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La Savoie croit en ses cépages autochtones

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vin,france,Riche d’une histoire viticole, notre voisin mise sur ses vins traditionnels pour sortir de l’anonymat, mondeuse, altesse ou jaquère

Il y a du beau monde vinicole, ce mardi matin, à Montmélian, en Savoie. D’un côté, une petite vingtaine de producteurs vaudois, genevois et valaisans de mondeuse, ce cépage rouge emblématique de la région, venus faire déguster leur vision de cette spécialité. De l’autre, leurs homologues régionaux qui font sauter les bouchons de leurs vieux millésimes de ce rouge un peu rustique.

La veille, les Savoyards s’étaient déjà réunis sous l’égide de leur Centre d’ampélographie, un fonds documentaire collecté par Pierre Galet. Michel Grisard en est le président, qui se bat pour la défense des cépages anciens. Ici, cela veut dire, côté blancs, la jacquère, qui couvre la moitié du vignoble; l’altesse, qui donne la Roussette de Savoie; la mondeuse blanche, dont il ne reste que quelques parcelles et qui est la mère de la syrah choyée tout au long du Rhône. En rouge, voici le persan et la mondeuse noire, deux cépages rustiques, productifs, qui se plaisent dans cette combe de Savoie au climat chaud.

Une charte de qualité

«Bien sûr, certains ont voulu planter du gamay ou du chardonnay, pour faire des vins qu’ils pensaient grand public, mais ça n’a pas marché», affirme Michel Grisard. Avec ses collègues des Pétavins, tous engagés en agriculture biologique, il se bat pour faire monter les vieux cépages en qualité. Michel Quenard, le nouveau président du Syndicat des vins de Savoie, le suit, par exemple pour la mondeuse: «Nous avons la volonté de mettre en place une charte qui limiterait les rendements et qui fixerait un certain nombre de bonnes pratiques œnologiques. C’est le fleuron de nos vins rouges, mais nous avons encore des efforts à faire.»

Il y a vingt ans, les clients voulaient du gamay, qui couvre aujourd’hui 15% du vignoble. La Savoie y a un peu perdu son âme. «Nous sommes une région viticole historique et nous devons revenir à nos traditions. Des vins plutôt légers, des fraîcheurs bien présentes», explique Etienne Saint-Germain, à la tête du domaine éponyme. «Et nous avons une peur absolue de tout côté oxydatif», affirme Maxime Dancoine, qui travaille chez Louis Magnin après avoir suivi les cours de Changins.

La dégustation des mondeuses des deux côtés de la frontière le prouve. Côté suisse, on cherche l’élégance, le fruit, comme celle de la commune d’Yvorne ou celles d’Henri Chollet, à Aran. On pousse l’aromatique, comme Pierre-Maurice Carruzzo, à Chamoson (VS), chez qui la mondeuse touche presque au cornalin. En Savoie, place à un côté sauvage, animal, comme les vieilles vignes de Michel Quenard ou Le Pied de la Barme des Saint-Germain.

Qui a jamais dégusté une jacquère typique ou une altesse aura découvert sans peine le goût des Savoyards pour une fraîcheur synonyme d’une vraie acidité. Qu’ils contrebalancent souvent par du gras, voire une sucrosité résiduelle. «Chez nous, on a vraiment toute la gamme de qualité, du plus bas au plus grand», résume Florent Audibert, un ingénieur qui travaille sur le projet Vinalps, qui vise à aider les Savoyards à améliorer leurs vieux cépages. «Mondeuse ou jacquère ont été tellement décriées dans le temps qu’elles en deviennent modernes aujourd’hui», conclut l’ingénieur. C’est vrai qu’il y a une vraie tendance chez les passionnés pour ces vins atypiques, loin des crus charmeurs du Nouveau Monde, un peu âpres mais qui font preuve d’un beau caractère.

Des cépages «modestes»

Comme Jean Rosen, pourtant Bourguignon, directeur de recherche au CNRS, qui adore ces «antiquités». Avec quelques amis, il a fondé les Rencontres des cépages modestes, qui réunissent professionnels et amateurs chaque année. «Ces vins me parlent, racontent une vraie histoire, font partie de mon terroir, à la différence des cabernets ou des merlots.» Des idées de collaboration se font jour autour d’une Biennale des vins alpins ou d’un Mondial de la mondeuse. Après tout, la Savoie vinifie du chasselas et vient de découvrir, grâce à José Vouillamoz, que son blanc de Maurienne presque disparu est en fait… une rèze du Haut-Valais.

TROIS VINS EN EXEMPLES

Mondeuse Tradition 2007, Prieuré Saint Christophe, Fréterive

Le domaine du plus ardent défenseur des cépages savoyards, Michel Grisard. La cuvée Tradition est issue de la plus vieille sélection de mondeuse de la famille. Cultivée en biodynamie sur un cône de déjection calcaire. Un nez floral, où la violette domine, et agréablement épicé. Des tanins très fins. Beaucoup d’élégance et de finesse. (Le 2009 est chez CAVE SA, à Gland, 29 fr. 50, www.cavesa.ch).

Roussette de Savoie 2010, Domaine Louis Magnin, Arbin

Créé en 1978, le domaine est désormais passé entièrement en biodynamie. Grand spécialiste de la mondeuse et de la roussanne pour ses Chignin-Bergeron, Louis Magnin cultive aussi 0,7 ha d’altesse sur Arbin. Vendanges manuelles, pressurage doux, deux fermentations avant un élevage sur lies en demi-muids et en cuve inox de 11 mois. Nez de truffe, d’ananas. Bouche riche où le gras et la fraîcheur se combinent. (31 fr. chez CAVE SA, www.cavesa.ch).

Le Pied de la Barme 2009, Domaine Saint-Germain, Saint-Pierre-d’Albigny

Etienne et Raphaël Saint-Germain ont repris les 10 ha du domaine familial à Saint-Pierre-d’Albigny, sous le parc des Bauges. En bio, ils y cultivent gamay et chardonnay, mais aussi tous les cépages savoyards. Vendanges mécaniques, vinifications traditionnelles et élevage en cuves. Le Pied de la Barme est une parcelle calcaire et chaude. Nez mûr, assez épicé, bouche fraîche et un peu rustique, tannins discrets. (Pas distribué en Suisse. 9 € 60 au domaine).

FICHE TECHNIQUE

Quoi Les vins de Savoie sont une AOC qui couvre la Savoie et la Haute-Savoie, ainsi que deux communes de l’Ain et une de l’Isère. De Ripaille, au bord du Léman, jusqu’à Chapareillan au sud. L’AOC compte seize dénominations géographiques. Deux autres AOC existent: Roussette de Savoie (altesse) et Seyssel (altesse en tranquille et molette et altesse en pétillant).

Combien Environ 2200 hectares de vignes, cultivées par une cinquantaine d’encaveurs et trois caves coopératives.

Comment 23 cépages cultivés, dont 11 principaux. La jacquère (blanc) représente près de la moitié de la surface. Suivent le gamay (15%), la mondeuse (12%), l‘altesse (10%), le chasselas (5%) et la roussanne (4%).

Où Maison de la vigne et du vin, 73190 Apremont. www.vindesavoie.net

Lien permanent Catégories : Vins 1 commentaire

Commentaires

  • Faire monter les vieux cépages et mettre en place une charte de bonnes pratiques œnologiques c'est la seule chose sensée à faire. De nombreuses régions ont été détruites par la manie des vins «grand public».

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