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Hugh Johnson, l’homme qui laisse vieillir ses arbres et ses vins

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DER_HUGH_JOHNSON_01.jpgPortrait de l'écrivain dégustateur à l'occasion de sa venue en Suisse à l'invitation de Terravin.

A quelques minutes de tenir une conférence devant 250 personnes à l’initiative du label de qualité Terravin, Hugh Johnson est détendu et rien ne peut enrayer son humour britannique, qui ressemble souvent à de l’élégance. A 72 ans, pourtant, celui qui a si bien expliqué le vin qu’il a vendu 15 millions d’exemplaires de ses livres pourrait se reposer, déguster tranquillement l’une ou l’autre des 5000 à 10 000 bouteilles – il ne sait pas exactement combien – qui l’attendent dans la cave de sa propriété de l’Essex. Mais ce n’est pas avec une mentalité de fonctionnaire que l’on devient mondialement célèbre. C’est avec une passion.

Avant même celle du vin, découverte lors de ses études à Cambridge, c’est la passion de l’humain qui guide l’écrivain. Pour cet érudit, le divin nectar a si intimement accompagné l’homme dans son histoire qu’il s’en est imprégné, et chaque vin raconte le passé de son terroir autant que de son sol. «Il n’y a rien de plus fascinant que de constater les différences entre deux vins nés à 100 mètres de distance et que ces différences sont immuables dans le temps», s’étonne-t-il.

L’humaniste tente toujours de comprendre un monde œnologique qui a bien changé depuis la parution, il y a quarante ans, de son Atlas mondial du vin. Dans la première édition, il n’y avait même pas de carte de la Nouvelle-Zélande. Parce que ce pays ne produisait pas de vins dignes d’intérêt. Et il y avait beaucoup d’autres pays qui n’avaient pas droit à une carte. L’homme qui croit avoir inventé l’expression «vin du Nouveau Monde», mais qui ne s’en vante pas, n’a aucun a priori contre ces nouveaux venus. Il regrette simplement que l’absence d’histoire leur fasse commettre certaines erreurs, comme croire que mettre des crus en barrique doit leur donner un goût vanillé. «Mais il y a aussi des vignerons formidables, là-bas!»

Hugh Johnson voyageait plus de 100 jours par année, mais il a réduit ses déplacements désormais. Il n’a plus non plus son chalet de Champex (VS), d’où il aimait partir se balader en été parce qu’il aime la nature et, particulièrement, les arbres. Il se définit lui-même comme un collectionneur, en ayant planté plus de 1000 espèces différentes dans les 25 hectares qui jouxtent son cottage de l’Essex. «Comme pour le vin, que je préfère laisser vieillir dans ma cave plutôt que de l’acheter déjà âgé, je suis heureux de planter mes arbres petits, de leur laisser le temps de grandir, de pousser.»

Pour lui, c’est bien le manque de temps qui mine notre époque. Parce que tout le monde veut tout, tout de suite, on crée des vins à consommer immédiatement, parfumés comme des cocottes pour masquer leurs défauts. Son élégance so British l’abandonne au moment de parler de l’autre dégustateur mondialement célèbre, l’Américain Robert Parker, qui a commencé à faire la loi sur le bordeaux à coups de notes avant de coloniser le reste du monde. «Je suis incapable de savoir si un vin mérite 90 ou 95, je ne sais pas ce que signifient ces chiffres. Je peux vous dire que j’aime tel vin, vous expliquer pourquoi, c’est tout.»

Celui qui officie toujours comme juré dans le concours de dégustation qui oppose Cambridge à Oxford s’émerveille des connaissances des jeunes passionnés. Mais, pour lui, le vin est d’abord une histoire de contexte, d’où il vient, avec qui on le boit. C’est pourquoi il est incapable de citer ses crus préférés, même si on comprend que les bordeaux ou les champagnes sont souvent sur sa table, où il déguste une ou deux bouteilles par jour. Déguste? «Si c’est bon, je bois…»

Et il y a le tokay, ce vin hongrois des tsars, massacré par les Soviétiques, et qu’il s’applique à réhabiliter. «Voilà ce qui me plaît, un vin que vous ne pouvez faire qu’ici et pas ailleurs. Pas une de ces marques standardisées.» Et, Monsieur Johnson, que pensez-vous des vins suisses? «Vous n’en avez pas assez pour les exporter. Buvez-les!»

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