Claudio Corallo ou la fève de cacao faite autrement ()

CORALLO_CHOC_1.jpgAu fin fond de la jungle de São Tomé e Príncipe, Claudio Corallo cultive et torréfie les meilleures fèves du monde, qu’il vend ensuite dans des chocolats d’exception, désormais disponibles dans une boutique de Nyon grâce à la passion de Patrick de Carvalho.

Sa marque de fabrique, son emblème, c’est un chocolat 100% cacao. «Mais d’abord, je vais vous faire goûter la fève originale.» Claudio Corallo la décortique avec ses doigts, retire le petit radicule qui donnerait un mauvais goût, et désigne les fragments: «Allez-y, goûtez!» Surprise, le cacao est parfumé, ample, complexe, mais pas du tout amer. «L’amertume, dans le cacao, trahit un défaut de fabrication», assène le planteur italien établi dans ces deux petites îles du golfe de Guinée.

«Vous comprenez, cette fève, on va la broyer très fine, à 35 microns. Cette opération va faire monter la température de la fève à 45°, donc faire fondre le beurre de cacao, qui devient liquide à 30°. Et on obtient directement ce chocolat. Prenez-en d’abord un morceau pour habituer votre palais.» 100% cacao, donc, sans sucre, et pas vraiment noir à l’aspect. La première bouchée est effectivement étonnante. Il y manque le sucré habituel du chocolat et nos sens sont tout déroutés. Mais, là non plus, pas d’amertume. «Reprenez un morceau maintenant!» Et là, la magie se dégage. Des goûts complexes, des sensations de bois, de fumé, d’herbes. Une longueur en bouche incroyable. Mais aussi, rapidement, un sentiment de satiété. C’est délicieux, délicat, mais pas question d’en faire des excès. Il vaut mieux, d’ailleurs, vu le prix du produit (8 fr. 50 la tablette de 50 g.).

Arrivée en Suisse

Depuis quelques jours, la Suisse compte un des rares magasins Claudio Corallo. Patrick de Carvalho, ancien coopérant, et son épouse avaient découvert le planteur à São Tomé, et ils s’étaient jurés d’ouvrir un jour une boutique de ses produits. C’est désormais chose faite à Nyon, où l’on peut déguster et acheter les chocolats, mais aussi les chocolats chauds ou les sorbets de Claudio Corallo.

Le planteur est là ce jour-là, il vient d’ailleurs de faire une conférence au Club des amateurs de vins exquis. Ce n’est pas étonnant: son approche est celle d’un œnologue, parlant des variétés de cacao comme de cépages, décrivant des terroirs qui habitent ensuite ses produits. «Je ne mangeais pas de chocolat avant, je les trouvais trop amer», explique ce Florentin qui a suivi une formation en agronomie tropicale avant de partir au Zaïre comme coopérant. En 1979, il y rachète une plantation de café abandonnée, perdue au fond des forêts les plus sauvages du pays. On n’y arrive qu’après 95 km à pied, en suivant le fleuve. Claudio Corallo forme la population, construit une piste d’aviation et commence à produire un café d’exception. Jusqu’à ce que les événements politiques ne l’obligent à tout abandonner en 1997.

Il en faut plus pour le décourager. Depuis 1993, il louait à São Tomé e Príncipe une plantation où il avait installé sa famille en sécurité. C’est là qu’il se replie après le Zaïre. Sur l’île principale, dans la plantation de Nova Moka, il cultive ses différents cafés, dont un liberica qui reste en bouche pendant une heure! La recette est simple: des variétés anciennes sélectionnées par l’Italien; des cultures peu productives, comme les bons vins (100 kg/ha, contre 4000 habituellement); et surtout une torréfaction millimétrique pour que les goûts de brûlé ne viennent pas gâcher le café.

Sur l’autre île, la plantation de Terreire Veilho, elle aussi abandonnée, abritait des cacaotiers. Si l’homme n’y connaît rien au départ, cela ne l’empêche pas d’apprendre vite, d’essayer beaucoup. Là aussi, il préfère des variétés plus anciennes, moins «industrielles». Il cherche l’adéquation entre la plante et son terroir, teste les meilleures époques de récolte. Tout se fait à la main, y compris le décorticage des fèves. Il invente une méthode de fermentation naturelle, travaille le séchage des fèves, insiste encore: «C’est comme l’olive: si vous la broyez trop fine, la tapenade n’est pas bonne. Or, si vous décortiquez à la machine, celle-là va laisser le radicule de la fève. Il faudra broyer cette dernière très fin pour faire exploser le radicule.» Selon lui, les industriels torréfient trop chaud le cacao, ce qui rend l’extraction du beurre de cacao plus facile. «Mais ça brûle la fève, ça la tue!»

Un alcool de cacao

Parmi les essais qu’il a réalisés: faire un alcool avec la pulpe de cacao, cette mixture blanchâtre qui entoure les fèves. «Personne n’avait essayé. Je ne parle pas de liqueur de cacao, mais bien d’eau-de-vie. On a distillé cette pulpe fermentée et c’était magnifique. Maintenant, on y fait mariner des raisins secs pendant trois mois, puis on met ces raisins dans un chocolat. C’est magique!» C’est vrai, ça l’est. «Et là, on emballe 3 grains de nos anciennes variétés d’arabica, cultivées côte à côte dans nos plantations, dans du chocolat. Allez-y, goûtez les différences…» Le premier est goûteux, mais court. Le second amène du corps. Le troisième est tout en longueur. «Ce sont ces trois cafés que l’on mélange pour en obtenir un qui a toutes les qualités.»

Mais Claudio Corallo est pressé, pressé surtout de rentrer chez lui, de retrouver son fils et son équipe dans leur plantation à l’écart de tout. «Mais on a 300 employés avec nous…

Boutique route de Saint-Cergue 39, 1260 Nyon. www.claudiocorallo.com.

Un micro-Etat

São Tomé e Príncipe: un des plus petits pays africains est constitué de deux îles et d’une quinzaine d’îlots dans le golfe de Guinée. Le climat y est équatorial et les 200 000 habitants vivent principalement de l’agriculture et des subventions (50% du PIB). Tout y est importé, donc cher. Mais la découverte de 2 milliards de barils de pétrole va certainement changer les choses.

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