Pierre Monachon, à Rivaz, un vigneron nommé bonheur ()

pierre_monachon.jpgLe président du label Terravin et syndic de Rivaz s’émerveille toujours de la vie et de son métier

Ce métier est tellement génial que je n’ai même pas besoin d’aller au fitness!» C’est dit avec un grand sourire. Installé dans le nouveau caveau de réception qu’il a aménagé dans la maison en face de sa cave, Pierre Monachon a cet enthousiasme perpétuel et cette gentillesse naturelle qui camouflent une énorme exigence professionnelle. L’homme est un de ces vignerons qui font avancer le canton. Comme membre de l’association Arte Vitis, le groupe de producteurs passionnés de qualité. Comme président de Terravin, le label de qualité qui honore moins de 5% des bouteilles cantonales des Lauriers d’or. Et il a également été admis à la Mémoire des vins suisses, le club d’une cinquantaine des meilleurs flacons du pays, avec son Saint-Saphorin Les Manchettes.

Tout est parti de presque rien, d’un petit meunier (monatzon) venu s’installer à Rivaz en 1777 et qui cultivait quelques arpents de vignes. Le grand-père de Pierre, à côté de son hectare de chasselas qu’il a été le premier à mettre en bouteilles, faisait aussi de la pépinière pour vivre. Pierre, 7e génération, continue à multiplier ces sélections de fendant roux. «Il produisait son vin sans utiliser un litre de pétrole ou un kilowattheure d’électricité, presque en autarcie, avec une petite charrette pour aller à la vigne.»

Le poids de la tradition

Son père a un peu agrandi le domaine pendant que le jeune homme, dans les années 1970, effectue son apprentissage du côté de la Suisse alémanique, «fait viti» à Montagibert et œno à Changins. Quand il revient travailler à Rivaz, en 1979, il loue et achète des parcelles de son côté, tout en collaborant avec son père. «Je l’admirais beaucoup mais nous avions chacun nos idées. Le poids de la tradition est formidable: tu vois ton père travailler toute la journée dans les pentes du Dézaley, tu ne te poses pas de question, et tu suis. Mais la tradition peut parfois aussi nous empêcher d’avancer. En Valais, les jeunes vignerons ont pu faire ce qu’ils voulaient parce qu’ils étaient libres; à Lavaux, c’est plus compliqué de changer les choses face à l’histoire. Ceci dit, produire des appellations comme Saint-Saphorin ou Dézaley, ça aide à vendre quand même.» De son père, Pierre a surtout gardé «cette incroyable confiance en l’avenir, même une année de petite récolte.»

Un métier diversifié

Côté tradition, il y a ce chasselas, qui couvre les trois quarts des vignes, un chiffre qui diminue légèrement. «C’est un tout grand cépage et je possède des terroirs magnifiques pour le laisser s’exprimer. Et, depuis qu’on sait qu’il est originaire d’ici, c’est encore plus facile à expliquer aux clients.» Vendre, rencontrer les clients, c’est une autre facette du métier qui plaît à Pierre Monachon. «Quand j’ai repris, en 1990, les vignes coûtaient trop chers pour que je m’agrandisse. Mais, surtout, j’aime rester petit, pouvoir tout faire moi-même avec un ouvrier. Là, c’est le moment de la taille, extraordinaire, où l’on voit que chaque souche est différente. Et puis tailler devant un tel paysage! Mais j’aime la cave aussi, avec mes cuves en acier émaillé.» Surtout pas en inox, «cela fait des échanges avec le vin». Des vinifications toutes simples à basse température, sur lies qu’on remonte régulièrement. Et on filtre le plus tard possible pour extraire le maximum.

Côté avenir, il y a ce merlot hérité de Château Pétrus, et qui a finalement bien apprivoisé les endroits protégés de Rivaz, mais aussi ce mara qu’il a été un des premiers à planter avant même qu’il ait un nom (il s’appelle ici Cuvée du Marin, la voile étant une des passions de celui qui aime le ski et la montagne aussi). Et il y Basile, un des trois enfants, qui va reprendre le domaine dans un an, même si son père continuera à donner un coup de main. «Je ne peux pas arrêter de travailler, c’est mon plaisir!» Basile, donc, est aussi ancré dans la tradition, lui qui a poussé pour qu’on plante du Plant-Robert et bientôt de la mondeuse, histoire de diversifier encore un peu la palette de vins.

TROIS VINS DONT IL EST FIER

monachon_manchette.jpgSaint-Saphorin 2012 Les Manchettes, 70 cl, 14 fr. 80

«C’est mon vin le plus connu, et c’est celui qui est entré à la Mémoire des vins suisses.» Un chasselas planté sur «un magnifique terroir, qui lui donne cette minéralité imposante». Sur un sol de calcaire et d’argile, ce chasselas a besoin de temps pour s’ouvrir, «ce n’est donc pas un vin de concours, les dégustations sont trop tôt»… Nez avec des touches de verveine et de cire, «adéquation entre minéralité et fruité». Elégance! (15 000 bout.)

monachon_dezaley.jpgDézaley 2012 Les Côtes-Dessus, 70 cl, 18 fr. 80

«Pour le Dézaley, cette parcelle a un sol profond, avec près d’un mètre», sourit Pierre Monachon. La vigne supporte donc bien les stress hydriques en été. Un Dézaley de toute grande classe, avec un nez qui flirte côté agrumes, avec des notes fruitées. Bouche avec du volume, une belle matière et un joli gras pour enrober une fraîcheur agréable. Beaucoup de droiture et de belles promesses d’avenir. (5000 bout.)

monachon_merlot.jpgSaint-Saphorin 2011 Merlot, 75 cl, 28 fr. 50

«J’ai commencé le merlot par une treille, puis une deuxième, puis j’en ai mis le long de tous mes murs. Et sur une parcelle au bord du lac, près du château de Glérolles, dont le sol a beaucoup d’argile, comme à Petrus, c’est ce qui m’a donné l’idée.» Cuvé par pigeage, puis passage en barriques d’âges différents pour douze mois. Au final, des arômes de fruits mûrs, prune, cassis. Bouche fraîche aux tanins fins. Belle longueur. (3000 bout.)

FICHE TECHNIQUE

Quoi?

3  hectares entièrement sur la commune, entre le clos des Abbayes et le château de Glérolles. Majoritairement planté en chasselas (75%), mais avec neuf autres cépages.

Combien?

Huit vins, dont trois chasselas sur trois terroirs. Un sylvaner (plant du Rhin) en vendange tardive récolté à la saint Martin (11 novembre). Trois monocépages rouges (pinot noir, merlot et mara) et un assemblage (gamay, pinot noir, gamaret, diolinoir et garanoir).

Comment?

Une moitié vendue en vente directe, un quart en vinothèque, un quart en restauration.

Où?

Basile et Pierre Monachon, rue du Collège 5, 1071 Rivaz. 021 946 15 97. www.domainemonachon.ch.

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