Le boucher de Vallorbe Alexandre Remetter affine saucisses et jambon cru dans un fort du Jura tenu secret
Alexandre Remetter a fait son service militaire dans les troupes de montagne et il connaît bien la vie dans les fortifications plus ou moins grandes qui parsèment les montagnes suisses. Lorsque ce Neuchâtelois a repris la Boucherie de la Grand-Rue, à Vallorbe, il y a deux ans, il s’est rapproché involontairement du Fort de Pré-Giroud et de l’ensemble de 26 constructions militaires de la ligne du Suchet, qui va de Vallorbe au sommet du Jura vaudois. Le boucher s’est par contre rapproché volontairement de la fondation qui a racheté cet ensemble militaire pour 1 franc il y a vingt-cinq ans. Et c’est en discutant avec son président, Jean-Michel Charlet, qu’est née l’idée un peu folle d’utiliser un de ces ouvrages pour y affiner ses salaisons.
Jean-Michel Charlet a sélectionné un fortin libre dans la forêt du Jura, dont le lieu est tenu secret afin d’éviter que des importuns viennent faire main basse sur les saucisses et les jambons qui y séjournent. «Ce n’est pas forcément facile parce que ces constructions, avec leurs murs en béton de 2,50 m d’épaisseur, sont souvent très humides», explique le boucher alors qu’on grimpe dans la forêt pour aller visiter son repaire. Depuis Vallorbe, il fait le trajet plusieurs fois par semaine pour aller surveiller les salaisons: «Elles sont très sensibles aux courants d’air, par exemple. Alors, j’entrouvre ou je ferme les écoutilles de ventilation. Mais la température y est constante, aux alentours de 8 °C, ce qui est parfait pour l’affinage.»
Avant de s’attaquer au jambon cru, Alexandre Remetter avait commencé ses expériences militaires par des saucisses sèches. Il en faisait déjà à la gentiane ou au cerf, mais il s’est dit qu’il allait tester une recette propre à ces constructions. Puis il a essayé avec du lard. Enfin, le jambon cru s’est imposé. «On en fait aux Grisons ou au Valais parce qu’il y a un climat pour. Dans le canton de Vaud, c’est plutôt rare.»
Tout commence évidemment par des cochons de la plaine de l’Orbe, achetés aux abattoirs d’Orbe chez Marlyse Pilloud. Chaque lundi, les bouchers de Vallorbe désossent et préparent deux ou trois bêtes, dont ils font 6,5 tonnes de viandes et de charcuteries diverses. Pour le jambon cru, Alexandre Remetter sélectionne des pièces d’environ 1 kg, qui sont d’abord mises à saler pendant un mois. Les jambons sont ensuite rincés puis suspendus pour sécher pendant une à deux semaines. Direction le fort, ensuite, pour être affinés pendant six mois environ, même s’ils redescendent régulièrement à la boucherie où ils sont délicatement mis sous presse pour évacuer l’eau superflue. Tout au long du processus, la viande va perdre environ 40% de son poids.
«C’est beaucoup de travail et de manutention, mais on aime ce qu’on fait», s’amuse le boucher qui est toujours en «phase d’expérimentation». Son principal problème est ailleurs: il rencontre déjà un grand succès avec son «jambon cru du Fort de Pré-Giroud» alors qu’il n’a pas assez de marchandises à vendre (72 fr./kg à la pièce).
Boucherie de la Grand-Rue, Grand-Rue 18, 1337 Vallorbe, 021 843 11 18.