Jean-Jacques Steiner, à Dully, apôtre de la vente directe ()

vin,la côte,vigneron,vaudLe vigneron se mue régulièrement en représentant de commerce pour aller vendre ses vins en rencontrant lui-même ses clients

C’est peut-être de son expérience américaine que Jean-Jacques Steiner a tiré son talent en marketing direct. Le vigneron de Dully y a en effet passé deux ans, chez Berringer, dans la Nappa Valley, à la fin des années 70, à l’époque où la marque était déjà importante mais pas aussi énorme qu’elle l’est aujourd’hui. Jean-Jacques Steiner avait fait Marcelin, puis arboriculture à Wädenswil et, enfin, œnologie à Changins. Il se lance à son compte en 1980, produisant alors en tout et pour tout deux vins sur le domaine hérité de son père, un chasselas et un pinot noir. Tout ce qu’il y a de plus classique à La Côte. Et il baptise son entreprise Parfum de vigne, comme cette fragrance incomparable qui s’exhale du vignoble au mois de juin.

Dix-neuf cépages

Le jeune homme d’alors sent bien que le marché évolue, qu’il n’y a peut-être pas grand avenir à ne vendre que du chasselas courant à moins de 10 fr. la bouteille. «J’ai toujours voulu faire de la qualité.» Il diversifie donc l’encépagement des vignobles qu’il loue, pour un total de dix-neuf cépages aujourd’hui. Il se concentre sur ses vignes. «Je me suis toujours dit que dix hectares étaient mon maximum. Par exemple, quand mon frère a arrêté le Clos Saint-Bonnet, à Bursinel, en 2006, j’ai repris ces superbes sept hectares mais j’ai lâché l’équivalent d’autres surfaces.»

Il n’hésite pas à attendre avant de vendanger, cherchant ce Graal du vigneron qu’est la maturité phénolique. Et ses rendements sont limités. «Il n’y a pas de miracle: si vous voulez des beaux vins, il faut que les raisins aient une belle concentration. Quand les nouveaux quotas cantonaux ont été resserrés, cela ne m’a pas concerné, je suis déjà largement en dessous.» Ses pinots noirs, par exemple, tournent autour de 700 g/m2. «Je préfère vendre une bouteille de qualité à 15 fr., née d’un rendement restreint, qu’une bouteille commune à 10 fr. en allant jusqu’aux quotas. Et, en plus, je gagne un peu mieux ma vie. Il faut quand même que le vigneron puisse vivre correctement.»

Pour ses chasselas, 30% de sa production, il cherche les 3 F: finesse, fraîcheur et friandise. Là aussi, une belle matière de départ, à 82° Œchslé, un pressurage léger. «Mais 80% d’un bon vin se fait à la vigne. Cette année, le travail des effeuilles et des limitations de rendement étaient essentiels.» Pour ses rouges, il aime travailler avec les barriques (14 000 litres y passent chaque année), non pas pour un goût de bois mais bien pour l’échange d’oxygène et la structure des vins. «Je ne le mentionne que rarement sur mes étiquettes. En Bourgogne ou à Bordeaux, ils ne le mettent jamais, non?»

Le meilleur des pinots

Mais son plus beau résultat, c’est bien avec son Œil de perdrix qu’il l’a obtenu, avec cette grande médaille d’or au Mondial des pinots 2011, et la meilleure note absolue du concours. Sans être un fan absolu des concours, il aime quand même savoir où il en est. Il est le producteur qui a obtenu le plus de Lauriers Terravin l’an dernier, parce que c’est lui qui a présenté le plus de vins.

Pour lui, il n’y a pas de miracle: si sa petite entreprise se porte bien, c’est bien grâce à ses contacts avec la clientèle. Avec une trentaine de producteurs représentatifs de tout le pays, ils organisent des Wyschif dans cinq villes alémaniques pour offrir des dégustations aux clients. Il organise six week-ends de portes ouvertes au domaine. Il ira en mars trois jours à Delémont au Vinorama comme il est allé au salon Goûts et Terroirs de Bulle. «Le vin ne se vend pas tout seul, alors je suis souvent sur les routes et loin de la maison. Mais le salut est là: convaincre les Suisses que nos vins ont un rapport qualité-prix aussi bon, voire meilleur que les vins étrangers. Nous sommes beaucoup plus concurrentiels qu’il y a vingt ans. Mais il faut être en face du client pour le lui dire. Il n’y a rien de plus beau que de lui expliquer notre travail, pourquoi notre vin est ce qu’il est. C’est ce qu’il cherche. Sinon, il irait acheter en supermarché.»

TROIS VINS DONT IL EST FIER

Clair-Ambre 2011, 70 cl, 15 fr.
La composition exacte de cet assemblage blanc change chaque année, car «j’essaie de faire le plus bel équilibre possible selon la qualité des vins». Pinot gris, pinot blanc, doral, gewurztraminer ou chasselas sont ainsi composés chaque printemps pour créer un vin destiné à la gastronomie, idéalement avec les entrées. Sur le millésime 2011 (épuisé), on est sur de fleurs et d’épices, avec une belle longueur en bouche et une fraîcheur bien maîtrisée. (2000 bout.)

Œil de Perdrix 2011, 75 cl, 14 fr.
Le vin qui a obtenu la grande médaille d’or au Mondial du pinot 2011, avec la meilleure note du concours. Un rosé de pinot noir sans secret: les raisins sont simplement laissés cuvés dans le pressoir fermé pendant la nuit avant d’être pressés le matin suivant. Mais, comme les autres pinots du domaine, les vignes sont sévèrement limitées à 700 g/m2. Un nez de fruits mûrs, un beau gras et une acidité élégante. (10 000 bout.)

Grain Noir 2010, 70 cl, 18 fr.
Gamaret (35%), diolinoir (35%), garanoir (20%) et cabernet franc (10%) vinifiés séparément et assemblés après douze mois de barriques déjà utilisées. «J’ai un chai à barriques froid l’hiver, donc l’évolution est lente mais le vin se fait parfaitement et tranquillement. Les crus reviennent ensuite dans ma cave avec les nouveaux en novembre.» Nez de cerise, de cassis et léger torréfié. Beaucoup de structure en bouche et tanins souples. (12 000 bout.)

FICHE TECHNIQUE

Quoi?
10  ha de vignes entre le Clos Saint-Bonnet, à Bursinel (7 ha), le château de Vinzel (1 ha) et Tartegnin (2 ha). 19 cépages cultivés (chasselas 30%, rouge 50%, spécialités blanches 20%). Le domaine compte aussi 1,5 ha d’arbres fruitiers et 6 ha de terres agricoles. 2,5 employés.

Combien?
Dix-neuf vins, soit sept blancs, un rosé, neuf rouges, un mousseux et un liquoreux.

Comment?
80% vendus en vente directe chez des privés et des restaurateurs. 20% vendus en vrac

Où?
Parfum de vigne, Sous-les-Vignes 26, 1195 Dully. 021 804 11 22. www.parfumdevigne.ch. Accueil sur rendez-vous tous les jours ouvrables et le samedi matin.

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