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Marjorie Bonvin, la passionnée de vin, a réalisé le rêve de ses 8 ans

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La responsable des caves d’Henri Badoux a construit sa carrière avec autant de joie que de rigueur. À 33 ans, elle rayonne. 
(Article paru dans 24 heures du 9 février 2022, photo Jean-Paul Guinnard)

Avec Marjorie Bonvin, il n’y a pas de lézard. Enfin, si, il y en a un, puisqu’elle nous reçoit à la cave qui porte le sympathique reptile comme emblème. Pour le reste, elle est aussi ouverte que franche en s’asseyant dans la BadouxThèque voisine de la cave aiglonne qu’elle dirige depuis une année, «le poste dont je rêvais secrètement». Son visage est tout en finesse, ses yeux vibrent de curiosité et sa bouche s’illumine de son inaltérable sourire. Mais le tout cache une volonté de fer.

«J’ai toujours voulu faire ce métier. À 8 ans, je le savais déjà. Mes grands-parents maternels étaient revenus sur les hauts de Conthey à leur retraite. Et mon grand-père s’est mis à la vigne… pour ne pas s’ennuyer. On passait nos vacances scolaires à les aider.» Ils ne sont hélas plus là, mais ils pourraient être fiers du parcours de la petite Marjorie, qu’elle a construit avec constance.

La voilà donc responsable du 1,5 million de litre vinifié par Badoux, que ce soit en production propre ou à façon pour de nombreux clients. Un sacré challenge quand il y a dans les cuves, entre autres, le célèbre Aigle Les Murailles, une des marques phares de Suisse. «Les gens connaissent ce vin partout, depuis plus d’un siècle, et ils en attendent un style que je dois respecter en le travaillant.»

«Pas très scolaire»

Elle peut compter sur le soutien de l’ancien œnologue maison, Daniel Dufaux, passé à la direction générale du groupe Schenk, la maison mère, pour déguster avec lui ses produits. Il lui fait confiance: «Quand elle est arrivée, à 22 ans, j’ai tout de suite vu qu’elle était passionnée et très professionnelle. Elle s’est formée, je lui ai confié de plus en plus de choses. Aujourd’hui, elle doit s’exposer un peu plus, mais je la vois épanouie, ouverte, plus sûre d’elle. C’est une belle personne, qui est restée modeste et qui doit encore apprendre.»

Le parcours commence pour la jeune pousse – au nom prédestiné – par un apprentissage de viticultrice, parce qu’elle veut tout connaître du vin et donc de sa matière première. «Quand je vois le raisin, j’imagine déjà le vin que j’en ferai.» S’ensuivent un CFC de caviste, un brevet fédéral et une maîtrise, neuf ans d’études. «Je ne suis pas très scolaire, je me voyais mal faire des études d’ingénieure œnologue à Changins. J’ai besoin de pratique, de faire des choses.

«Les Lauriers de Platine de Terravin 2019 ont été ma plus belle récompense.»

Et elle les fait plutôt bien, à en croire les spécialistes. Ou le jury des Lauriers de Platine 2019, qui a classé le Villeneuve 2018 des Hospices cantonaux, qu’elle vinifie, meilleur chasselas vaudois. «C’était ma plus belle récompense. J’étais malade comme tout, mais je suis sortie de mon lit pour venir recevoir le prix avec Philippe Meyer, le responsable du domaine.» Sur la photo d'alors, elle est un peu blanchâtre, mais son sourire est de belle cuvée.

«Elle a une positivité intérieure impressionnante, une joie de vivre, même quand elle a été gravement malade, assure Daniel Dufaux. Mais elle a quand même son caractère, sait fixer des limites à sa nouvelle équipe, la cadrer.»

Pas de guerre des sexes

Pas facile pour elle de diriger ses anciens collègues dont tous, sauf un, sont plus âgés qu’elle. «C’était un challenge, mais ça se passe très bien. Je le réalise comme je suis, avec bonne humeur mais conviction. Je peux m’énerver. Rarement, mais il vaut mieux ne pas être là. Cela dit, je ne reste pas fâchée très longtemps», avoue la jeune femme. Elle dit avoir rencontré un poil de machisme à ses débuts dans le milieu mais plus du tout aujourd’hui. «Je crois que les hommes sont plutôt contents de voir arriver les femmes. On fonctionne sans doute un peu différemment, mais chacun fonctionne différemment de toute façon.» Elle ne se dit pas du tout féministe.

Sa liberté d’esprit, sa joie de vivre, on la retrouve aussi dans sa vie privée. Balades dans les vignes, ski et voyages rythment son quotidien avec son mari, Adrien. «Après ses noces, elle a fait un Trash the dress où elle a détruit sa robe de mariée dans une bataille de marc et de lie avec lui, c’était drôle, se souvient une de ses meilleures amies, Hélène Jourdain. Pour le reste, elle m’impressionne par son côté fonceur et déterminé. Parfois, son caractère peut s’emporter, mais elle se calme très vite. Et je suis fière que son investissement et sa volonté aient été récompensés.»

«J’aime les vins corsés, structurés, avec de la matière mais tout en finesse.»

Quand on demande à la jeune femme ses vins préférés, elle parle du chasselas des Hospice ou du Petit Vignoble de Badoux, de la petite arvine vinifiée par ses amis valaisans, du Clos de Chillon rouge, «mon bébé». Les grandes étiquettes françaises ne l’impressionnent pas, même si elle aime les bourgognes ou les vins jaunes du Jura. «J’aime les crus corsés, structurés, avec de la matière mais tout en finesse. De la dentelle, quoi!»

La passion d’Henri

Si elle doit respecter la tradition des Murailles, elle a de quoi se lâcher avec la gamme «moderne» de Badoux, cette quinzaine d’Henri qu’elle suit avec entrain. «Nous en sortons deux nouveaux sur le millésime 2021, dont une cuvée qui changera chaque année.»

Sinon, elle a replanté du diolinoir sur la petite vigne que ses grands-parents lui ont offerte en Valais. Avec Adrien, qui va bientôt reprendre la ferme familiale d’Aigle et les 8 hectares de vignes qu’il livre à des coopératives, ils se sont demandé s’ils allaient créer leurs propres vins. «Pour l’instant, j’ai d’autres priorités.»

Elle a choisi de ne travailler qu’à 80% pour avoir un jour par semaine à elle, mais elle multiplie les comités dans son domaine professionnel, en particulier tout ce qui touche à la formation: «C’est important d’aider la relève», conclut la jeune trentenaire… avec le sourire.


Bio

1988 Naît le 19 août à Monthey. Grandit à Bex avec sa sœur cadette, son père dans le bâtiment et sa mère infirmière.

2004 Commence un apprentissage de viticultrice, deux années en Valais, la dernière à Bordeaux.

2007 Entame son CFC de caviste à l’École d’agriculture de Châteauneuf (VS) tout en travaillant à Fully (VS). Rencontre Adrien à l’école, en formation agricole pour reprendre le domaine familial d’Aigle.

2008 Travaille chez Philippe Gex, à Yvorne.

2009-2011 Brevet fédéral et stages.

2011 Débuts chez Henri Badoux.

2014 Finit sa maîtrise fédérale de caviste.

2016 Épouse Adrien.

2021 Devient responsable œnologie et production de la maison aiglonne.

Lien permanent Catégories : Portrait, Vins 0 commentaire

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