, dans les chais de vieillissement, les meilleures eaux-de-vie attendent toujours le bon moment pour sortir de leurs barriques. Chez Hennessy, les plus anciennes datent de 1800, date de l’arrivée de Jean Fillioux, le premier maître de chai. Sept générations plus tard, Yann Fillioux, son descendant, continue à déguster 40 à 50 échantillons par jour avec son comité de dégustation.

Pour les nouvelles eaux-de-vie, c’est le moment de leur choisir un contenant, barrique neuve qui lui donnera de la complexité ou barrique ancienne qui épousera sa puissance. Puis, année après année, les dégustateurs décideront de leur sort: si l’alcool est parvenu à maturité, on l’utilisera dans l’assemblage de tel ou tel cognac, un véritable Lego qui peut compter jusqu’à 100 pièces. «Le plus difficile est de faire toujours le même style pour chacun de nos cognacs, quel que soit le millésime», explique Yann Fillioux, et dans des volumes énormes pour le VS ou la Fine, les best-sellers qui se vendent par millions de litres. «Avec les 300 000 barriques en stock, nous avons la profondeur historique et la largeur géographique des crus de Cognac», explique Marc Boissonnet, l’ambassadeur de la marque. Yann Fillioux a aussi créé des alcools d’exception, comme le Paradis, avec des eaux-de-vie centenaires, ou le Richard qui utilise des alcools du XIXe siècle. A plus de 2000 francs la bouteille, on évitera de le mélanger à du ginger ale…

«Il faut au minimum dix ans de dégustation quotidienne pour bien percevoir le potentiel des eaux-de-vie», explique le maître de chai. «Nous dégustons tous les jours avec le même rituel, les mêmes personnes, dans la même pièce. Rien ne doit nous distraire.» C’est dans ce petit cabinet que se joue l’avenir de la maison. «La décision d’acheter ou non telle eau-de-vie d’un de nos 1700 fournisseurs, la décision de comment nous allons la faire vieillir peuvent avoir des conséquences sur le succès futur de l’entreprise», explique Lorent Lozano. «On ne saura si on a raison que dans cinq, dix ou vingt ans.» Voire dans deux cents ans, pour des produits d’exception!

 


 

«Une concentration d’arômes»

La fabrication du cognac débute dans les vignes. On y cultive le cépage Ugni blanc et on cherche à obtenir peu d’alcool (9,5o) et beaucoup d’acidité. Puis on vinifie le raisin sans aucun ajout et on distille rapidement le vin obtenu, au plus tard le 31 mars. Le cognac a droit à une double passage, dont on ne garde que le cœur de distillation. La tête et la queue rejoindront le prochain vin. Il faut neuf litres de vin pour obtenir un litre d’eau-de-vie. Selon Marc Boissonnet, «l’alambic nous permet de concentrer les qualités de ce qu’on a fait à la vigne.» C’est d’ici que viendront les notes fruitées ou florales du cognac. (L’armagnac est aussi un assemblage d’eaux-de-vie de vin, mais l’alambic est différent, le terroir aussi et la quantité ne représente que le dixième de celle du cognac.)

Après dégustation, ces eaux-de-vie sont mises à vieillir en barriques de chêne, en majorité de 350 litres, barriques disposées dans des chais de vieillissement. Ceux-ci sont en général situés près de la rivière Charente qui traverse la région. Et, selon le vœu du maître de chai, on choisira pour tel alcool une barrique plus ou moins neuve, et un chai plus ou moins proche de la rivière: cela a aussi une influence sur la maturation de l’alcool. Chaque année, l’évaporation est d’environ 2%, la «part des anges». Les barriques sont donc recapées régulièrement. C’est de cette étape que viendront les notes boisées ou épicées du spiritueux.

L’’assemblage va réunir d’une dizaine à une centaine d’eaux-de-vie vieillies, dans des millésimes différents. On procède en général à des premiers assemblages (les coupes premières), qui seront assemblés ensuite avant d’être embouteillés.

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