Les vins suisses de mer Noire ()

Burnier_Sotchi.jpgRenaud et Marina Burnier, du Vully, ont monté un domaine de 48 ha à 300 km de Sotchi, avec de beaux crus

«Nous étions si naïfs, si idéalistes quand nous avons lancé ce projet. Mais le monde avance peut-être grâce à des naïfs et à des idéalistes.» Renaud et Marina Burnier sont fiers aujourd’hui de leur réussite, et ils ont de quoi: monter un domaine viticole de 48 ha au bord de la mer Noire et y produire des vins de grande qualité, ce n’est pas une entreprise simple pour un couple installé à Sugiez, dans le Vully, où il possède aussi un domaine familial de 5 ha.

Pour Renaud, tout est parti de ses études à Changins, où un de ses professeurs expliquait que le climat de la côte russe de la mer Noire était extraordinaire pour les vins. «L’hiver est froid mais le reste de l’année ressemble au sud de la France. En plus, il n’y a pas d’accidents climatiques, de gros orages, de grêles ou de canicule», explique l’œnologue. Sa femme, Marina, elle, n’est pas née dans le monde du vin. Venue étudier le marketing à Berne, elle a rencontré Renaud lors du vernissage d’une expo de peintures dans sa cave en 1995. Ensemble, le couple a poursuivi son rêve. Dès 1999, il s’est mis en chasse d’un terroir idéal sur les bords de la mer Noire, hors des kolkhozes de 1000 ha qui y produisaient du vin industriel.

Au dernier voyage

Il leur aura fallu sept voyages jusqu’à ce jour d’août 2001 où, à quelques heures de reprendre l’avion et d’abandonner l’histoire, Renaud aperçoit une montagne qui lui rappelle celle du Vully. «Avec la même exposition. Quand on est arrivé sur place, j’ai tout de suite su que c’était là.» Rien n’est simple: il faut d’abord signer un contrat de location à long terme (quarante-neuf ans) qui se transformera bientôt en achat. Trouver du personnel: «Sur place, il n’y avait plus que les anciens qui se rappelaient comment cultiver.» Et l’écart entre les exigences de précision suisses et les standards de travail russes sont énormes. Et il y a l’administration: «Heureusement, les Russes ne se découragent jamais. Chaque jour, il y avait un nouveau problème mais, chaque soir, ils trouvaient une solution, un contournement, une idée.»

Après analyse des terres («le bas est plutôt argileux, on l’a réservé aux rouges, alors que le haut, marneux, convient aux blancs»), les Burnier replantent des cépages européens mais aussi du krasnostop, le cépage local, connu comme vin teinturier dans les assemblages mais qui se révèle étonnant lorsqu’on en limite le rendement (fixé à 600 g/m2 sur tout le domaine). Pour cela, il a fallu retrouver des plants authentiques puis, une fois leur ADN certifié, le sélectionner et le multiplier. «On en a trois hectares aujourd’hui sur lesquels on veille jalousement. D’ailleurs, quand on taille les vignes, on broie immédiatement les bois coupés pour éviter que d’autres producteurs ne nous les volent et les reproduisent.»

Trente employés

Après le premier millésime, en 2005, qui était encore vinifié à 80 km de là, les Burnier ont continué le projet et développé l’affaire, qui compte aujourd’hui 30 employés, russes, suisses et français. Ils y suivent des démarches respectueuses de l’environnement, comme la cave de 1800 m2 qu’ils ont construite, semi-enterrée au milieu du domaine. Et ils appliquent des principes de biodynamie.

Les ventes, aujourd’hui, permettent au Domaine Burnier d’être équilibré dans ses comptes après les investissements consentis par le couple, qui n’a reçu aucune aide d’une banque. En produisant des vins de première qualité, les Burnier visent des marchés de niche, en Russie d’abord, principalement dans les deux grandes villes, mais aussi dans plusieurs capitales européennes. «Il y a 4 millions de Russes en Allemagne!»

La difficulté est d’abord de convaincre. «Nous ne disons pas vin russe, mais vin des côtes russes de la mer Noire produit par des Suisses, ça rassure», sourit Renaud Burnier. Et il fait déguster ses quatre vins. Un riche assemblage blanc. Un merlot élégant et fruité. Un cabernet sauvignon passé en barrique, complexe, ample. Et ce krasnostop, aux arômes de pruneau sec, à la bouche voluptueuse. «Tout le monde se moquait de nous avec le krasnostop, et c’est devenu notre fer de lance.»

En vente au Domaine Burnier, route Principale 39, Sugiez (de 15 à 35 fr. pour le krasnostop). Ou chez Mosca Vins, à Crissier.

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