Gilles Cornut, plus grand vigneron vaudois ()

gilles_cornut.jpgLe directeur technique de la coopérative qui cultive 11% des vignes du canton est aussi président de l’Interprofession (photo Gérald Bosshard)

«Bien sûr que je connais toutes les 1800 parcelles d’où provient notre vendange.» Gilles Cornut est le directeur technique d’Uvavins, la plus grosse coopérative du canton, qui vinifie 11% des vignes vaudoises, sur 415 hectares. Il est également le président de la Communauté interprofessionnelle du vin vaudois, en tout cas jusqu’à la fin de son deuxième mandat, en avril prochain. «C’est un poste exposé mais je ne crois pas m’y être fait des ennemis. Même si, forcément, nos décisions ne peuvent pas plaire à tout le monde.» Un euphémisme dans un monde qui n’avance pas toujours groupé entre encaveurs, coopératives ou négociants, fierté régionale et promotion cantonale.

Mais Gilles Cornut aime faire bouger les choses… et les gens. Depuis son arrivée dans la coopérative de Tolochenaz, en 1987, tout frais émoulu de Changins, il s’est appliqué à faire évoluer les mentalités. Prônant alors une réduction des engrais et des traitements à des coopérateurs qui n’en avaient cure. Cherchant à limiter les rendements à une époque où cela n’était pas aussi évident qu’aujourd’hui. Mais il faut croire que le garçon a une belle force de persuasion. Lui, l’homme pressé, n’hésite pas à prendre du temps pour convaincre plutôt que pour imposer. «Je suggère les choses, ensuite le vigneron dispose», affirme-t-il avec ce petit sourire mutin qui le caractérise.

L’aube d’un gros chantier

Ces derniers jours, Gilles Cornut n’a pas très bien dormi. Normal, il mettait la dernière main au plus récent projet de l’entreprise, l’agrandissement de la cave de Tolochenaz pour y déménager l’ancienne Cave des viticulteurs de Morges. Cette dernière, à deux pas de la gare, est vendue pour financer le chantier. «C’est toujours un pari de choisir le matériel de la cave. Selon ce qu’on prend, cela détermine aussi la manière dont nous travaillerons nos vins dans dix ans.» Et du matériel, il y en a: 830 cuves entre Nyon et Tolochenaz, par exemple, des plus grandes aux plus petites qui permettent à Rodrigo Banto, l’œnologue responsable, de faire des microvinifications pour des essais de cépages.

En vigne aussi, les choix qui sont faits sont pour le long terme. Gilles Cornut a défendu les cépages créés à Changins, gamaret, garanoir, divico ou MRAC 40 (croisement de cabernet franc et gamaret). Et il avoue un gros faible pour le doral, cet enfant du chasselas et du chardonnay. «Nous devons faire évoluer notre offre. Chez nous, le chasselas ne représente que la moitié des vignes, alors qu’on est plutôt à deux tiers dans le canton. Le doral a du fruit et une belle fraîcheur.» Là aussi, il a fallu convaincre les coopérateurs d’en planter. «On fait des séances avec nos vignerons chaque année et on leur dit ce qu’on pense. Ils nous croient parce qu’on a fait des études de terroir, des microvinifications et qu’on leur fait déguster. C’est l’avantage d’une coopérative: elle a tant de terroirs différents à disposition. Un vigneron de domaine n’a pas ce choix.» La coopérative finance parfois le risque de plantation, prenant les frais à sa charge si le résultat n’est pas convaincant.

Aujourd’hui, Uvavins a clairement complété le registre de ses vins haut de gamme, récoltant une belle collection de médailles. Mais elle agit aussi dans les entrées de gamme, comme ce chasselas romand vendu à bas prix chez Landi. «Nous avons un des plus beaux vignobles du monde, mais nous n’avons pas toujours les bons produits par rapport au marché. En même temps, que boiront les gens dans dix ans? Des vins prêts à boire, parce qu’il n’y a plus de cave dans les maisons, sans doute, mais de quel type?»

TROIS VINS DONT IL EST FIER

Morges Vieilles Vignes 2012, 75 cl, 11 fr. 80

«Je l’ai aussi choisi parce que l’étiquette représente le chemin que je faisais depuis Monnaz pour aller à l’école à Vufflens-le-Château.» Chasselas issu de vignes de plus de 20 ans, avec des rendements inférieurs à 1 kg/m2. Elevage léger sur lie en foudre pendant deux mois, avec remontages. Un nez complexe pour le cépage, beaucoup d’élégance. En bouche, du gras et de la profondeur. (18 000 bout.)

Doral Expression 2012, 75 cl, 13 fr. 50

«Voilà un cépage suisse, né ici, que nous mettons en valeur.» Ce doral, croisement de chasselas et de chardonnay, tire du premier cette belle fraîcheur et du second ce côté fruité: abricot, pamplemousse, mandarine. En bouche, belle fraîcheur d’un vin qui n’a pas fait toute sa fermentation malolactique. Une finale tendue, presque saline. «C’est notre petite arvine à nous. Et on peut décliner ce cépage en mousseux, en passerillé.» (30 000 bout.)

Merlot Inspiration 2011, 75 cl, 25 fr.

«On a planté les premiers merlots en 1992 à Coinsins, une terre à rouge, après avoir choisi un porte-greffe précoce. Après, on a étendu.» Un gros succès après le titre de «champion du monde» du 2009. Un passage en barriques neuves, «un travail que je ne maîtrise pas comme Rodrigo Banto» et un vin avec un nez de cerises, de fruits rouges et de chocolat, une bouche souple et légère malgré une belle masse tannique. (12 000 bout.)

FICHE TECHNIQUE

Quoi?

415 hectares (la moitié en chasselas), 320 fournisseurs, 400 coopérateurs, 1800 parcelles, 30 cépages, sur La Côte.

Combien?

280 vins, dont 76 de communes, 26 châteaux, domaines ou clos, 2 1ers Grands Crus. 4 millions de litres environ, sauf en 2013: 2,5 millions, pour cause de météo.

Comment?

Un quart vendu en restauration et auprès de privés, trois quarts vendus en grande distribution ou chez des grossistes. Environ 3% à l’export (en progression).

Où?

Vente directe 
- à Tolochenaz (ch. du Saux 5, 021 804 54 90, dégustations de fin d’année aujourd’hui vendredi et demain samedi),

- à Nyon (route du Stand 37, 022 363 88 00).

www.cidis.ch.

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