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Laura Paccot tire son énergie positive de la terre

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La vigneronne de Féchy reprend la célèbre Colombe paternelle avec un sourire ancré sur son visage de Madone sereine.

C’est officiellement aujourd’hui que Laura Paccot reprend la maison familiale au-dessus de la cave La Colombe à Féchy, ses parents déménageant à quelques centaines de mètres. Tout un symbole pour la trentenaire qui assume avec conviction cet héritage, ce domaine que ses parents Raymond et Violaine ont hissé parmi les meilleurs de Suisse. Elle est responsable des vignes depuis trois ans et a repris la moitié de la cave l’an dernier. «J’ai laissé la majorité à mon père pour qu’il reste motivé», explique-t-elle en souriant.

Le sourire, il est toujours là quand on la rencontre, à la vigne, à la cave ou ailleurs. Il illumine ce visage toujours serein de Madone italienne, il accompagne cette voix un peu douce qui aime expliquer, raconter, s’enthousiasmer… comme son père. «Nous sommes un peu bavards dans la famille. On se coupe souvent la parole.» Pourtant, la vigneronne cultive mieux que tout l’humilité et le respect. Celui de la terre, d’abord, elle qui préfère encore la vigne à la cave. «La cave, c’est le fruit de l’effort qu’on a fait à la vigne, c’est là que tout commence.»

L’exception devant son nez

L’enfant de Féchy n’a pas fréquenté de Jeunesse ou de sociétés locales, pas par mépris mais parce que les choses se sont faites autrement. De ce village où la famille s’est fait sa place depuis quatre générations, elle cultive pourtant la fierté, elle qui voudrait qu’on recrée une appellation Féchy, «un projet pour 2025». Si elle n’a pas toujours été attirée par le domaine, c’est «parce que quand vous vivez dedans vous ne vous rendez pas tout de suite compte que c’est exceptionnel».

L’automne dernier, les Paccot inauguraient le 2e Conservatoire du chasselas sur leur parcelle du Petit Clos.
L’automne dernier, les Paccot inauguraient le 2e Conservatoire du chasselas sur leur parcelle du Petit Clos.
Odile Meylan/24heures

La forte en maths fait d’abord une maturité en arts visuels. «Je n’étais pas un génie en dessin mais j’ai adoré l’histoire de l’art, comprendre les fonctionnements derrière les œuvres.» Sa mère — liseuse frénétique, qui a 35’000 livres à déménager dans sa nouvelle maison — l’encourage. Comme sa famille, elle s’intéresse à l’art, organise avec son père des concerts-dégustations de musique classique, lit elle-même beaucoup avant que le domaine et la maternité la privent de temps.

Ce sera ensuite l’École hôtelière de Lausanne, «parce que nous sommes beaucoup allés au restaurant en famille», où elle intègre l’équipe de We Wine. «Nous avons organisé des dégustations dans plein d’endroits, nous avons accueilli le Concours Millésime par équipes, c’était très enrichissant. Là, c’était clair que j’allais travailler dans le vin. Mais l’EHL est une bonne école de gestion et de management.» Elle enchaîne donc par un apprentissage de vigneronne, aux Grisons «dont le vignoble ressemble à ce que j’aime», et en Valais «si différent de chez nous». Se parfait encore à Changins tout en travaillant déjà au domaine.

Parmi les trois filles de Raymond Paccot, ce sera donc elle qui reprend, sans pression paternelle. «Les femmes dans les vignes, c’est tendance pour notre génération. Il y en a dix fois plus que la précédente.» La passionnée d’histoire rappelle les contraintes physiques ou morales aujourd’hui caduques. Aujourd’hui, la question du genre n’est plus une question, ni la base d’un style de vin.

«Laura m’a toujours impressionnée par sa détermination, sa force tranquille depuis que nous étions à l’école ensemble, raconte Cécilia Neyroud, une de ses amies d’enfance. Elle avait un grand professionnalisme déjà toute jeune, elle a une grande confiance dans les choix qu’elle fait et une belle intuition pour ses vins. Elle peut douter, heureusement, mais elle ne le montre pas.»

Laura et Raymond Paccot autour de leur petnat De Facto, un des vins nature du domaine.
Laura et Raymond Paccot autour de leur petnat De Facto, un des vins nature du domaine.
Odile Meylan/24heures

Dans les 14 hectares de vigne qu’elle cultive (outre l’achat de la vendange de cinq autres hectares), Laura Paccot poursuit le travail de son père. En biodynamie, bien sûr, mais aussi en biodiversité. Cela passe par la complantation de cépages variés dans une même parcelle ou par les premières plantations d’arbres dans les vignes.

«Plus on favorise la diversité des espèces, plus on favorise la résistance globale. Et plus on diminue l’influence de telle maladie ou de tel ravageur puisqu’il ne peut pas se répandre comme un feu de forêt.» Elle favorise aussi l’enherbement de ses vignes et la mycorhization des racines pour qu’elles répondent mieux aux pressions hydriques ou fongiques. «On fait plein d’essais, il faudra voir dans quelques années les résultats. Et ce qu’on fera des fruits que donnent ces arbres», rigole-t-elle.

Chercher, chercher encore

Chercher, comprendre, essayer: un credo familial que Laura reprend à son compte avec passion et cette tranquille assurance. Comme les essais de vins nature, sans soufre ajouté: «C’est un nouveau monde qui s’ouvre, passionnant. Mais on se plante aussi parfois.» Elle aimerait aussi simplifier l’encépagement de ses vignes: «J’adore le pinot noir et le chasselas. C’est fou tout ce qu’on peut faire avec ce dernier cépage, il offre tellement de possibilités, par ses terroirs ou ses vinifications sur lies.»

La maman de la petite Jeanne — «qui m’apporte tellement» — est surtout reconnaissante. «Je suis une privilégiée à tout niveau. Par ce domaine, par cette région, par la sécurité dans laquelle on y vit. C’est une chance folle, une vie parfaite. Parfois on a trop peur de perdre ce qu’on a quand on a tout.» Elle qui croit en une puissance supérieure — «on appelle Dieu ce qu’on ne peut pas expliquer» — a besoin de donner du sens à ce qu’elle fait. À la vigne ou à la cave, «ce qu’on fait est culturel, ce n’est pas pour obtenir de l’alcool. On se pose des questions sur chacune de nos interventions, c’est presque philosophique.»

Elle poursuit donc son chemin avec la même énergie, «celle du Scorpion»: «On a été éduqués par l’histoire à voir le mal, à se méfier, pour se préserver. Mais si on se force à voir le positif, il vient tout seul.»

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