Louis-Charles Bovard, de Cully, a rencontré Marylène Chervet, de Praz, à Changins. Leur union dans le Vully donne de beaux vins
Ah, l’amour! Celui du vin a conduit Louis-Charles – fils d’Antoine, dont le domaine est à Cully – à Changins pour sa formation. Comme il a poussé Marylène Chervet – fille de François, dont le domaine est à Praz – dans la même filière, même si elle a réfléchi avant de trouver sa voie. L’amour, toujours, a réuni les deux jeunes gens, qui se sont rencontrés lors de leurs études à La Côte, lui, l’enfant de Lavaux, elle, la fille du Vully. Ils ont bougé un peu: lui aux Grisons, au lac de Bienne et en Nouvelle-Zélande; elle aussi en Nouvelle-Zélande, «mais sur une autre île!»
Elle est revenue au château familial s’occuper de la cave avec son père jusqu’en 2011, où il a passé la main. Marylène et Louis-Charles ont vite tranché: le domaine de Lavaux était trop petit pour deux, et Denis Bovard, le frère, s’y intéressait. «Vous savez, ici, il y a aussi un lac, des terroirs, des vignobles en pente: il ne manque que les murs de pierres sèches pour qu’on se croie à Lavaux», sourit Louis-Charles.
Pas de cave
Il ne manque pas non plus l’histoire: le Château de Praz remonte à 1520, propriété de familles patriciennes bernoises et fribourgeoises. A l’époque, le niveau du lac était plus haut qu’aujourd’hui. Et donc on ne construisait pas de cave en sous-sol. «C’est assez pratique d’être à niveau, avec des grandes hauteurs de plafond», explique Marylène. Si elle représente la cinquième génération de vignerons dans la famille, c’est son grand-père qui a acheté le château.
Travailler en couple demande un peu d’organisation: Louis-Charles s’occupe des douze hectares de vignes et de la gestion, Marylène des vinifications et de la vente. L’arrivée de deux enfants (le deuxième a 6 mois) a provisoirement modifié les rôles mais, sur le fond, les choses tournent bien. «Le plus dur, c’est qu’on n’a pas de frontière entre vie professionnelle et privée», affirme Marylène, qui a la décision finale sur les vins, même s’ils dégustent à deux. «Et aussi avec nos collègues. Dans le Vully, on n’est pas nombreux, mais il y a beaucoup de jeunes. La concurrence est saine, alors que, dans le même temps, on s’entraide beaucoup.» Travailler à deux, cela permet «d’être plus précis. Tout maîtriser, même à deux, c’est difficile», admet Louis-Charles.
Le premier coup de projecteur sur les vins du couple a vu leur chasselas de base 2011 obtenir la plus haute récompense d’Expovina et terminer troisième de la catégorie au Grand Prix du vin suisse. «Cela nous a fait tellement plaisir que notre vin phare, notre entrée de gamme, soit récompensé!» poursuit Marylène. Les deux suivent une ligne claire: une culture respectueuse de la nature – «quelques principes de biodynamie, mais le climat ici est quand même difficile», explique Louis-Charles –, des vins de cépage et une vinification qui les respecte.
Une terre à blancs
«Par rapport à nos parents, nous n’avons aucun complexe vis-à-vis des autres régions. Ici, nous avons un terroir qui permet aux blancs de s’exprimer», affirme Marylène. A part ce chasselas multiprimé, ils élaborent une Réserve blanche du même cépage, qui permet de bluffer les clients qui affirment ne pas aimer le chasselas: deux parcelles de vieilles vignes, une vendange plus tardive et un élevage sur lies donnent un nez floral et minéral. Parce que les deux vignerons aiment uniquement les monocépages.
«Le travail en cave doit juste permettre aux raisins de donner leur meilleur», explique la jeune femme. Elle qui n’aime pas les sucres résiduels déteste encore plus le raccourci «vin sucré égale vin de femme». Elle préfère des crus de caractère, des cépages aromatiques qui affirment leurs qualités, quitte à garder un poil de carbonique. Alors, forcément, pinot blanc, pinot gris, freiburger, traminer et sauvignon blanc se déclinent chez eux en une gamme élégante, gastronomique, qu’habillent désormais de nouvelles étiquettes, où des symboles rappellent les qualités du contenu.
TROIS VINS DONT ILS SONT FIERS
Château de Praz 2012, 75 cl, 10 fr. 50
Le millésime 2011 a moissonné les honneurs, remportant le Prix Vetropack à Expovina, terminant troisième de sa catégorie au Grand Prix du vin suisse. Le 2012 a conservé une étiquette historique, mais l’année a été plus difficile dans le Vully. Longue fermentation à basse température. Nez d’agrumes, de miel, pointe de tilleul. Bouche fraîche. «Un vin de plaisir, facile mais complet.» (30 000 bout.)
Traminer 2012, 75 cl, 18 fr.
«Je n’aime pas les sucres résiduels», affirme Marylène. La preuve par ce traminer droit, élégant et sec. Le nez sent la rose, le litchi, avec un petit côté levure. C’est puissant et frais en bouche, avec une longueur incroyable. Le 2012 a été vendangé en deux fois, avec une récolte minimale (230 g/m2) due à la météo. Une moitié a subi une macération pelliculaire. Le tout a été vinifié et élevé sur lie pour gagner en complexité. (2000 bout.)
Réserve Rouge 2012, 75 cl, 26 fr.
Même si le vin ne sera mis en bouteilles qu’au mois de novembre, il promet déjà. Issu des trois parcelles de gamaret les plus âgées (20 ans env.), où les baguettes ont été coupées dix jours avant la vendange pour concentrer les raisins. Douze mois de barriques de chêne suisse, un côté aromatique très marqué, avec un nez de framboise, de pruneau, un côté poivré et une belle complexité.
FICHE TECHNIQUE
Quoi?
11,5 hectares de vignes en deux parties principales, l’une autour du château, l’autre en direction de Môtier, en propriété. Six personnes au total sur le domaine, dont les deux époux.
Combien?
Onze vins (bientôt douze), dont sept blancs, un rosé et trois rouges. Huit cépages cultivés. Et deux marcs. De 10 fr. 50 (chasselas classique) à 26 fr. (Réserve Rouge).
Comment?
Tout est vendu en bouteilles, principalement à une clientèle privée et surtout en Suisse alémanique. Quelques cavistes et la restauration (15% environ).
Où?
Château de Praz, r. du Château 1, 1788 Praz-Vully. 026 673 18 18. www.chateaudepraz.ch. Vente du me au ve de 9 h à 12 h et de 14 h à 17 h 30, sa de 9 h à 15 h.