Crisci et Violier, deux maîtres ()

crisci_violier.jpgVotre serviteur a eu le bonheur et l'insigne chance de manger la même semaine au Cerf de Cossonay, où oeuvre Carlo Crisci depuis trente ans, et à l'Hôtel de Ville de Crissier, repris par Benoît Violier depuis quelques semaines. Deux menus sublimes, sans aucune esbroufe, deux styles différents, mais chaque fois le respect le plus noble du produit et la recherche de la meilleure manière de l'apprêter.

Le premier oeuvre sans arrêt depuis trente ans pour essayer toutes les techniques possibles, pour connaître tous les goûts de la nature. Carlo Crisci n'a jamais été à la poursuite des modes, mais il a toujours attrapé ce qui lui permettait d'aller plus loin dans sa propre cuisine, sans jamais qu'elle soit dominée par la nouveauté. Adepte des épices et des légumes exotiques, grand amateur de plantes sauvages, chercheur de techniques moléculaires qui lui permettraient d'avancer, il reste cet incroyable curieux chez qui se bousculent les idées, les essais. En touillant la recette du canard laqué, puis en observant la salamandre qui trône dans son royaume, il a le génie de traiter la peau d'un canard presque "à la chinoise" avant de le cuire "sous infrarouge", en fait dix minutes sous la salamandre qui sert habituellement à maintenir les plats au chaud. Le résultat est incroyable, une peau de canard croquante et goûteuse, une chair qui a gagné en structure et en goût. Une merveille.

Benoît Violier, lui, travaillait dans l'ombre de ses précurseurs à Crissier. Depuis avril et sa reprise du restaurant, il y déploie enfin son propre style au milieu d'une brigade rafraîchie, enthousiaste, décontractée et drôle. Pourtant, le chef ne lésine pas avec la précision ou la qualité, mais il le fait avec tant de bonheur et d'envie que son équipe le suit. Chez lui, c'est le retour des produits et des goûts classiques (pas plus de deux par plat, promet-il), mais d'une si belle élaboration, d'un assemblage de textures et de goûts si bien maîtrisé que c'en est génial. Les cèpes de Bordeaux sont donc proposés en ravioles, dans un jus où ils figurent également mais crus et croquant. Les langoustines sont d'une qualité incroyable, cuites à en être juste nacrées, d'une structure magnifique, dans un jus qui marie citron et gingembre avec audace et équilibre. La sole est toute simple, cuite vapeur et servie avec des dés de tomate. Le minicrabe batailleur marie sa chair délicate à du caviar osciètre dans un jus juste beurré comme il faut. Du grand art, une intelligence du produit.

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