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Blaise Duboux, à Epesses, irréductible chantre de Lavaux

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Duboux.jpgIl se bat contre l’AOC qui a «spolié» Dézaley et Calamin, et prouve, bouteilles en main, la noblesse de ces terroirs

Il a beau représenter la 17e génération des Duboux vignerons à Epesses, Blaise se sent davantage responsable de cette lignée que riche héritier. «Mon père m’a toujours dit, tu peux faire ce que tu veux comme métier mais interdiction de vendre les vignes.» Il a quand même choisi vigneron, par passion, une passion qu’il aime communiquer à travers de longues tirades où l’on sent la culture du personnage, ses références techniques ou historiques. Quand il s’agit de défendre Lavaux, il pourrait même aller jusqu’à être têtu. Mais pas buté.

Cet ingénieur-oenologue a travaillé un temps pour Prométerre, défendant la production intégrée. Lui-même a supprimé tous les herbicides (sauf sur quelques parcelles en gobelets) et tous les engrais depuis vingt-deux ans. «Je vise le bio sans l’être. De toute façon, à Lavaux, avec les hélicos, toutes les parcelles reçoivent un peu de chimie.» Chez Duboux, on utilise juste un peu de cuivre et de soufre. Et le moins possible d’intrants en cave. «J’aimerais qu’on soit beaucoup plus à travailler de cette manière, plutôt que de n’avoir que quelques domaines certifiés bio.»

Le goût de la nature

Pour les rouges, le président d’Epesses en fête ne travaille qu’avec les levures indigènes, celles qui sont naturellement dans le raisin. Avec les blancs, c’est plus difficile, le jus ne restant pas en contact avec la peau où se nichent ces levures. «On travaille pour réaliser des pieds de cuve, avec du riz et du sucre de canne, mais ce n’est pas encore au point. Alors on choisit les levures les plus neutres possibles, pour qu’elles n’ajoutent pas de goût au vin.»

Quand il s’agit du chasselas, Blaise Duboux est tout aussi tranché: «Je n’aime pas quand on essaie d’obtenir des côtés fruités-floraux en y mettant des levures aromatiques ou des bactéries. C’est pousser ce cépage-là où il ne peut pas aller, sans parler du risque dans les cuves qui deviennent des bombes à retardement.» Lui, le chasselas, il l’aime à son image, minéral, franc, «presque un peu rustique parfois», révélant les cinq terroirs qui sous-tendent ses vignes, de Villette à Saint-Saphorin. Pour y arriver, il faut suivre la vigne, couper, gérer la vigueur de la plante. «Une équation à plusieurs inconnues, et qu’on ne gère pas toujours.»

Chaque matin, quand il se lève – et plus encore quand il reçoit des visiteurs étrangers – il est sous le charme de Lavaux. «Ici, l’histoire est une valeur ajoutée. Si des gens se sont autant acharnés depuis plus de 800 ans pour planter de la vigne ici, il y a une raison, non? Ils ont créé cette extraordinaire architecture viticole unique au monde. Et je trouve que cela se sent dans le goût du vin.» Bien sûr, les conditions de travail difficile imposent ici des prix plus élevés, sans parler du coût des murs de pierres. «Cela doit nous pousser à l’excellence, à réapprivoiser les clients suisses, mais pas en faisant n’importe quoi.»

Grand Cru?

N’importe quoi, pour Blaise Duboux, c’est par exemple le nouveau règlement vaudois sur les AOC. «On a voulu faire du marketing à l’américaine avec ces appellations. Quand on voit que le Grand Cru se mérite juste par quelques degrés Œchslé de plus et qu’on peut même couper ces vins. Il faut arrêter de faire croire qu’on a des AOC quand chacun a le droit de les trafiquer.»

Avec quelques amis de Lavaux, il se bat depuis des années pour redonner une AOC au Calamin et au Dézaley, «des terroirs certifiés depuis 1941 et une histoire de 800 ans.» Pour lui, l’absence de ces vins parmi les 1ers Grands Crus relève d’une révolte. «Les 150 propriétaires de ces deux régions ont agréé un projet limitant le rendement et interdisant tout coupage avec d’autres vins en échange d’un retour d’une AOC Grand Cru spécifique.» Le projet embarrasse l’Interprofession vaudoise que le Conseil d’Etat a chargée d’étudier le projet. «On est prêts à aller jusqu’à la Cour européenne pour obtenir gain de cause», promet-il. Passionné, on vous l’avait dit. Et têtu aussi.

TROIS VINS DONT IL EST FIER

Calamin Grand Cru AOC 2010, Cuvée Vincent, 70 cl, 17 fr.
«Une charge argileuse et calcaire» qui donne un vin tout en minéralité, d’une droiture et d’une franchise impeccables. «On le travaille comme un chardonnay, il a une sorte de force tranquille.» Du gras, de la complexité, un peu de sucrosité et une belle longueur en bouche. «On n’a pas le côté sous-bois, il se marie parfaitement avec des crustacés.» (4000 bouteilles)

Dézaley Grand Cru AOC 2010, Haut de Pierre, 75 cl, 26 fr.
Un nez floral au tilleul bien présent, avec quelques notes de poivre blanc, voire de curry doux. La bouche est épicée, avec des touches de poivre et un côté tannique. Beaucoup de gras, presque de la salinité et un zeste de citron qui le verra se marier à des poissons. «En 2010, la récolte permettait de se contenter de levures indigènes. On est à moins de 900 g/m2.» (3400 bouteilles)

Plan Robez 2010, Epesses, 75 cl, 25 fr. 50. Vieille orthographe de ce Plant-Robert, un plant «dérobé», labellisé par l’association dont Blaise Duboux est fondateur. «Le plus dur, c’est de le limiter. Il faut en ôter les deux tiers à la vigne.» Le nez est poivré comme il faut, avec une belle complexité. Bouche encore fraîche, alcool élevé sans être trop marqué. (3000 bouteilles)

FICHE TECHNIQUE

Quoi? 4,8 ha entre Villette, Epesses, Calamin, Dézaley et Saint-Saphorin. Huit cépages cultivés dont une grande majorité (78%) de chasselas. Environ 35 000 bouteilles par année, et un peu de vin en vrac, «moins chaque année».

Combien? Onze vins, dont six chasselas, entre grands crus et villages, trois rouges et deux spécialités blanches. De 13 fr. 50 à 35 fr.

Comment? Essentiellement en vente directe et en restauration.

Où? Blaise Duboux, Ch. des Ceyvavers 3, 1098 Epesses. 021 799 18 80. www.blaiseduboux.ch. Cave ouverte le samedi de 9 h à 12 h ou sur rendez-vous.

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