La passion des vapeurs de fruits ()

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Alex Paccot distille «à façon» de magnifiques eaux-de-vie avec les fruits que lui amènent de nombreux particuliers

C'est la dernière année qu’il est là, au bout d’un hangar communal ouvert aux quatre vents. A Féchy, Alex Paccot distille depuis seize ans au nom de la Coopérative de distillerie. L’an prochain, il va déplacer de 200 mètres ses installations, dans un bâtiment tout neuf, maintenant que les oppositions ont été levées. L’alambic, qu’il couve de ses yeux attendris, restera quant à lui le même. Et il devrait vraisemblablement hériter d’une seconde machine, depuis l’arrêt de la distillerie de Perroy. «Notre secteur se concentre, vous savez, et ce n’est pas forcément un mal. Autant qu’il ne reste que des bons distillateurs», avance cet ancien pâtissier venu à l’alambic presque par hasard.

La coopérative de Féchy date de 1887, et Alex Paccot n’en est pas peu fier. Sa machine, elle, n’est pas loin d’être centenaire, même si les coopérateurs lui ont adjoint des accessoires au fil du temps. Le succès tient aux deux larges colonnes de distillation, que l’homme manœuvre avec la précision de l’habitude. «A nous, surtout, de mettre de côté l’alcool de tête», le premier jus qui sort des tuyaux. «Il y a dans ce premier alcool des goûts dont on ne veut pas et qu’on ne peut pas éliminer. Les alcools de queue, par contre, qui sortent en dernier, on peut les remettre à distiller pour les purifier. L’art de la distillation, c’est surtout de savoir quand on passe d’une qualité à l’autre», affirme Alex Paccot.

Tout est dans le parfum

Cette semaine, il traite encore les 65 tonnes d’abricot luizet que lui apporte Bernard Dupont, de Saxon (VS), dont l’eau-de-vie remporte généralement moult médailles. «Attention, elle n’a pas le droit au nom «abricotine» puisqu’elle n’est pas distillée en Valais», s’amuse le bouilleur de cru. Sa saison a commencé tôt, cette année, vers le 10 juillet. «On a une année magnifique pour les fruits. A nous de redonner leurs arômes dans nos eaux-de-vie.» Pour Alex Paccot, c’est bien la quintessence du métier. «Sentez ces pêches de vigne que je vais traiter, c’est formidable. Je dois me souvenir de ce parfum au moment de la distillation.»

C’est sans doute ce perfectionnisme, cette passion toujours intacte qui amène tant de clients à Féchy, venus de Genève, du Valais ou de Fribourg attirés par la réputation du bonhomme. Lui-même produit plusieurs alcools pour son propre compte, qu’on retrouvera dans les meilleures tables du canton, de Crissier à Brent.

Nouveau débouché

L’homme commence tous les matins à 6 h et les cuites se succèdent jusqu’à 23 h. «Heureusement que j’ai un aide qui vient le soir, parce qu’on est débordés. Avec les nouvelles installations, après le déménagement, cela devrait aller mieux, explique Alex Paccot. Oui, bien sûr, il y a de moins en moins d’agriculteurs ou de vignerons qui font leur eau-de-vie. Mais on a toujours davantage de privés qui ont un ou deux arbres à côté de la piscine et qui veulent «leur» alcool. Heureusement, je traite aussi bien ceux qui arrivent en tracteur qu’en Mercedes.» Ces derniers amènent parfois 15 kg de fruits seulement, pour en tirer 1,2 litre d’alcool. Qu’importe! Paccot traite tout avec la même minutie.

Le problème, alors, tient plutôt à la qualité des fruits fermentés. «Même si je fais mon boulot, je ne peux pas récupérer entièrement des tonneaux qui auraient été mal faits. Et la moitié de ce que je reçois a un problème. Il ne suffit pas d’empiler des fruits dans un tonneau pour que ça marche» (lire ci-après) A l’avenir, le distillateur se verrait bien accompagner ses clients dès le départ. «On m’apporte souvent des fruits en me demandant de les préparer jusqu’au bout, c’est un nouveau débouché pour nous autres, distillateurs à façon.

Un traitement minutieux

Idéalement, explique le maître, il ne faut pas traîner avec le tonneau. Il doit être rempli en un jour ou deux, pas rafoncé (complété) perpétuellement, pour que les fruits fermentent ensemble. Ce qu’on peut faire, c’est congeler les fruits au fur et à mesure pour les mettre ensuite tous ensemble dans le tonneau. On évitera les fruits endommagés, les queues, les feuilles ou les brins d’herbe.

Une fois le tonneau rempli, il faut baisser le pH naturellement haut des fruits si on veut éviter les bactéries. Alex Paccot recommande donc d’ajouter un mélange d’acide lactique et phosphorique dès le départ.

Deux jours plus tard, on pourra aider au départ de la fermentation en ajoutant des levures œnologiques, mélangées à de l’eau tiède et un peu de sucre. A partir de là, on essaiera d’éviter au maximum l’air. «Plus la fermentation avance, plus l’oxygène est l’ennemi! Si on en laisse trop, cela tourne à l’acétique, on démarre un processus type vinaigre, qui est la suite logique.» Au besoin, on complétera donc le tonneau avec de l’eau pour diminuer la masse d’air comprise sous le couvercle.

Au sortir de l’alambic, l’alcool frise les 60%. Le distillateur redescendra ce pourcentage jusqu’à 42 ou 45%. Mais il devra alors filtrer l’eau-de-vie, qui se trouble en dessous de 45%.

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