Cave de Bonvillars: l’alliance réussie du feu et du vin ()

cvb.jpgLa symbiose parfaite entre la directrice Sylvie Mayland et l’œnologue Olivier Robert donne de beaux résultats dans cette cave ressuscitée

Née en 1943, la Cave des viticulteurs de Bonvillars a failli mourir en 2003, les finances en dessous de zéro et une structure qui s’essoufflait. Mais les gens du Nord vaudois sont des durs à cuire et ils souffrent en silence. Les coopérateurs accepteront de livrer deux vendanges sans être payés, histoire de remettre leur coopérative à flot. Et, pour relancer la machine, Daniel Taillefert, son président, va rechercher une vraie pile électrique. Sylvie Mayland avait déjà travaillé ici entre 1996 et 2001 avant de partir vendre les vins du géant Schenk. «Mais je suis totalement amoureuse de cette cave», explique la pétillante Jurassienne française, passée d’études littéraires au monde de la restauration, puis à la viticulture. La directrice a de l’ambition, mais aussi du réalisme: «C’est le charme d’être une petite cave d’une région moins renommée, on fait tout avec une petite équipe, on connaît tout le monde, on tisse des liens très étroits d’amitié», avoue-t-elle avec un beau sourire.

Virage important

Avec sa taille de 1,52 m, elle paraît toute petite à côté de son œnologue, le grand Olivier Robert, 2,03 m. Autant elle est le feu, autant il semble calme. Entre les deux, la complicité et le respect mutuel sont évidents. Tous deux partagent un parcours atypique avant d’arriver ici. Lui avait entamé une tout autre carrière avant qu’un grave accident de moto ne le stoppe net et le prive d’un bras. Et c’est grâce à l’assurance-invalidité qu’il entamera sa formation, jusqu’à Changins. Une année de stage en Bourgogne lui donnera le goût du pinot noir. Ça tombe bien, c’est un des cépages phares de la cave, en particulier pour les deux cuvées de ce Vin des Croisés qui joue le rôle de tête de gondole à Bonvillars.

Après encore une année et demie à Genève, le voilà qui rejoint Bonvillars grâce à Philippe Corthay, l’œnologue indépendant qui donne un coup de main à la cave. «Philippe m’a beaucoup aidé au début. Aujourd’hui, nous avons davantage des échanges d’idées et d’expériences. Mais je suis beaucoup moins interventionniste que lui en cave.»

«Nous n’avons pas changé beaucoup de choses, assure Sylvie Mayland. La qualité et l’envie étaient déjà là, il fallait juste remettre un peu d’ordre dans la gestion.» L’humilité semble un maître mot dans la maison, malgré le travail accompli. Grâce à ces saines économies, l’outil de travail a été considérablement rajeuni, avec 11 nouvelles cuves thermorégulées, une nouvelle réception vendange, des cuves en béton refaites, une mise en bouteille renouvelée, un chai à barriques, un nouveau local de stockage en cours de construction et un magasin entièrement refait.

Equilibre financier

«L’entreprise est saine financièrement, grâce aux efforts des vignerons.» Ceux-ci sont en effet correctement payés, sans plus, mais ils touchent les bénéfices de la coopérative. «Cette année, on leur a encore demandé de baisser les rendements, 900 g/m2 pour le chasselas, par exemple. Mais on a augmenté le prix du raisin en proportion», explique l’œnologue. «Nous avons beaucoup de chance, poursuit la directrice: nous demandons des choses, et ils suivent en nous faisant confiance.»

Résultat: des vins aux prix très abordables, et une gamme «gourmande» élevée en barrique qui remporte un franc succès. «Nous allons pas mal la développer parce que nous sommes toujours en rupture de stock sur ces vins, mais sans exagérer non plus.» Ce n’est pas le genre de la maison, qui rechigne à engager un vendeur, «parce qu’il faudrait être sûr qu’il ne nous coûte pas plus cher qu’il nous rapporte. Et nous préférons acheter des cuves plutôt que des voitures de fonction.»

«Nous avons des terroirs formidables, mais les gens ne le savent pas toujours, poursuit-elle. Nous devons nous battre pour le faire savoir, mais, en même temps, nous n’avons pas la pression que subissent les appellations plus renommées. Cela nous convient bien.»

TROIS VINS DONT ILS SONT FIERS

L’Arquebuse 2012, 75 cl, 9 fr. 50 «Un de nos deux best-sellers, de nos fers de lance, explique Olivier Robert. Mais il demande un peu de temps pour développer ses côtés aromatiques, ainsi que l’a constaté le jury Terravin. Un vin droit, d’expression marquée, avec des arômes floraux et de pêche de vigne, un côté miellé et une jolie minéralité. «Je baisse toujours plus les niveaux de CO2. Et j’aime sa fraîcheur.»(55 000 bout.).

Le Vin des Croisés 2012, 75 cl, 12 fr. 90«Notre autre fer de lance», sourit Olivier Robert. Ce pinot noir existe en deux versions, avec ou sans barriques. Le premier est très délicat et élégant. Le raisin passe en cuve, avec remontage et chapeau bloqué. Et le cuvage se termine à plus haute température (35-40 °C). Un nez «bourguignon» de cerise et de griotte, avec un petit côté fruits mûrs. Une bouche aux tanins fins et élégants (70 000 bout.).

Galotta Gourmand 2012, 75 cl, 22 fr.«J’ai hésité parmi nos cuvées gourmandes avant de choisir ce galotta, plus simple d’accès, axé sur le fruit.» Les raisins subissent un surcuvage de près d’un mois, avec une fermentation au chaud, un soutirage de marc avant de partir en barriques (15% de neuves) pour une année. Un nez de framboise, tarte aux myrtilles, fruits confits, avec des touches de chocolat. Belle acidité agréable (3500 bout.).

FICHE TECHNIQUE

Quoi? Coopérative (100 coopérateurs, 35 producteurs principaux), sur 98 ha, entièrement sur l’appellation dont elle encave la moitié
de la surface. Une dizaine d’employés et quatre apprentis.

Combien? 33 vins en bouteilles (de 8 fr. 30 à 22 fr.), quatre en litres. Le chasselas représente un tiers du vignoble. Environ 900 000 cols produits chaque année (moins
en 2013, évidemment).

Comment? 30% vendus en vente directe, 25% chez des grossistes, 25% entre entreprises et sociétés,
20% en restauration. Et une bricole en vrac...

Où? Cave de Bonvillars, Ch. de la Cave 1, 1427 Bonvillars (024 436 04 36). Ouvert la semaine et le samedi matin (www.cavedebonvillars.ch).

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