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Au resto, la chasse aux clients fantômes se durcit

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Les clients qui ne viennent pas après avoir réservé se multiplient. Faudra-t-il bientôt donner sa carte de crédit pour obtenir une table?

«Nous étions plein de collègues à nous demander qui ferait le pas en premier. Avec mon caractère fonceur, je l’ai fait.» Damien Germanier tient son restaurant de Sion avec talent (17/20 au «Gault&Millau», 1 étoile Michelin). Mais, pour aller manger chez lui, il faut désormais donner sa carte de crédit à la réservation sur internet ou par La Fourchette. L’annulation est gratuite jusqu’à 24 heures à l’avance. Ensuite, en cas d’annulation ou de no show, le terme choisi pour les clients qui ne viennent pas, 400 fr. seront débités automatiquement. «C’est un phénomène qui nous pose de plus en plus de problèmes, ces clients qui ne viennent pas. Ce sont des tables que nous n’avons pas pu vendre à quelqu’un d’autre, du chiffre d’affaires qui disparaît et de la marchandise que nous avons commandée en trop.»

«C’est une tendance qui augmente, confirme Gilles Meystre, le président de GastroVaud. C’est remonté dans nos assemblées et on se pose la question de la carte de crédit. Après tout, les clients le font pour réserver une chambre d’hôtel, pourquoi pas un restaurant? En même temps, c’est délicat pour un métier où on veut soigner l’accueil comme le nôtre.» De nombreuses tables demandent un numéro de téléphone. «Nous essayons de rappeler nos clients s’ils ne viennent pas, explique Romano Hasenauer, patron du Chalet des Enfants, de l’Abbaye de Montheron et de l’Abordage. Souvent, cela ne répond pas. Si on s’amuse à les appeler depuis un autre numéro, la personne répond souvent…»

L’Auberge Communale de Saint-Légier avait connu en 2015 une période délicate avec des fausses réservations qui se multipliaient. «Nous notons systématiquement le numéro de téléphone des clients. Et s’ils essaient d’appeler en numéro masqué, un message les prévient que ce n’est pas possible», explique Émilie Konrad. Depuis, «on n’a plus trop de problèmes».

Un coût certain

Ces réservations fantômes, Damien Germanier les avait comptées. «Cela représente 650 couverts perdus par année. Je vous laisse multiplier par un ticket moyen de 150 fr..» Oui, c’est près de 100 000 fr. de perte de chiffre d’affaires. Les tables misent sur une clientèle d’habitués plus fidèles. «Les clients fantômes sont souvent des personnes qui viennent pour la première fois, poursuit le chef valaisan. Les clients réguliers téléphonent au moins pour annuler, en général pour cause de maladie.» Un changement de société? «Sans doute, analyse Gilles Meystre. Il y a moins de respect pour le travail des restaurateurs. On connaît des clients qui réservent dans plusieurs adresses et choisissent au dernier moment. Ou qui restent bloqués à l’apéro chez des amis.»

Aux États-Unis, la carte de crédit à la réservation devient fréquente, en particulier dans les restaurants plus haut de gamme. En Espagne, en France, elle arrive aussi, comme chez Régis Marcon, 3 étoiles à Saint-Bonnet-le-Froid, à côté d’autres mesures, confirmations par SMS, limite des réservations dans la durée. Le site de réservation en ligne Guestonline a introduit le prépaiement pour ses centaines de restaurants partenaires et ça marche. «Depuis l’instauration, les no shows ont complètement disparu», témoigne Alexandre Mazzia, qui gère le célèbre AM de Marseille à nos confrères de «Food and Sens».

«Au Chalet des Enfants, on n’en est pas encore là, fort heureusement, se réjouit Romano Hasenauer. Mais on demande une confirmation par e-mail, avec toutes les coordonnées de la personne, pour des tables dès 8 personnes.»

La Fourchette pavoise

Le site de réservation en ligne La Fourchette, leader européen, s’en vante: «Les clients qui réservent par notre plateforme sont très peu des no show, affirme son directeur suisse Rémy Bitoun. Parce que nous connaissons toutes ses coordonnées, que nous lui rappelons par message sa réservation quelques heures avant. Et que, s’il doit annuler, la démarche est très simple, en un clic.» 

Le directeur affirme que ceux qui ne respectent pas leur réservation sont fichés dans la base de données, et que le restaurateur voit que tel client est «à risque». «Nous avons fait une étude pour savoir pourquoi les gens n’honoraient pas leur réservation. La première cause est l’oubli, la deuxième est la peur de rappeler pour annuler, les gens se gênent. Il y a très peu de mauvaises intentions.» 

Sur le site suisse, la réservation par carte de crédit est encore une rareté, «certains ne le font que pour des dates clés comme la Saint-Valentin». Damien Germanier se fait le porte-parole de ceux que l’annulation de dernière minute proposée par la plateforme dérange. «Quand le client annule 5 minutes avant, ça ne nous aide pas beaucoup plus.» Rémy Bitoun rétorque: «Il n’y a qu’à instituer des listes d’attente pour ces occasions-là.»

Article paru dans "24 heures" du 22 mars 2019

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