Hippolyte Courty traque les cafés les plus fous du monde ()

courty.jpgLe passionné français fournit à Anne-Sophie Pic des raretés que la cheffe de Valence utilise comme ingrédient dans ses plats. Rencontre à Lausanne

Le café est une des boissons que l’on consomme le plus au monde et pourtant, selon Hippolyte Courty, «c’est une de celles que l’on connaît le moins». Le Français, issu du monde de la dégustation et du vin, s’est spécialisé dans le fruit du caféier au point de lancer en 2009 L’Arbre à Café, une petite société d’une dizaine de personnes qui traque les grains les plus intéressants de par le monde, sur des terroirs particuliers, et qui les torréfie de différentes manières. Ses clients? Des amateurs éclairés qui fréquentent le magasin de Paris, et des restaurants renommés sensibles aux multiples arômes que le Français leur propose. «Ici, on associe le café uniquement à l’expresso et on y recherche des goûts amers comme les aiment les Italiens. Pourtant, plus de la moitié des cafés dans le monde sont bus avec du lait. Et les amateurs de la côte ouest des Etats-Unis, d’Australie ou d’Asie savent chercher la meilleure préparation selon les types de cafés. C’est devenu une véritable mode dans ces régions.»

La douceur de l’infusion

Selon les produits, Hippolyte Courty est un inconditionnel des infusions, à chaud ou à froid, des extractions douces comme ce Chemex, sorte de filtre Melita perfectionné. Surtout, cela lui a permis de convaincre la cheffe Anne-Sophie Pic avec qui il travaille dés­ormais intensément. La reine de Valence l’explique dans son restaurant lausannois du Beau-Rivage: «Je suis avant tout une buveuse de thé, je trouve les expressos trop amers. Avec les infusions, Hippolyte évite cette agressivité du café. Et j’aime beaucoup travailler en cuisine avec des ingrédients fermentés, qui développent une richesse d’arômes incroyables. J’ai mis du thé dans mes plats, parfois un peu de cacao. Grâce à Hippolyte, j’ai découvert toute une palette de goûts incroyables que je teste patiemment.»

La cheffe lui explique alors ce qu’elle cherche pour son plat, y compris les gageures les plus absolues. «Pour un plat avec une huître, elle m’a demandé un café très iodé. Pour finir, nous avons convenu qu’il fallait plutôt chercher le côté tourbé, comme dans un Irish coffee.» Le whisky est pur malt, le café un Bourbon pointu de la Réunion, une espèce qui a muté sur l’île. Car, au départ, si on ne connaît que le robusta et l’arabica, le caféier comprend des milliers de variétés depuis l’Ethiopie, sa terre de prédilection. Mais on n’en utilise qu’une quinzaine pour les cafés courants. Hippolyte Courty, lui, traque les espèces rares, les terroirs d’exception, à São Tomé ou au Liberia, à La Réunion ou en Inde, un des principaux pays producteurs. Et il défend cette extraordinaire diversité: «Le café a près de 1000 marqueurs aromatiques différents, à l’image du vin.»

Sauver les sols

Il cherche surtout des paysans inspirés. «80% de ceux avec qui nous travaillons cultivent en biodynamie, pour régénérer des sols qui ont été délavés.» Et des originalités. S’il torréfie lui-même ses grains, il s’intéresse aussi à ce Lacu Ten, dont une sorte d’opossum avale la cerise avant de la relâcher après digestion: «La réaction en­zymatique enrichit la complexité et la sucrosité.» Ou à la cascara, la peau du café qu’il fait infuser pour une boisson qui rappelle le cynorrhodon. Pas étonnant qu’Anne-Sophie Pic se soit intéressée à cette palette aromatique infinie, qu’elle utilise sous toutes ses formes, y compris en moulant le café comme un grain de poivre. Plusieurs de ses plats sont présents dans l’un ou l’autre de ses trois restaurants, mais pas le menu complet, tel qu’on l’a dégusté accompagné de… divers cafés.

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