La canicule lui a donné bien des soucis. Dame! Quand on a plus de 40 espèces de cerises anciennes dans son verger et qu’elles supportent mal les 34 degrés, il faut se dépêcher de cueillir avant que les fruits sèchent ou dépérissent. A Oulens-sous-Echallens, Alain Vulliamy cherche les ennuis…
Depuis une vingtaine d’années, il a ainsi planté plus de 260 espèces différentes d’arbres fruitiers, toutes des variétés oubliées ou en voie de disparition. Et une bonne partie d’entre elles sont cultivées en hautes tiges, soit la forme traditionnelle des arbres qui rend la cueillette plus difficile quand les cultures modernes. «C’est vrai que je cumule les complications», sourit-il. «En plus, avec toutes ces variétés différentes, c’est difficile de coordonner les traitements (le plus bio possible) ou les récoltes.»
Souvenirs familiaux
Tout a commencé il y a plus de vingt ans. Alain entendait ses grands-parents et ses parents qui l’ont précédé dans la ferme familiale du XVIIIe évoquer avec nostalgie les fruits d’antan, ces espèces qu’on ne cultivait plus pour des questions de rentabilité mais qui «avaient tellement plus de goût». Il cherche alors des plantes, trouve deux pépiniéristes alémaniques (aujourd’hui disparus) qui ont encore des trésors. Et il commence à planter sans trop réfléchir. C’est d’abord pour un usage purement familial.
En 2001, à force de planter, il commence à commercialiser ses fruits dans un self-service devant la ferme. Car si Alain Vulliamy s’intéresse aux variétés anciennes, il ne cultive que des arbres dont les fruits sont comestibles. Sa réputation grandit et les clients viennent chercher ses cueillettes, y compris des spécialités comme le kiwaï, ce minikiwi qu’on mange avec la peau, ou le nashi, cette «poire japonaise» qui ressemble à… une pomme.
Aujourd’hui, 10% des fruits sont vendus frais. Le reste est transformé en jus, en eaux-de-vie ou en liqueurs, en compotes, en confitures et en chutney préparés par Annelise, son épouse. C’est elle aussi qui l’aide, avec les parents et les beaux-parents, à cueillir les fruits. «Ce ne serait pas rentable d’engager des ouvriers pour ce travail.»
Une passion intacte
Même si les plantations récentes sont en basse tige, le boulot reste intense. Mais les yeux de l’agriculteur – qui gère aussi sa ferme de 23 hectares – brillent quand il se promène dans son verger et qu’il en détaille les occupants. S’il les connaît la plupart par cœur, il a parfois besoin de son plan ou des indications qui figurent au pied de l’arbre pour s’y retrouver.
Ici, c’est la Basler Adler, une cerise du nord-ouest de la Suisse, juteuse, douce, «qu’on ne verra jamais en supermarché, elle n’aime pas le transport», explique-t-il. Ce passionné de cerise continue vers la Techlowan, une trèque de grande taille, croquante, dont les fruits pèsent jusqu’à 10 grammes. Et la Noire de Chavannes, très répandue autrefois dans le canton de Vaud, avec sa chaire un peu molle, son jus foncé.
On s’arrête devant la prune Belle de Paris, très ancienne, juteuse, sucrée, aromatique. Et la poire Jeanne d’Arc, fondante, douce qu’on mange à la main. «Je ne suis pas collectionneur, vous savez. Mon but n’est pas d’avoir le plus grand nombre possible de variétés. Mais, de temps en temps, je craque pour une nouvelle, même si ma femme me gronde ensuite.»